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Le massacre de Thiaroye: le 1er décembre 1944

Tirailleurs sénégalais
" Vous, mes frères obscurs, personne ne vous nomme
On vous promet 500 000 de vos enfants à la gloire des futures
Morts, on les remercie d'avance, futurs morts obscurs
Die schwarze Schande ! "
(Léopold Sédar Senghor, « Hosties noires », «Morts pour la République»)



Prisonniers Africains au  camp de Luckenwalde près de Berlin Stalag III A, Luckenwalde bei Berlin. (©  Dauerausstellung Heimatmuseum Luckenwalde)
Prisonniers Africains au camp de Luckenwalde près de Berlin Stalag III A, Luckenwalde bei Berlin. (© Dauerausstellung Heimatmuseum Luckenwalde)
Suite aux combats sanglants de la Deuxième Guerre Mondiale en France, comme la Bataille de Lyon, les troupes coloniales étaient déportées dans les stalags que l'armée nazie avait construits dans les pays occupés. Stalag est l’abréviation du terme allemand «Stammlager». qui signifie camp de prisonniers de guerre. Seuls quelques stalags en Allemagne étaient destinés aux prisonniers Africains. Les plus connus sont ceux de Sansdbostel, Hemer et de Luckenwalde à 50 kms de Berlin. Les Nazis avaient construit des camps en France pour détenir les troupes coloniales qu’ils faisaient prisonnières, car la Wehrmacht craignait qu’en incarcérant des Africains en Allemagne, on introduirait au sein du Reich allemand des maladies tropicales infectieuses.

En France, presque toutes les troupes coloniales étaient détenues au stalag de Poitiers. En 1940, le président Léopold Sédar Senghor était incarcéré au stalag de Poitiers 230 où se trouvait la majeure partie des prisonniers Africains. Là-bas, tous les soldats devaient assister obligatoirement au cours d'Allemand.

En 1944, la fin de la guerre approche et la France procède au blanchissement de ses troupes. Les tirailleurs Sénégalais, qui, en fait, étaient des soldats venus de toute l'ancienne Afrique Occidentale Française (AOF) sont rapatriés en Afrique. Ils débarquent à Dakar, au camp de Thiaroye, qui est un camp de transit où les anciens combattants séjournent avant de regagner leurs pays respectifs: Guinée, Mali, Haute Volta (aujourd’hui Burkina Faso), Tchad, République centrafricaine, Congo Brazzaville, etc....


Thiaroye, Le Camp de l'humiliation des valeureux soldats Africains

© Dr. P.Herzberger-Fofana. Le cimetière de Thiaroye, à 20 kms de Dakar,
© Dr. P.Herzberger-Fofana. Le cimetière de Thiaroye, à 20 kms de Dakar,


Les tirailleurs sont entassés au camp de Thiaroye où ils doivent maintenant faire face à l'arrogance et au racisme des gradés militaires Français. Ces derniers ignorent leurs hauts faits d'armes, comme la défense de Toulon, et leur font subir toutes sortes d'humiliation. Ils leur font échanger leurs tenues militaires contre des shorts et chéchia qui rappellent, par bien des points, la publicité raciste «y a bon Banania» des années 1930, à Paris. Mais plus grave encore: les tirailleurs ne perçoivent pas leur pécule de guerre promis par la France. L'armée française refuse également qu’ils changent leur argent en monnaie locale. En effet, l'Allemagne avait versé, aux prisonniers Africains, une allocation de 4000 Reich Marks en compensation des travaux qu’ils avaient effectués durant leur détention.

Las d'être pris pour des sous-hommes après avoir combattu dans une guerre qui n'avait rien à voir avec leur histoire, les tirailleurs prennent en otage un général Français, le 30 novembre. Ils le libèrent le jour même, après avoir obtenu la promesse ferme qu'ils seront payés. Mais, à l'aube du 1er décembre, ce même général Français organise le massacre des tirailleurs durant leur sommeil. La répression est sanglante. La France exécute froidement ces valeureux soldats Africains, dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre. Le gouvernement français voulait donner un exemple et montrer qu'il ne supporterait pas de révoltes et encore moins une mutinerie dans ses colonies.

Des 1300 soldats présents à Thiaroye, 300 seront tués et 950 envoyés illico presto dans leurs pays respectifs. Enfin, 34 soldats, dont Papa Guèye Fall, seront considérés comme les meneurs et ils seront condamnés à des peines d'emprisonnement allant d'un an à dix ans et une amende de 100 Francs (pour l'époque c'était une forte somme). Ils perdaient en même temps tous leurs droits civiques et leurs droits à la pension. Ils ont tous été grâciés, en 1947, par le Président Vincent Auriol, mais cependant ils n'ont jamais perçu entièrement leurs pensions.

