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Disparition de Jean-Karim Fall: les réactions de ses confrères et amis

Le journaliste franco-sénégalais Jean-Karim Fall, grand spécialiste de l'Afrique, est décédé brutalement vendredi 26 mai 2017 à l'âge de 59 ans, alors qu'il couvrait le sommet du G7 à Taormina, en Sicile. Rédacteur en chef et chroniqueur à France 24 depuis 2012, il était une voix familière des auditeurs de RFI, sa maison de 1984 à 2012. Jean-Karim avait notamment été notre correspondant à Abidjan et Libreville, avant de diriger notre service Afrique et d'être l'un des rédacteurs en chef de la « radio du monde ». Ceux qui l'ont cotoyé et l'appelaient « tonton » lui rendent hommage.



Laurent Correau, rédacteur en chef du service Afrique de RFI
 
« Je crois que Jean-Karim Fall a transmis à toute une génération de journalistes, dont je fais partie, un vrai sens de la rigueur dans la vérification de l’information ; cette idée qu’il fallait à tout prix que les informations circulant sur RFI, soient des informations vérifiées. Et je crois qu’il nous a tous transmis ce grand amour de l’auditeur africain qui est vraiment au cœur de l’identité de RFI, cet auditeur à qui il faut fournir une information de grande qualité, une information exigeante. »
 
Laurent Chaffard, chef du service Afrique de RFI
 
« Moi, ce que je retiens surtout de lui, au-delà du connaisseur de la matière et de l’excellent journaliste, c’est quelqu’un qui savait gérer une équipe, et ça c’est important. On peut être un très bon connaisseur et ne pas savoir gérer une équipe ou l’inverse. Il avait contribué à professionnaliser ce service, notamment en mettant au point une organisation, que ce soit à Paris ou sur le terrain, qui donnait de la crédibilité à cette antenne et au travail de RFI. »
 
Pauline Simonet, présentatrice du journal Afrique sur France 24
 
« Il est venu me parler, il m'a demandé deux-trois choses sur mon profil, sur mes origines. Je lui ai dit que j'étais originaire du Rwanda. On est métis tous les deux, donc il y a tout de suite un lien qui s'est créé, et il m'a dit immédiatement, sans me connaître : " Il faut que tu partes là-bas, ne végète pas ici à Paris, ne reste pas travailler à la rédaction, il faut que tu repartes là-bas, ça te fera du bien personnellement et professionnellement. " Je lui ai dit que je n'avais encore aucune expérience en tant que journaliste. " Est-ce que je vais être à la hauteur ? " Et il m'a dit qu'il serait de toute façon là pour m'épauler. Il était chef du service Afrique de RFI à cette époque-là. Et effectivement, c'était quelqu'un qui ne vous laissait jamais seule désarmée sur le terrain. »
 
Sarah Sakho, correspondante de France 24 à Dakar
 
« Jean-Karim, c'est quelqu'un que j'appelais " tonton ", pour dire le genre de relation que nous, les jeunes correspondants, avions avec lui en arrivant à RFI... C'était quelqu'un d'attentif, de très intelligent, il prenait toujours le temps - même quand il était en congé par exemple - de répondre à un coup de fil un peu paniqué pour aider à reformuler les questions d'une interviews importante, ré-angler un sujet, etc. C'était quelqu'un de toujours disponible. »
 
David Baché, journaliste au service Afrique de RFI
 
« Ce qui me restera toujours de lui, c’est à la fois sa connaissance du continent et sa capacité à motiver ses troupes. Je me souviens, par exemple, d’avoir eu un jour à faire le portrait d’un chef rebelle, un Congolais. Et très franchement, je connaissais son parcours, mais pas beaucoup plus. Jean-Karim, dès la conférence de rédaction du matin, avait su me raconter des anecdotes précises et personnelles qui avaient intéressé tout le monde et qui avaient fini par nourrir mon papier. Et puis, Jean-Karim était toujours encourageant avec nous. Moi, je me souviens d’être resté très tard un soir à la rédaction pour interviewer un homme politique important, une interview assez délicate. J’étais très jeune. Eh bien, Jean-Karim, il était resté avec moi. Alors, sans doute était-il resté pour s’assurer que le boulot serait bien fait, mais aussi pour me soutenir ! Quand je suis sorti du studio, il était venu me féliciter. Je m’en souviens encore. »
 
Robert Minangoy, responsable de RFI en swahili
 
« Jean-Karim s'était vraiment démené pour sauver un confrère, qui était dans de grosses difficultés, il était incarcéré. Jean-Karim avait fait la tournée de tous les centres de décision qui pouvaient peut-être éclaircir le cas Hassan Ruvakuki, et il était venu apporter son témoignage lors du procès d'Hassan Ruvakuki. C'était à Gitega, à l'intérieur du Burundi. »
 
