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Affaire Wildenstein : relaxe générale pour la famille de marchands d’art et ses conseillers

La famille de marchands de tableaux Wildenstein et ses conseillers étaient accusés de « fraude fiscale et blanchiment en bande organisée ».



Affaire Wildenstein : relaxe générale pour la famille de marchands d’art et ses conseillers
« Cette décision est susceptible de heurter le sens commun » a admis le président de la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Olivier Géron, en annonçant, jeudi 12 janvier, après une heure d’exposé de sa motivation la relaxe de Guy Wildenstein, héritier d’une dynastie de marchands de tableaux remontant au XIXe siècle, et de ses co-inculpés, accusés de « fraude fiscale et blanchiment en bande organisée ».

Conclusion effectivement surprenante au terme d’un procès qui avait duré quatre semaines, et au cours duquel la procureure Monica d’Onofrio avait requis contre Guy Wildenstein, principal accusé, quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis et 250 millions d’euros d’amende. Mme d’Onofrio avait qualifié les faits de « fraude fiscale la plus sophistiquée et la plus longue de la Ve République ! ». Celle-ci attestait, selon elle, de la « mise en place de procédés, des montages conçus par des professionnels avertis, à destination d’une famille qui a vécu dans l’opulence en payant peu d’impôts, que les citoyens du monde ne supportent plus ».

« Une claire intention d’évasion patrimoniale »
Le président l’a confirmé : de son point de vue, « le patrimoine a été clairement dissimulé, sur plusieurs générations, avec une claire intention d’évasion patrimoniale ». Ceci dans des trusts, ces entités de droit anglo-saxon, situés dans des paradis fiscaux. Une loi de finances votée en 2011 dit explicitement que de tels avoirs doivent être déclarés, notamment en cas de succession. Et c’est pour ne l’avoir pas fait lors de celle de son père Daniel, mort en 2001, et de son frère Alec, décédé en 2008, que Guy Wildenstein et ses co-accusés (son neveu, sa belle-sœur, deux avocats et un notaire - et des deux sociétés financières abritant des trusts) étaient poursuivis.

Lire aussi :   Procès Guy Wildenstein : le crépuscule d’une dynastie ?
Or, la loi de 2011 ne s’applique pas en l’espèce, les faits étant antérieurs. Le président Olivier Géron s’en est même indigné, non sur le principe de non-rétroactivité, qui est gravé dans l’airain du droit, mais de ce que « le législateur », entendez l’Assemblée nationale et le Sénat, « n’ait pas cru bon d’intervenir avant 2011 » alors que l’existence des trusts pose un problème au droit français depuis au moins un siècle.
Le tribunal, a t-il expliqué, s’est donc penché sur la manière dont le droit anglo-saxon traitait la chose, ce qui, et pas seulement à cause du très exotique accent anglais dont il a fait preuve en s’en excusant, n’a pas dû être une mince affaire. Ces entités juridiques, dont l’existence remonte au Moyen Age, permettent de mettre ses biens à l’abri, sous l’égide d’un « protecteur ». C’est légal, sauf, comme l’accusation a tenté au long du procès de le démontrer, s’ils sont fictifs.

Manque d’enquête
Le président a admis que, pour les Wildenstein, il y avait de fortes présomptions que ce soit le cas. Mais pas de preuves. Lors des audiences, les avocats de Guy Wildenstein, qui n’ont pas volé leurs honoraires, Me Eric Dezeuze et Me Hervé Temime l’avait souligné. Or, avait rappelé Me Temime, ce sont les règles du procès pénal : « la charge de la preuve est imputable au Parquet, et la certitude doit être absolue. »
Le président Géron leur a donné raison, regrettant que les juges d’instruction n’aient pas pu investiguer comme ils l’auraient dû auprès des trusts, lesquels, il est vrai, sont situés dans des pays comme les îles anglo-normandes ou les Caraïbes, fort peu connus pour leur diligence en matière d’aide judiciaires internationale.

Le fisc réclame 500 millions d’euros
« Le tribunal, a-t-il précisé, s’est interrogé sur l’existence réelle des trusts, dont les membres de la famille Wildenstein semblaient garder le contrôle de la gestion des biens, et dont les fonds servent exclusivement à financer les dépenses de la famille ». Mais, a-t-il ajouté, « un tribunal ne peut conclure à l’imposture en l’absence de preuves directes ». « Par ces motifs, aucune fraude fiscale ne peut leur être reprochée », a-t-il dit avant de prononcer la relaxe.

Le droit, rien que le droit, qui, justifie le président Géron doit bénéficier de la même façon « aux puissants et aux miséreux ». Et tant pis si la morale publique en prend un coup. Guy Wildenstein n’était pas présent à l’audience, mais son avocat, Hervé Témime, a déclaré que son client était « très soulagé ». Il lui reste cependant à affronter un procès au civil, dans lequel le fisc lui réclame environ 500 millions d’euros, et à s’expliquer sur la présence dans les réserves de l’institut Wildenstein à Paris de tableaux saisis par la police, qui pense qu’ils auraient pu être spoliés à leurs propriétaires légitimes.
 
 
 

LeMonde.fr

Jeudi 12 Janvier 2017 - 11:10