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​La part d’ombre de Mohammed VI

L’enquête de Jean-Louis Perez, si elle ne révèle pas de scoop, offre une plongée dans le règne du « roi des pauvres» (jeudi 26 mai à 23 h 20 sur France 3).



A elles seules, les conditions qui ont entouré la réalisation du documentaire Roi du Maroc, le règne secret sont déjà toute une histoire. Partis en février 2015 à ­Rabat pour enregistrer certains témoignages, le réalisateur Jean-Louis Perez et son cameraman Pierre Chautard ont vite été arrêtés et expulsés du royaume. Officiellement, ils n’avaient pas l’autorisation administrative requise. Six mois plus tard, nouveau coup de théâtre : la journaliste Catherine Graciet, consultante pour le documentaire, est arrêtée à Paris avec un confrère, Eric Laurent. Tous deux sont accusés d’avoir voulu faire chanter le roi du Maroc en demandant de l’argent (2 millions d’euros) contre leur silence.
 
Ces péripéties, qui en disent long sur la sensibilité du sujet, n’ont pas empêché l’enquête d’aboutir. Celle-ci, si elle ne révèle pas de scoop, offre une plongée dans le règne de Mohammed VI, son évolution et ses zones d’ombre. D’abord, cette enfance atypique aux côtés du père monarque, Hassan II, puis les espoirs d’ouverture qui ont accompagné l’arrivée sur le trône en 1999 du jeune Mohammed VI. Celui que l’on appelle «le roi des pauvres» met son pays sur la voie des réformes. La révision du code de la famille, en 2004, est une petite révolution, de même que la mise en place de l’instance «équité et réconciliation», qui traitera 16 000 dossiers liés aux exactions commises sous le règne d’Hassan II. Un vent de liberté souffle sur la presse tandis que les grands chantiers se multiplient.
 
Las, l’ouverture sera de courte durée, constate le réalisateur. Les personnalités interrogées – journalistes marocains vivant aujourd’hui à l’étranger, économistes, hommes d’affaires, anciens militaires –, critiques notoires du régime, racontent le même raidissement : les entraves à la liberté de la presse, la persistance de violations des droits de l’homme. Mais aussi l’affairisme. La holding royale, SNI, va connaître sous le règne de « M6 » une croissance exponentielle. Elle est présente dans tous les secteurs clés de l’économie : mines, distribution, téléphonie, construction, banque, énergie. La fortune de Mohammed VI est évaluée par le magazine Forbes à 5,7 milliards de dollars. Lorsque les « printemps arabes » éclatent, début 2011, le Maroc ne fait pas exception. Le roi lâche du lest avec une nouvelle Constitution. Un changement de façade uniquement, estime le documentaire.
 
Turbulences
 
Autre thème abordé : les relations entre la France et le Maroc, qui ont traversé toutes les turbulences. Du livre de Gilles Perrault Notre ami le roi, en 1990, qui avait révélé pour la première fois la face sombre du règne d’Hassan II, à la crise diplomatique de 2014 provoquée par la mise en cause du patron des services de renseignement marocain Abdellatif Hammouchi. Dans ce contexte, le documentaire provoquera probablement quelques remous. Ces dernières semaines, plusieurs intervenants ont pris leur distance avec la polémique déclenchée avant même sa diffusion, indiquant que le sujet du reportage ne leur avait pas été correctement précisé. On y voit aussi Catherine Graciet s’expliquer pour la première fois devant une caméra. Mais comme le précise Gilles Perrault : chantage ou non, le mal est fait. «La parole du journalisme français est dévaluée… nous perdons toute crédibilité… pour un temps».


Source:LeMonde.fr
 

Aminata Diouf (Stagiaire)

Jeudi 26 Mai 2016 - 08:32


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