Afrique de l'Ouest: Oxfam vilipende le plan de relance économique "sous le signe d'une austérité destructrice"

L'austérité, des niveaux d’endettement hors de contrôle et les inégalités d’accès aux vaccins risquent d’aggraver la crise des inégalités à des niveaux jamais atteints auparavant, révèle un nouvel indice. L’indice montre que 14 des 16 pays ouest-africains (dont le Sénégal) prévoient de réduire leurs budgets nationaux de plusieurs milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, afin de combler en partie les pertes économiques subies dans la région des suites de la pandémie. Ils sont encouragés par le FMI, à travers ses prêts COVID-19.



Les gouvernements d’Afrique de l’Ouest s’apprêtent à couper drastiquement dans leurs dépenses publiques afin de récupérer les pertes économiques liées à la COVID-19, mettent en garde Oxfam et Development Finance International (DFI) dans un nouveau rapport publié ce jeudi 14 octobre 2021. 

L'indice d'engagement pour la réduction des inégalités (IERI) montre que 14 des 16 pays ouest-africains (dont le Sénégal) prévoient de réduire leurs budgets nationaux d’un montant total de 26,8 milliards (13 400 milliards Fcfa) de dollars au cours des cinq prochaines années, afin de combler en partie les pertes de 48,7 milliards de dollars subies en 2020 dans la région des suites de la pandémie. "Cette austérité a été encouragée par le FMI, à travers ses prêts COVID-19", selon l'Indice.

Cette ponction massive sur les finances publiques pourrait plonger des millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté et la faim et pourrait déclencher la pire crise des inégalités depuis des décennies. Les femmes seront plus durement touchées en raison de leur très forte concentration dans les emplois précaires et le travail de soin non rémunéré. Pendant ce temps, la richesse conjointe des trois hommes les plus riches d'Afrique de l'Ouest a augmenté de 6,4 milliards de dollars au cours des 17 premiers mois de la pandémie, un montant suffisant pour sortir 18 millions de personnes de l’extrême pauvreté, notent Oxfam et Development Finance International (DFI).

« Ce plan d’austérité est une relance aux forceps », a déclaré Assalama Dawalak Sidi, directrice régionale d'Oxfam en Afrique de l'Ouest. « Plutôt que d'investir dans un nouvel avenir positif pour les populations d'Afrique de l'Ouest, les gouvernements se tournent vers le modèle d’austérité des années 1980, pourtant largement discrédité. Le danger est que ces décisions aggravent la pauvreté et fassent monter en flèche les inégalités. »

« Ceci intervient alors que la région a perdu l'équivalent de 7 millions d'emplois, mais aussi dans un contexte d'augmentation des taux d'infection liés à la COVID-19, de manque de vaccins pour la grande majorité de la population, et d'une des pires crises de la faim au Sahel », a déclaré Mme Sidi. « Ce n'est pas le moment pour les gouvernements de désinvestir dans les services publics et autres biens communs dont des millions de personnes, ont besoin. »

L’indice classe les 15 États membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest et la Mauritanie (CEDEAO+) en fonction de leurs politiques en matière de services publics, de fiscalité, de droits des travailleurs, d'agriculture paysanne et de réponse à la pandémie, domaines essentiels pour réduire les inégalités et surmonter la tempête COVID. 

L'indice souligne que les gouvernements d'Afrique de l'Ouest sont à nouveau les moins engagés de l’Afrique dans la réduction des inégalités. La plupart des mesures de soutien prises en réponse à la COVID-19 étaient temporaires et ont peu contribué à réduire les inégalités, tout en provoquant une forte augmentation de la dette - le service de la dette en 2020-2021 drainera environ 61,7 % des recettes publiques d’Afrique de l'Ouest.

Une augmentation de 1% des recettes fiscales les 5 prochaines années résoudrait le problème
Les programmes de soutien ont été remplacés par des mesures d'austérité alors que les taux d'infection à la COVID-19 augmentent dans plusieurs pays de la région et que moins de 4 % des Africains de l’Ouest sont entièrement vaccinés, souligne ces organisation

Si les gouvernements d'Afrique de l'Ouest augmentaient équitablement leurs recettes fiscales de 1 % au cours des cinq prochaines années, ils obtiendraient 56,89 milliards de dollars. C'est plus qu'il n'en faut pour annuler les 26,8 milliards de coupes budgétaires prévues et pour construire 600 hôpitaux modernes dans la région, peut-on lire dans le communiqué parvenu à PressAfrik.

Matthew Martin, directeur de Development Finance International, a déclaré : « La pandémie nous a appris qu'il est urgent d'investir massivement dans l'éducation et la santé publiques, la protection sociale, d’adopter une fiscalité plus progressive des revenus et de la richesse pour les financer. Il faut aussi renforcer les droits des travailleurs et surtout des femmes qui assument de façon disproportionnée les emplois les plus précaires. »

AYOBA FAYE

Jeudi 14 Octobre 2021 15:11


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