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Crash du vol MH17 en Ukraine : l’enquête s’annonce compliquée en zone de guerre

Le convoi transportant une partie des dépouilles des victimes du Boeing de la Malaysia Airlines est arrivé ce mardi 22 juillet à Kharkiv après avoir traversé une zone de l'est de l'Ukraine contrôlée par les rebelles pro-russes. De là, un avion militaire néerlandais doit acheminer les corps vers les Pays-Bas. Sur les 298 passagers décédés, 193 étaient Néerlandais. L’enquête s’annonce compliquée sur le site du drame. Pour en parler, Jean Radvanyi, spécialiste de la Russie et des Etats post-soviétiques et professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Il est l’invité de RFI.



RFI : L'enquête ne semble pas simple. Des bombardements ont eu lieu hier dans la zone de l’aéroport, également dans celle de la gare de Donetsk, avec des accusations assez contradictoires du côté des séparatistes d’un côté, des forces gouvernementales de l’autre...

Jean Radvanyi : Oui. C’est à peu près inévitable, parce qu’on est dans une situation vraiment très difficile, dans une région très compliquée puisqu’il y a d’une part ces forces séparatistes dont on ne sait pas si elles représentent la majorité, probablement pas la majorité de la population qui ne voulait pas au départ se séparer de l’Ukraine. D'autre part, on a une situation vraiment très dégradée et des craintes multiples sur les populations civiles qui fuient, une ville d’un million d’habitants. Il y a des précédents sinistres dans la région, à Grozny et d’autres aussi. On n’en est pas loin et c’est vraiment quelque chose d’incroyable parce que personne ne pouvait, n’osait imaginer qu’il y ait une chose pareille entre les Russes et les Ukrainiens.

Par contre, on a un peu du mal à comprendre pourquoi le gouvernement, si effectivement il a lancé cette offensive sur Donetsk, préfère parler de milices et non pas reconnaître ouvertement que c’est son armée qui est impliquée sur place.

Parce que ce n’est quand même pas trop populaire. Il y a des pressions occidentales d’une part pour calmer le jeu et pour trouver une solution diplomatique. D'autre part, il y a un jeu très compliqué et ambigu de la Russie. Et il y a des forces quasi incontrôlables. Il n’est pas exclu qu’il n'y en ait pas des deux côtés d’ailleurs. Parce que les milices ukrainiennes progouvernementales, qui ont joué des jeux déjà assez périlleux et meurtriers à Odessa par exemple, peuvent aussi agir en Ukraine orientale puisqu’il y a la volonté de reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire ukrainien.

Odessa où l’on avait vu des dizaines de civils pro-russes tués dans un incendie ?

Avec des provocations multiples et un jeu de ces milices qui sont associées parfois à des fanatiques de football. Des milieux nationalistes ukrainiens qui s’opposent à des nationalistes russes qui ont reçu dans l’est ukrainien l’aide de forces venant de Russie, pas les forces officielles mais des volontaires qui veulent participer à cette bataille, y compris des Tchétchènes et d’autres forces de Russie. Elles disent vouloir défendre la cause russe, suivant un appel qui n’était pas un appel direct mais un appel quand même. Celui de Vladimir Poutine qui, initialement, avait dit qu’ il faut protéger les Russes partout où ils sont.

Difficile d’interpréter l’attitude précise de Vladimir Poutine. Il a dit lundi, que son pays ferait tout ce qui est en son pouvoir pour que ce conflit passe d’une phase militaire à une phase de négociations. Comment interpréter ces propos ?

Moi, je suis persuadé que Vladimir Poutine n’avait pas l’intention de s’engager à aucun moment en Ukraine orientale directement par son armée. Mais sa politique, c’est de faire pourrir la situation en Ukraine de façon à ce que le rapprochement avec l’Union européenne, prôné par le gouvernement actuel ukrainien, soit un échec. Et c’est ça sa stratégie. Donc il utilise toute sorte de moyens et quand ça va un peu trop loin, il fait des déclarations un peu apaisantes. Evidemment, cette affaire d’avion qui s’est écrasé et dans lequel il y a à coup sûr l’utilisation d’armes russes, tombe très mal pour lui et l’amène donc à relancer ses propos apaisants. Mais il n’empêche que c’est effectivement sa stratégie qui est à l’origine de la naissance de ce mouvement séparatiste. Et ce mouvement séparatiste, à coup sûr, a reçu des armes, des conseillers, par forcément, encore une fois, officiels, mais on sait bien que dans ce cas-là, c’est facile d’infiltrer des bandes de jeunes qui viennent faire le coup de main par quelques personnes qui sont beaucoup plus formées et qui ont un rôle semi-clandestin. On connaît  bien cela. Les Français l'ont fait partout dans le monde, en Afrique. Les Américains, aussi, quand ils le veulent. Donc les Russes le font aussi.

A lire :

Jean Radvanyi : Retour d’une autre Russie : une plongée dans le pays de Poutine, aux éditions Au bord de l’eau (2013).


RFI

Vendredi 25 Juillet 2014 - 11:12


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