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Sorry Bamba, le messager de la musique dogon

Sous son costume de vénérable doyen de la musique malienne, Sorry Bamba a toujours ses habits de musicien fougueux, inventif, incroyablement exigeant, qui lui ont permis de briller en solo mais aussi avec l’orchestre du Kanaga de Mopti dont il était le patron. Son album Dogon blues, qui met fin à une très longue absence discographique, renforce son rôle d’ambassadeur et modernisateur de la musique dogon.



Sorry Bamba, le messager de la musique dogon
"Maître !" C’est ainsi que les musiciens maliens, pour la plupart, s’adressent à lui. Quelques-uns se permettent de lui donner du "grand frère". Encore faut-il pour cela s’appeler Cheick Tidiane Seck et posséder un CV aussi long que prestigieux ! En retour, lui, Sorry, parle en général d’eux comme de ses "enfants ".

Du haut de ses 72 ans, il ne boude pas son plaisir aujourd’hui de pouvoir montrer aux plus jeunes de quoi il est capable. Enfin, avec son nouvel album Dogon blues, il a les moyens d’exploiter et partager les fruits de toutes ces années de recherche pour moderniser la musique initiatique si spécifique du peuple dogon, à défaut d’avoir eu alors l’opportunité d’enrichir sa discographie.

"Pendant plus de vingt ans, je n’ai rien fait", rappelle-t-il. Du moins, rien qui ne mérite à ses yeux d’être mentionné. Hamdallaye, paru en 1995 ? "C’était une maquette, mais il fallait sortir quelque chose." Pour exister, ne pas sombrer complètement dans l’oubli depuis qu’il avait été amené à s’installer à Paris. "Je ne peux pas me vendre", reconnaît-il sans hésitation. "Je ne veux rien demander à personne, c’est ça mon défaut." L’ambition, pour lui, n’est pas d’ordre personnel, elle se situe uniquement dans la qualité du travail effectué.

Quand l’orchestre régional du Kanaga de Mopti, qu’il dirige, remporte la biennale culturelle et artistique du Mali en 1978, il laisse à d’autres le soin d’aller chercher la coupe ! "Il n’est pas bon à l’homme de parler de lui-même", dit le proverbe bambara. Sorry en a fait un principe auquel il ne saurait déroger. "Le jour où tu vas sentir que tu es le meilleur, tu n’avanceras plus. Il faut travailler, toujours", lui avait dit son ami, son "père" Amadou Hampâté Ba, le célèbre écrivain malien. Il a suivi le conseil, même lorsque les temps se sont faits durs, que le cercle autour de lui s’est rétréci. Il cite ceux qui ne l’ont pas lâché : la chanteuse Mamani Keita, et surtout le guitariste Jack Djeyim.

Retour sur le devant de la scène

Celui qui a servi d’intermédiaire pour le sortir du tunnel ? Cheick Tidiane Seck. Evidemment. En Côte d’Ivoire, il y a trente ans, il avait déjà donné un coup de main à Sorry lorsque tous deux avaient tenté leur chance à Abidjan. Cette fois, il l’invite au concert qu’il donne à Paris avec Dee Dee Bridgewater, intitulé Malian Project. Sur la scène du New Morning, il le présente, vante ses mérites, et s’arrange pour que son aîné puisse donner un aperçu de son savoir faire, d’autant qu’une bonne partie des musiciens présents connaît son morceau Sekou Amadou.

Dans la salle, le patron du label Universal Jazz n’attend pas longtemps pour proposer un contrat à Sorry… Ravi, le musicien débarque en studio et prend soudain conscience du temps qui s’est écoulé depuis ses précédents albums : aucun appareil ne peut lire la cassette sur laquelle il a patiemment rassemblé toutes ses idées !

Une fois l’obstacle contourné, il part au pays dogon enregistrer les percussionnistes locaux afin de conserver cette authenticité à laquelle il tient. "Des mélodies légendaires modernisées et personnalisées", écrivait le magazine Afrique Asie en 1977 lors de la parution de son second 33 tours.

Plongée en pays Dogon

La démarche est restée exactement la même pour Dogon blues, constitué en grande partie de titres empruntés au répertoire des Dogons. Sorry y a consacré sa carrière. Curieux de voir ces danseurs qui s’asseyaient sur les toits quand ils étaient fatigués (d’être sur leurs échasses), comme lui racontait sa mère, l’enfant de Mopti a suivi son marabout dans les falaises de Bandiagara. La chance lui sourit : il assiste à la cérémonie de la danse des masques, et commence à se passionner pour cette culture millénaire.

Lorsque les autorités malienne, après l’indépendance, organise une compétition musicale à l’échelle du territoire, Sorry se prend au jeu, motivé par l’envie de surprendre en permanence. Le règlement interdit de copier les Cubains ou d’autres styles en vogue, au risque d’être pénalisé. Il faut mettre en valeur les traditions nationales. "Ça nous a permis de nous creuser la tête pour essayer de faire quelque chose", analyse-t-il.

Encouragé par le succès de Sekou Amadou, un titre peul ancestral qu’il a réarrangé, il part demander aux Dogons le droit de reprendre leurs morceaux. Sous la toguna, cette case commune au toit très bas, il s’engage à respecter les interdits : ne rien enlever, ne rien ajouter, à l’exception notable de tous les instruments extérieurs au Mali ! Pas de kora, de balafon, de ngoni, mai d’accord pour la basse, les claviers…

Le trompettiste qu’il est – il arrêtera le jour où il entendra Miles Davis – s’en donne à cœur joie avec les cuivres qui remplissent un rôle-clé dans ses versions portées par une dynamique irrésistible. Une réminiscence de ces fanfares ghanéennes que le jeune Sorry regardait répéter, lorsqu’elles passaient à Mopti jouer le high life pour leurs compatriotes venus pêcher dans les eaux poissonneuses du Niger.

Rfi

Dimanche 21 Novembre 2010 - 09:29


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