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À ceux qui croient ne rien pouvoir faire



À ceux qui croient ne rien pouvoir faire

Ils étaient 11, et lui avait 3 ans. Mais il parait qu’on ne peut rien y faire. Il leur restait 7 kilomètres à faire. Quelques heures à pieds en prenant le temps de s’arrêter à cause des enfants. Mais il y avait la mer. Oh rien, un bras de mer. "Regardez, on voit la cote là-bas". Devant eux la Grèce, l’Europe. Derrière eux la Turquie, pas encore l’Europe et Bodrum, jolie cité balnéaire ou la gentrie d’Istanbul vient faire du bateau en tenue blanche immaculée.

Ils étaient 11 et lui avait un tee-shirt rouge. Etaient-ils de la même famille ? Venaient-ils du même village ? En tout cas ils avaient dû faire confiance au même passeur. "Voilà deux bateaux. Vous n’avez qu’à aller tout droit, c’est simple".

Je vous entends. Je vous comprends parfois. Ils sont des dizaines et des dizaines de milliers. Comment gérer un tel afflux ? Oui c’est un drame dont on se passerait bien. Soyez tranquilles. Eux aussi s’en passeraient bien. "Que faire ?" se disent nos élus en prenant une mine de circonstance, tétanisés que leur humanité ne leur coûte leur siège.

Autour de nous, les pays frontaliers accueillent tant bien que mal des flots de réfugiés. Ils ne croulent pas sous l’or mais ils le font. 630 000 Syrie ns sont en Jordanie, 300 000 au Liban, le petit Liban ; 2 millions en Turquie qu’on critique tant. En France ? "3450 visas", dixit le ministère de l’Intérieur. Et on parle de pression insupportable.

Personne ne dit que ce sera simple ; personne ne dit que tous pourront être accueillis et intégrés. Mais au moins se mobiliser comme une urgence. Pour le tsunami, les ONG croulaient sous les dons et là rien ? On débat sur le mot "migrant". Je vous entends hurler "ils viennent pour les alloc'", comme arc-boutés sur un pactole. Vous est-il venu en tête que l’on puisse préférer son quartier, son village, son pays et rêver d’une Syrie en paix pour y revenir au plus vite ? Croyez-vous qu’avec notre sens de l’hospitalité légendaire ils se trouveront tellement bien en Europe qu’ils ne voudront plus jamais en partir ? Non ! Ils viennent parce que chez eux on tue. Tout et tout le monde.

Ils étaient 11 et lui du haut de ses 3 ans n’avait jamais connu autre chose que la guerre. Avait-il peur en montant sur la petite embarcation ? Prenait-il cela pour un jeu ? Riait-il ou était-il endormi dans les bras de sa mère ? Ils se sont repartis les coquilles de noix laissées par ce passeur de mort. Cinq sur l’une. Six sur l’autre. Lui et ses chaussures bleues étaient parmi les six quand le bateau a commencé à couler. Il était seul quand il s’est noyé. Seul quand il est mort. Sur la plage il semblait endormi. Comme nous. Mais lui ne se réveillera pas.


Par Olivier Ravanello (Le Monde selon Ravanello)

Jeudi 3 Septembre 2015 - 13:10


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