Marie-Pierre Olphand, journaliste au service Afrique
 
« C’était l'un des chefs que l’on a eus à RFI pendant plusieurs années, et c’est quelqu’un qui, surtout, avait beaucoup de charisme. Quelqu’un que tout le monde respectait dans la rédaction. C’était surtout quelqu’un qui nous donnait envie de travailler. C’est quelqu’un pour qui on avait envie de bien travailler quand il nous proposait de partir en mission, quand il nous demandait tout simplement de faire un papier. On avait envie de faire plaisir à Jean-Karim parce qu’il avait ce qu’on appelle " la gniaque ", tout simplement. »
 
Béatrice Leveillé, journaliste au service Monde de RFI
 
« C’est un des journalistes qui a créé, construit, bâti RFI. Moi, je l’ai connu il y a 30 ans, j’étais une toute jeune journaliste, je faisais mes premières missions, à Addis-Abeba en Ethiopie par exemple, c’était un sommet de l’OUA. Je représentais le Monitoring, il était là pour le service Afrique. Pour moi, c’était déjà un grand reporter, un journaliste confirmé. Il était tout jeune, en fait. Et on a travaillé ensemble pendant 10 jours comme des fous pour couvrir cet événement. J’ai appris beaucoup grâce à lui. »
 
Pierre Guérin, assistant d'édition au sein de la rédaction de RFI
 
« Un souvenir de Jean-Karim Fall, d’un grand journaliste, d’un grand connaisseur de l’actualité africaine... Il m’avait beaucoup appris quand je suis arrivé au poste d’assistant d’édition à la rédaction Afrique fin 2007. Il avait souhaité que RFI retourne en Côte d’Ivoire après une période tumultueuse, compliquée et triste, douloureuse pour notre radio. Et c’est précisément au moment de la crise post-électorale ivoirienne, début 2011, que j’ai pu voir combien il était précieux de l’avoir à ses côtés, de travailler avec lui. Il y avait des moments de tension liées à l’actualité forcément, mais il restait très flegmatique, il nous rassurait beaucoup, il rassurait aussi beaucoup les présentateurs. Quand l’actualité s’emballait un peu, il trouvait les bonnes phrases, il nous accompagnait vraiment dans notre travail. Ce que j’avais remarqué à cette époque, c’est qu’il savait parfaitement anticiper ce qui allait se passer, l’évolution de la situation après l’élection d’Alassane Ouattara. Il savait qu’il y aurait des points de la Constitution que Laurent Gbagbo contesterait, il savait que Laurent Gbagbo s’accrocherait au pouvoir. »
 
Yves-Laurent Goma, correspondant de RFI à Libreville
 
« Moi, quand je suis rentré à RFI, j’avoue que mes relations avec Jean-Karim Fall n’avaient jamais été bonnes, parce que Jean-Karim Fall, c’était ce professionnel, ce chef à Paris qui était assez exigeant, sinon très exigeant en terme de qualité ! Nos relations par contre se sont améliorées grâce au séminaire organisé par RFI à l’intention de tous ses correspondants, et là je suis parti avec la détermination de convaincre Jean-Karim Fall. Il a donné des exercices, on a fait les exercices et il a dit : " Le meilleur exercice, c’est celui de Yves-Laurent. " Je vous assure que ce jour-là, mon cœur s’était illuminé parce que je me disais : " Voilà un professionnel que je n’avais jamais réussi à convaincre et pour la première fois, sur la base d’un exercice, je l’ai convaincu alors je dois continuer. " »
 
Moussa Kaka, correspondant de RFI au Niger
 
« C’est une grande perte pour moi. Je garde vraiment de très bons souvenirs à l’époque où il était rédacteur en chef du service Afrique. Et vraiment, c’est quelqu’un qui a beaucoup d’amis en Afrique et qui connaît vraiment bien les sujets africains. C’était le vrai chef, quoi. Quand vous discutez, il vous écoute d’abord. Il vous écoute et puis il vous oriente. Et quand vous rendez le travail, vraiment, si c’est parfait, il vous appelle directement et vous dit : " Moussa, tu as fait un bon travail. Ça c’est du bon boulot. " Et surtout, quand j’avais eu mes pépins avec le régime de Tandja, Jean-Karim Fall et d’autres personnes de RFI étaient vraiment la cheville ouvrière du principal soutien que j’avais de par le monde. Jean-Karim Fall a très vite cru en mon histoire – à ce pourquoi j’ai été arrêté, et s’est battu jusqu’à ma libération. »
 