Le massacre de Thiaroye: le 1er décembre 1944
«ON NOUS TUE, MAIS ON NE NOUS DESHONORE PAS»
(Devise de l'armée sénégalaise)


Jusqu'en 2008, les tirailleurs anciens combattants que nous avons interrogés percevaient la somme de 100€ et un ticket de la SNCF (Société Nationale des Chemins de Fer Français), ce qui est nettement inférieur aux pensions versées à leurs homologues Français.
Une loi française nommée «la décristallisation» justifie ce traitement injuste.

Selon cette loi, le niveau de vie en Afrique est nettement plus bas que celui de la France. Pour cette raison, il n'est pas nécessaire que les tirailleurs perçoivent la même pension que leurs frères d'armes Français. Malgré de nombreuses pétitions et promesses de tous les présidents Français qui se sont succédés depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, la situation des tirailleurs n'a pas changé. Actuellement, 55 d’entre eux vivent encore au Sénégal.

En 2008, nous avions publié le récit émouvant qu'El Hadj Alioune Gadio (1928-2008), le père de l'ancien Ministre des affaires étrangères du Sénégal, Dr. Cheikh Tidiane Gadio, nous avait donné de sa captivité en Allemagne. El Hadj Alioune Gadio est l'un des rares prisonniers Africains qui furent déportés en terre allemande.

L'histoire du massacre de Thiaroye est entrée dans notre conscience collective grâce au film de Sembène Ousmane intitulé : «Le massacre des Tirailleurs». Le cinéaste décrit les revendications des tirailleurs confinés au camp de Thiaroye. Ils seront massacrés pour avoir réclamé leur dû Depuis 2003, chaque année, le Sénégal célébrait, le 23 août, la «Journée du Tirailleur» avec tous les honneurs qui leur sont dus.

Selon nos informations, cette journée n’a pas été commémorée, cette année. Pourtant, ce devoir de mémoire rend hommage à nos valeureux anciens combattants qui ont été oubliés de tous les manuels d'Histoire publiés en Occident. Il nous revient de faire revivre le souvenir de tous nos grands-pères qui ont versé leur sang sur les chemins enneigés d'Europe pour le triomphe de la liberté.
« Qui pourra vous chanter si ce n'est votre frère d'armes, votre frère de sang Vous tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude, couchés sous la glace et la mort.» Léopold Sédar Senghor

Dr. Pierrette Herzberger-Fofana
Professeur de Lettres. Chercheur .Conseillère municipale en Allemagne Lauréate du Grand Prix du Président de la République du Sénégal pour les Sciences http://www.grioo.com/opinion11494.html
drpherzbergerfofana@gmail.com


Sources
Stammlager » (dans le jargon militaire du 3ème Reich Stalag) signifiait les grands camps de prisonniers
de guerre. Dans ces camps, les prisonniers étaient enregistrés et envoyés dans les commandos pour
effectuer des travaux d’utilité publique ou dans les usines d’armements de travaux. Ils ont été assimilés aux
camps de concentration. Il existait environ 20 stalags en Allemagne résérvés aux prisonniers Africains dont
le Stalag VIA à Hemer, Stalag VIB à Versen, Stalag VIC a Bathorn und Stalag VIK À Senne, et
Sansdbostel. Le plus grand stalag pour prisonniers africains se trouvait à Luckenwalde, soit À 50 kms de
Berlin Xbz.

Léopold Sédar Senghor, «Hosties Noires».in Œuvre poétique. Paris: Seuil 1990p.56
Sembène Ousmane, «Camp de Thiaroye»1988. Film
Charles Onana, « La France et ses tirailleurs ». Paris
Pierrette Herzberger-Fofana, « El Hadj Ousmane Alioune Gadio, doyen des anciens combattants, déporté en Allemagne (1920-2008)»
http://www.grioo.com/ar,el_hadj_ousmane_alioune_gadio_doyen_des_anciens_combattants_deporte_en_allemagne_1920-2008_,15694.html
Pierrette Herzberger-Fofana, «Dominique Amigou Mendy, rescapé du camp de concentration de Neuengamme 1909-2003» http://www.grioo.com/info5094.html

Dr. Pierrette Herzberger-Fofana

Lundi 10 Décembre 2012 - 15:51


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