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Pakistan: la greffe de cheveux, nouvelle arme de séduction massive



Pakistan: la greffe de cheveux, nouvelle arme de séduction massive
  Beau gosse au crâne clairsemé, Mohammad Shahid a les yeux qui pétillent depuis qu'il a vu son cousin rentrer de sa greffe de cheveux, torse bombé et pelage lustré. Il s'est aussitôt précipité à la même clinique pour retrouver son honneur, bafoué depuis des années par des railleries qui minent la vie des chauves et imberbes au Pakistan.
A Peshawar (nord-ouest), carrefour de tous les trafics à la porte de l'Afghanistan et repaire clandestin de rebelles talibans, des hommes s'affairent dans le brouhaha empoussiéré des rues, le visage mangé d'épaisses barbes noires que ne renierait pas le capitaine Haddock.
Les trottoirs de ses boulevards embouteillés sont parsemés d'affiches géantes de stars de la chanson et du cricket autrefois dégarnies mais aujourd'hui tout sourire. Ils vantent les mérites de leur virilité retrouvée par la grâce de quelques touffes de cheveux.
"Lorsque j'ai vu mon cousin revenir de son opération, j'étais sous le choc, je me suis dit: moi aussi j'en veux", s'emballe Mohammad, un jeune trentenaire sur le point de passer au bistouri dans une clinique capillaire locale. "Les cheveux, c'est un peu notre arme de défense face à la société", dit-il.
Au Pakistan, le poil demeure un inaltérable synonyme de virilité, au point que même certains insurgés talibans s'achètent des lotions pour lustrer leurs précieuses barbes et toisons. Malheur aux chauves: ils sont appelés "ganja", un terme ici plus synonyme de tare peu enviée que de marijuana euphorisante.
"En Occident, si vous traitez quelqu'un de chauve, il s'en fichera. Mais si vous appelez quelqu'un +ganja+ au Pakistan, c'est comme une insulte. Ici, les chauves sont moqués et stigmatisés", explique le Dr. Humayun Mohmand, pionnier des greffes de cheveux dans le pays.
 
- L'effet Nawaz -
 
Au début des années 2000, le docteur lance avec quelques autres collègues les premières cliniques capillaires. Mais la greffe ne prend au départ pas auprès du public, frileux face à cette opération nécessitant une anesthésie locale.
Après quelques années, la technique s'améliore et des vedettes commencent à se prêter au jeu. Fin 2007, Nawaz Sharif, Premier ministre dégarni renversé huit ans plus tôt par le général Pervez Musharraf, rentre au pays après des années d'exil avec un je-ne-sais-quoi de différent: des cheveux.
"Depuis que Nawaz Sharif et Shahbaz Sharif (son frère, ministre en chef de la province du Pendjab, ndlr) se sont fait greffer des cheveux, c'est devenu très populaire. Avant, les clients avaient peur que l'opération ne leur donne le cancer ou provoque une infection du cerveau", rit encore le Dr Fawad Aamir dans sa clinique de Peshawar, au milieu de patients en quête de nouvelles crinières.
Parmi eux se trouve le fils de Farid Khan Khattak, un colosse aux paluches d'ours et aux francs éclats de rire. "Mon fils est très complexé parce qu'il a des trous dans sa chevelure. Un de mes amis m'a conseillé de lui acheter une moto, mais mon fils a répondu: +Je ne veux pas de moto, je veux une greffe de cheveux+", raconte-t-il.
Et le phénomène a explosé. Depuis 2006, le docteur Humayun a ainsi mené 8.000 de ces opérations, contre 1.000 lors des cinq années précédentes.
Dans une société conservatrice souvent encore ordonnée par les mariages arrangés entre familles, les chirurgiens racontent l'angoisse de clients qu'une calvitie totale ou partielle a empêché de conclure un accord nuptial.
"L'une de mes clientes avait perdu beaucoup de cheveux dans sa jeunesse, et échoué deux ou trois fois à se marier pour cette raison. Je l'ai opérée deux fois. Un jour, elle est revenue me voir en pleurant avec une invitation pour son mariage et m'a dit: +avec l'aide de dieu, vous m'avez donné la vie+", se souvient le Dr. Humayun.
- Tourisme capillaire -
 
On compte aujourd'hui au Pakistan au moins 120 cliniques de greffe de cheveux officielles, dont une dizaine à Peshawar. La transplantation y coûte de 400 à 1.000 dollars dans les cliniques bon marché, et jusqu'à 6.000 dollars pour le service le plus huppé. Une facture bien moins chère qu'en Occident, mais qui reste onéreuse pour la majorité des Pakistanais.
Nombre de clients viennent de l'étranger, en particulier de la diaspora pakistano-afghane, qui profite du retour au pays pour voir les amis et la famille... et regarnir son crâne.
Cuisinier au Danemark, Maihan traîne ainsi dans une clinique populaire de Peshawar pour se refaire une beauté à la mode locale. Ce jeune Afghan sait que le look crâne rasé à la Bruce Willis ne déplaît pas à la gent féminine occidentale. "En Europe, au Canada, en Australie et aux Etats-Unis, les filles s'en fichent (de la calvitie), mais ici les hommes doivent avoir de longs cheveux, elles aiment vraiment ça", estime-t-il.
Et les crânes ne sont plus les seuls concernés. Le médecin pakistanais Asif Shah raconte ainsi avoir implanté des barbes à des patients imberbes en leur transplantant des cheveux sur le visage. "Ils voulaient se faire pousser une barbe pour des raisons religieuses", car cela est vu comme un signe de piété, dit-il.
Fawad Aamir se souvient avec délectation de la visite dans sa clinique du fils d'une "célèbre" personnalité de la rébellion des talibans, frustré de n'avoir que quelques poils au menton quand ses amis fondamentalistes arboraient de belles barbes fournies.
"Un docteur a tenté de le convaincre de ne pas se faire greffer en lui disant que sa barbe limitée était celle que Dieu lui avait donnée... Mais il a répondu: +Non, je veux avoir une barbe comme le prophète Mahomet... Nous lui avons greffé des cheveux (au visage) et six mois plus tard, il avait une barbe touffue et était très heureux".
 
Par Guillaume LAVALLÉE

france24

Mardi 11 Novembre 2014 - 11:52


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