Ibrahim Koné, médiateur à la RTI, la radio et télévision ivoirienne
 
« Jean-Karim était… Il avait "une allure bonhomme", gentil, rigoureux. Tempérance et rigueur se conjuguaient admirablement. Et j’ai trouvé ça formidable et je crois que ce sont les qualités d’un grand journaliste. Jean-Karim a été l’un des pionniers du dialogue utile, de la compréhension entre les journalistes locaux et ceux qu’on appelait les journalistes correspondants étrangers. Parce qu’on ne comprenait pas très bien que, pendant ces heures chaudes, on ne comprenait pas qu’en Côte d’Ivoire on mette de l’huile sur le feu. Lui il nous aidait, au contraire, à faire comprendre aux autres qu’on pouvait faire du bon journalisme sans mettre de l’huile sur le feu. Je pense que c’était un grand ami qui vient de partir ».
 
Saleh Kebzabo, opposant tchadien
 
« Jean-Karim et moi on se connaît maintenant depuis plus de vingt ans. Il avait l’habitude de venir ici au début de l’ère démocratique. Il est venu, il a même couvert l’élection présidentielle de 96. Nous nous sommes fait à l’époque d’ailleurs beaucoup de confidences sur cette élection plus que controversée. Jean-Karim était quelqu’un de très attachant. Sérieux dans le travail, je peux même dire rigoureux, un journaliste vraiment professionnel comme on les aime. C’est comme ça qu’il est passé d’ailleurs de la radio à la télé, avec toujours le même talent. On le suivait. On l’a encore récemment suivi sur la chaîne France 24. Il a toujours fait preuve de professionnalisme et de rigueur dans ses couvertures. Donc vraiment pour moi c’est un choc. C’est un choc, surtout vu les circonstances dans lesquelles il est mort. Il est mort au travail, il est mort en reportage. Il a donc fait son boulot. Il adorait son métier jusqu’à la dernière minute. C’était vraiment un grand connaisseur de l’Afrique que nous perdons. C’est réellement une perte pour l’Afrique ».
 
Ablassé Ouédraogo, ancien ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso
 
« Depuis 1994, quand je prenais mes fonctions de ministre des Affaires étrangères, ma vie professionnelle m’a permis de rester en contact avec lui. Et chaque fois que j’étais de passage à Paris, je faisais tout pour serrer la main de Jean-Karim Fall. Jean-Karim Fall est un frère. Et je peux vous certifier que Jean-Karim Fall et son compère Christophe Boisbouvier ont aidé à l’épanouissement de la diplomatie de notre pays. C’est un grand Monsieur, un professionnel, avec qui je partageais beaucoup de choses. C’est un Monsieur qui était très, très prudent, qui va à la source de l’information. Jean-Karim ne diffuse jamais une information qu’il n’a pas mis le soin de vérifier. C'est un monument en matière de journalisme ».
 
Alpha Barry, ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso et ancien correspondant de RFI
 
« On était dans des démarches pour un recrutement, c’était en 1997. Il m’appelait de temps en temps, on discutait de sujets sur l’Afrique et de ses connaissances sur chacun des pays africains. Et puis quand j’ai commencé à travailler, le fait de montrer que tel sujet, il faut le prendre de telle manière, sur les différents angles qu’il faut privilégier. Sur ce plan-là c’était vraiment un grand journaliste. Non seulement quand il travaillait pour lui-même, mais aussi pour les autres. C’est quelqu’un pour qui j’ai eu un grand respect. La dernière fois où je l’ai vu c’était à Addis-Abeba, au sommet de l’Union africaine, fin janvier-début févier. Et même devenu ministre, toutes les fois que je le voyais, même quand j’étais sur un tapis rouge, je sortais du tapis rouge pour aller lui dire bonjour, parce qu’on avait gardé une grande amitié entre nous et je dirais même une fraternité. Il n’y a pas longtemps, je le voyais à la télé. Je l’ai montré à une amie et j’ai dit "C’est lui qui m’a recruté". Je le disais fièrement, et là j’apprends sa mort. C’est une grosse perte et j’en suis vraiment affligé ».
 
Ally Coulibaly, ministre de l'Intégration africaine et des Ivoiriens de l'extérieur, ancien directeur de la RTI, la radio et télévision ivoirienne
 
« Ah ! Vraiment, j’avoue qu’il appartient à la lignée des très grands professionnels. J’avais beaucoup d’admiration pour lui. C’était un journaliste talentueux qui avait une haute compréhension des problèmes africains et qui savait les décrypter. J’appréciais ses analyses. La recherche de la vérité était son principal moteur et l’objectivité qu’il recherchait en permanence. Et cela m’impressionnait. Voilà. C’est terrible. Après Ghislaine Dupont, mon cœur recommence à saigner ».

Rfi.fr

Samedi 27 Mai 2017 - 09:44


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