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UNIVERSITE DE DAKAR, LE TEMPLE DU SAVOIR EN PERIL



L’année 2014 restera à jamais inscrite dans les pages sombres de l’histoire de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Mais aussi gravée dans la mémoire collective des étudiants qui ont vécu une année de tourmente liée à des revendications d’ordre pédagogique et sociales. Les chaines de violences perpétrées dans cet auguste sanctuaire ont fini par lui ôter de son caractère d’un endroit où la raison doit prévaloir.  
Lors d’une manifestation d’étudiants en 2011, je discutais avec un commerçant Baol Baol  du marché  Tillène, complètement profane dans le domaine scolaire, il me dit ceci : « Si l’université de Dakar ne peut pas faire l’objet de profondes réformes, il vaudrait mieux l’enrouler comme on en fait à une natte et la jeter dehors ». Cette phrase est assez édifiante pour dire qu’on n’a pas besoin d’être expert pour savoir que les réformes sur l’enseignement supérieur entreprises par l’Etat du Sénégal sont nécessaires et tout le monde est unanime là-dessus. Par là, on peut comprendre également que les problèmes dont souffre l’université ne datent pas d’aujourd’hui et que chacun des régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance du pays  a sa part de responsabilité dans cette situation.


Le problème qui se pose alors, c’est la brutalité des moyens utilisés par le régime de Macky Sall pour faire passer ces réformes. Les étudiants sont des gens sensés être  « doués d’intelligence» – le Coran a souvent recouru à cette expression pour qualifier les gens raisonnables avec qui on doit privilégier le dialogue et la concertation sur toute chose les concernant- malgré leur jeune âge, ils parviennent à distinguer le Convenable du Blâmable. Donc, ils méritent d’être consultés et écoutés quand il s’agit notamment de décider de leur avenir. Dieu s’adressait à Muhammad (PSL) en sa qualité non seulement de prophète mais de gouvernant de l’Etat musulmans à ces termes : «…Tu as été souple avec tes compagnons. Si tu avais été dur, avec le cœur insensible, ils se seraient détachés de toi. Sois indulgent avec eux…et consulte-les dans la conduite des affaires... »  Sourate 3, verset 159. Ce principe de concertation et de souplesse imposé par le Coran au Prophète de l’Islam doit être érigé en règle pour gouverner sans heurts, tout en se gardant de toute forme de faiblesse qui fragiliserait l’Etat.


Les habitués du campus universitaire de Dakar et ses environs savent que ce lieu est géré depuis le début de l’année courante, d’une manière qui est totalement aux antipodes des principes de gouvernance préconisés par le livre sacré. Même si la commission chargée des réformes fait savoir que la concertation sur ces dernières incluait toutes parties prenantes, leur mise en application fait gravement défaut.


 Le noyau des maux qui gangrènent l’université de Dakar est sans doute, le nombre pléthorique de ses apprenants. Sa capacité d’accueil actuelle estimée à vint mille étudiants, le nombre de ceux-ci avoisine maintenant les cent mille. Donc la décongestion de cet espace doit être la première piste susceptible de mener à des solutions durables, ainsi, elle doit être au cœur des réformes, si non les difficultés resteront entières et tous les efforts consenti sans impact.  C’est pourquoi, la lutte enclenchée au début de l’année par un groupe d’étudiants qui réclamaient d’être tous orientés en master ne pouvait pas obtenir gain de cause, car, ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre à une orientation. Cette revendication qui a fortement empiété sur l’année universitaire n’a pas pu aboutir à l’adhésion massive des étudiant par ce que la plus part d’entre eux la considèrent illégitime, donc ils sont assez responsables et arrivent au moins, à faire la part des choses.  L’exclusion de ces étudiants dont certains ont fait plus dix ans entre Licence 1 et Licence 3 répond à un besoin pressant qui est le désengorgement de l’université.


Ce qui est déplorable c’est la manière dont le régime actuel gère le problème des bourses qui a fini d’ailleurs, d’éclipser tous les autres aspects de la réforme au nombre de soixante dix huit points, et son utilisation de la force pour intimider les étudiants. Si des conseillers ont convaincu le Président Macky SALL que le recours à la force peut lui permettre de dérouler son programme, ils le trompent. Cette façon de faire peut aboutir à une effusion de sang mais ne permettra jamais de régler les problèmes de l’univesité. La présence permanente des forces de l’ordre aux campus, toujours décriée par les étudiants et les professeurs, ainsi que le non paiement des bourses constituaient un signe avant coureur de ce qui allait se passait et le régime n’a pas voulu anticiper.


