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Tragédie dans le monde rural: Quand le servage s’installe dans l’indifférence généralisée



Nos autorités se morfondent de gloire artificielle et se noient dans une sorte de misère dorée tandis que le pays sombre dans une misère noire. La campagne de vente de l’arachide a démarré, mais jamais le monde rural n’a été aussi angoissé et même meurtri. Janvier est traditionnellement le mois de l’année où le monde rural sénégalais revit et retrouve un semblant de liberté et de dignité. Cependant cette présente campagne est partie sur des bases d’exploitation arrogante et sans vergogne de paysans déjà suffisamment meurtris par une très faible pluviométrie et des récoltes problématiques. Le gouvernement de Macky Sall, comme à son habitude, s’est contenté d’une gouvernance médiatique sans se soucier de la réalité empirique. Après avoir fixé le prix de l’arachide à 200fr, le gouvernement a décidé de fermer les yeux sur des pratiques de servages inadmissibles dans un pays soucieux de justice sociale. Á l’insu de la presse plus préoccupée à relater les affaires politiques qu’à révéler la grande misère que connait le pays profond, des opérateurs véreux, dénués de toute forme d’humanité, sont en train d’exploiter les paysans du Saloum en leur proposant des prix frauduleux  de 150 à 175frs.  Des camions sillonnent la région de Kaffrine et d’autres régions pour amasser de grandes quantités d’arachide à vil prix. Le sang et les larmes de nos braves compatriotes abreuvent ainsi la soif d’argent de quelques affairistes sans moralité. Abandonnés par les autorités, et pressés de trouver des ressources pour payer la scolarité de leurs enfants ou pour préparer les fêtes religieuses, nos braves paysans ont été obligés de bazarder les graines à de rapaces opérateurs sous la complicité tacite des autorités. Attendu que ces dernières ont depuis le début opté pour la politique du rafistolage et des apparences triomphantes, l’essentiel pour elles est de ne pas voir des stocks invendus et des bons impayés dans le monde rural. Au lieu de décider des pris vrais pour l’arachide, elles ont, avec machiavélisme, choisi de jouer sur le piano de la confusion : la rareté des acheteurs de graines devrait logiquement entrainer une baisse illégale, mais voulue du kilogramme de l’arachide. La politique-spectacle a ceci de fâcheux que tout repose sur la mise en scène : peu importe la nature de la réalité lorsque la parodie est capable de prendre sa place et de se faire passer pour l’essentiel. La loi de l’offre et de la demande ne saurait prospérer dans le monde rural sénégalais sans faire des victimes et des séquelles économiques et sociales irréversibles. Le gouvernement n’a pas le droit de s’absenter de façon si criarde dans la gestion quotidienne d’un monde paysan constamment en crise.  C’est une énorme supercherie que de promettre des tracteurs et de l’eau miraculeuse aux paysans au moment où l’on fait preuve d’une innommable impuissance à faire respecter le prix fixé pour la présente commercialisation. On en a assez des projets charlatanesques et des mises en scène comme solutions aux problèmes pratiques que rencontre notre pays. On a ainsi fermé les yeux sur un des plus grands forfaits commis contre le monde rural en refusant toute investigation sur l’incompréhensible défaut de construction de la route Kaolack-Fatick. Aujourd’hui que la même entreprise est choisie pour refaire la route on cherche à nous chanter ses louanges en nous faisant croire qu’elle rend service gratuitement aux populations en bouchant des nids de poule à l’approche du Gamou. Nous pensons plutôt qu’il s’agit d’un retour sur les lieux du crime pour, à la fois se faire bonne conscience et se refaire astucieusement une virginité éthique. Il est incompréhensible de constater qu’un silence radio total a été fait à ce sujet par la majorité de la presse et par les pseudos journalistes d’investigation. Les populations qui longent cet axe savent que ce qui s’est passé lors de la construction de cette route est un crime sans précédant et n’importe quel journaliste sérieux pourrait révéler le forfait. L’état de cette route quelque mois seulement après sa livraison est la conséquence d’un cumul d’actes de vandalisme et de pillage sans précédant dans l’histoire du pays. Le ciment a été dérobé par des ouvriers et bazardé aux riverains : tout le monde le sait et tout le monde en parle dans la zone, mais ça n’a jamais intéressé ni la justice ni la presse. Cette forfaiture organisée pose d’ailleurs en filigrane la question du contrôle systématique des médias par une minorité et par des hommes d’affaire : tôt ou tard il nous faudra libérer la parole et l’actualité nationale des intérêts privés. Les intellectuels et les barrons de médias n’ont pas le droit de tourner le dos aux masses laborieuses de notre pays. Il n’est pas facile d’entendre en sourdine le bruit de la colère d’un monde anormalement éploré aussi bien par la misère que par l’arrogance et le mensonge de ses élites. Mais une fois entendu ce bruit doit être diffusé et nul n’a le droit de réduire les problèmes du pays à des chiffres qui, plus est, sont généralement artificiels. 

Alassane K. KITANE, professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès

Mardi 13 Janvier 2015 - 16:27


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