La mort de l’étudiant Bassirou FAYE le 14 Août 2014 est l’illustration parfaite de la situation qui prévaut à l’université, c’est le fait qui cristallise les évènements mais les étudiants n’ont pas connu la paix depuis la présence des forces l’ordre au sein de l’établissement. Le retard des bourses qui est à l’origine de cette mort tragique de l’espoir de toute une famille ne devrait pas avoir lieu si l’on se fie aux explications jusqu’ici fournies par les autorités en charge de cette affaire. En effet, elles imputent ce retard de paiement à l’audit du fichier des bourses et selon le communiqué du ministre de l’enseignement supérieur, saluant d’ailleurs la patience dont les étudiants ont fait montre et promettant par la même occasion que le paiement intégral des bourses interviendrait dès le début de la semaine du lundi 11 Août, l’audit du fichier a duré deux semaines. En réalité, si les autorités veulent attribuer le non paiement des bourses pendant dix mois à un audit qui a duré deux semaines, il y a là un paradoxe que le moins averti des sénégalais serait en mesure de déceler.


En outre, le ministère des finances a procédé au paravent à l’audit intégral du fichier des fonctionnaires qui sont plus important en nombre que les étudiants, mais cela n’a occasionné un seul mois, le retard des salaires. Nous ne voulons pas dire que tous les étudiants doivent obtenir des bourses mais ceux qui remplissent les critères d’attribution basés essentiellement sur l’excellence, doivent en disposer à temps, ne serait ce que pour les encourager et motiver les autres à faire des efforts. Il faut reconnaitre que certains étudiants recevaient leurs bourses depuis décembre 2013, mais ceux-ci sont insignifiants par rapport aux ayants droit qui attendaient. Sur 10 étudiants rencontrés, on pouvait voir peut être, 3 qui percevaient régulièrement leurs dus.      


Pour revenir sur la journée macabre, il mérite d’être souligner que les étudiants ont subi des atrocités inédites de la part des policiers et le pus choquant c’est que la majorité des étudiants malmenés n’avaient rien à voir avec les affrontements. Quand les forces de l’ordre ont fait irruption dans les pavillons et défoncé les portes, elles ont trouvé certains étudiants entrain de réviser, d’autres de lire le Coran ou des Khassaides, mais les agents les ont tous humiliés et à la limite, persécutés, des actes qui ont l’allure d’un sacrilège !  La scène des violences a atteint son paroxysme notamment au pavillon B où les policiers ont visité 114 chambres sur 118,  mis tout sens dessus dessous et saccagé tout le matériel des étudiants. Si l’ordre a été donné aux policiers de s’adonner à de telles exactions, c’est très grave dans un pays dont la démocratie est toujours ventée, si l’ordre n’a pas été donné, c’est encore plus graves et l’on serait tenté de s’interroger sur la qualité de notre police nationale. Toute la lumière doit être faite sur cette affaire pour que justice soit rendue aux victimes et que des sanctions exemplaires soient infligées aux fautifs.  


Le président de la République qui était absent du pays et attendu sur un discours tendant à décrisper la situation est passé à côté en imputant les faits à une simple manipulation des étudiants par l’opposition. Or, dire que les étudiants sont manipulés pour qu’ils réclament leurs bourses, c’est à la fois, minimiser leur souffrance et insulter leur intelligence. Ceux que le Chef de l’Etat désigne comme instigateurs sont des opposants et la constitution leur confère le droit de s’opposer et de jouer un rôle de veille et d’alerte contre d’éventuelles dérives du pouvoir. Le fait est que ce qui se passe à l’université de Dakar représente une grosse faille du régime en place et on ne peut pas empêcher l’opposition d’exploiter les failles du pouvoir.  En plus, si les étudiants se sont rabattu à l’opposions après les évènements, c’est dans le cadre de la recherche de solutions car, à un moment donné, ils n’avaient plus d’interlocuteur. Le ministre de l’enseignement supérieur qui devait jouer ce rôle à la place de l’opposition a tellement poussé son adversité avec les étudiants à un tel point que sa communication ne passait plus et que ces derniers n’espéraient plus de solutions venant de lui. Donc la nature a horreur du vide.


Pour sauver ce temple du savoir en péril, les acteurs, chacun en ce qui le concerne doivent mettre toute leur énergie à son profit à fin de le remettre sur les rails et surtout, lui permettre de reprendre sa place dans le classement des universités de l’Afrique pour lequel il a perdu une dizaine de places entre 2011 et 2013. Sa remise en état lui permettrait aussi d’honorer le contrat de performance pour l’atteinte des objectifs cosigné avec la banque mondiale et gagner de ce fait, la confiance des partenaires au développent. Le plus urgent à présent est d’explorer toutes les pistes pouvant être source de consensus pour sauver l’année universitaire 2013-2014 qui dégage des signes de détresse et le remède se résume en un dialogue sincère et inclusif.  
J’implore celui qui aura lu cet article de faire la prière qui lui convient et dans sa religion pour le repos de l’âme de Bassirou FAYE et qu’une telle chose ne se reproduise jamais.  Amen !  

Serigne Saliou FALL, Chef Religieux à Touba, résident à Dakar Chef Religieux à Touba, résident à Dakar

Jeudi 28 Août 2014 - 12:19


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1.Posté par Fall le 29/08/2014 18:39
Les autorités doivent prendre les mesures idoines pour sauver cette année en privilégiant la dialogue par la sagesse et la bonne parole afin de sortir l'université de cette Crise.

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