Analyse politique: «Ces personnalités sont des gens qui décident d’assumer pleinement leur citoyenneté»

Les élections ont souvent été l’occasion pour des hommes politiques de se lancer à la chasse des suffrages des citoyens sénégalais. Mais de plus en plus des hommes non connus du landernau politique s’immiscent dans ce champ. C’est le cas, entre autres, des élections de 2007 où le promoteur de lutte, Alioune « Petit » Mbaye s’est présenté comme candidat indépendant. La semaine dernière Youssou Ndour a lancé son Mouvement politique. Qu’est-ce qui amènent ces personnalités à se lancer dans la politique ? Est-ce de la faute des hommes politiques ? Ces derniers ont-ils échoué ? A toutes ces questions, le journaliste, analyste-politique apporte des réponses. Entretien avec Alioune Fall.



Pressafrik.com: De plus en plus on constate des personnalités de la société civile glisser dans le champ politique en période électorale au Sénégal. C’est le cas, tout dernièrement de l’artiste Youssou Ndour à travers son Mouvement « Fekké Massi Bolé ». Comment expliquer cet état de fait ?
Alioune FALL: Je pense que ce sont des gens qui décident à l’occasion d’échéances électorales d’assumer pleinement leur citoyenneté, d’abord en faisant un choix sans équivoque mais également en se servant de position de leader ou de formateur d’opinion, de personne d’influence pour essayer de déterminer le suffrage des citoyens qui leur parait le plus conforme à leur idéal de société. Pour moi c’est un signe d’un certain niveau de maturité démocratique.

N’est-ce pas une erreur pour ces gens-là ?

Alioune FALL : C’est une interprétation erronée que de penser que la politique c’est l’affaire des politiques et que quand on n’est pas politique on doit s’abstenir. S’agissant de la dimension électorale, c’est une question trop importante qui interpelle tous les citoyens.

Ah oui ?
Alioune FALL : Il est regrettable que dans un pays, que des citoyens écoutés, influents, parfois crédibles qui ne sont pas partisans, ne profitent pas des grands rendez-vous électoraux pour mettre leur influence, leur crédibilité, leur posture de leader au service de la communauté en contribuant à faire en sorte que le choix qui sera fait par les citoyens soit meilleur pour la communauté.
Vous savez, la compétence civique n’est pas la chose la mieux partagée dans un pays. Parmi nous Sénégalais, un nombre restreint d’entre nous fait un choix très lucide et pertinent, à l’occasion des élections, si on se réfère aux intérêts de la collectivité. La plupart d’entre nous font un vote affectif, un vote d’humeur, en tout cas, un vote qui n’est pas souvent éclairé. C’est le coté pervers de la démocratie.


Youssou Ndour jouit d’une notoriété et d’une crédibilité certaine dans l’opinion. Ne pensez-vous pas que c’est une erreur pour lui d’entrer dans ce milieu de la politique ?

Alioune FALL : Concernant Youssou Ndour, je voudrais dire un certain nombre de chose ; je suis, un peu perplexe, relativement, à l’appellation de son mouvement (Fekké massi bolé). Je crois que dans sa posture de citoyen, de leader, c’est quelqu’un qui ne doit pas participer au processus de décision le plus important, concernant la Nation de manière circonstancielle. Parce qu’en gros, cette appellation signifie qu’il ne se sent pas directement concerné ; s’il est impliqué c’est par un concours de circonstance. Or cela ne doit pas être ça. C’est un citoyen et c’est un grand citoyen. C’est un leader. Un tel citoyen ne doit pas participer au processus électoral de son pays uniquement sur la base de circonstance. Son implication au processus électoral doit être totale. Chaque fois qu’il y a élection, cela devrait relever du naturel.


Pensez-vous que la mal gouvernance peut-être à l’origine de cette incursion des néo politiques ?

Alioune FALL : En tout état de cause quand on voit la situation du pays, il est constant que nos hommes politiques sont en train de perdre la côte. La démocratie sénégalaise a été très durement malmenée ces dix dernières années. Aujourd’hui, quoiqu’on dise, dans les faits, il n’y a pas de séparation de pouvoir. Nous avons un Président élu ; nous avons un parlement avec une Assemblée nationale au suffrage universel direct mais nous avons à côté de cette assemblée nationale un Sénat essentiellement nommé par le Président de la République. Et en s’arrogeant un pouvoir de nomination dans le pouvoir législatif, au sein du Parlement, le Président de la République, en tant que chef de l’exécutif prend également le contrôle du pouvoir législatif. Je crois que c’est l’agression la plus grave qui est monté contre la démocratie.

Sur cet aspect de manipulation des institutions, ne peut-on pas reprocher les opposants d’avoir été passifs ?
Alioune FALL : Bien sûr, ce que je reproche à nos hommes politiques, c’est de n’avoir pas été capables de défendre la démocratie. C’est facile pour chaque parti de se retrouver dans son siège pour rédiger des communiqués.
Cela devait se faire à travers une mobilisation forte des citoyens pour s’opposer à l’inacceptable. . Les hommes politiques, pour n’avoir pas suffisamment intéressé les citoyens pour les amener à prendre en charge ce combat ont échoué.

Comment les hommes politiques peuvent-ils motiver les citoyens?
Alioune FALL : Le citoyen, on le motive en créant chez lui un intérêt particulier pour les questions de gouvernance. On le motive aussi à partir d’un travail politique qui fait qu’à chaque fois que le caractère démocratique de notre pays est en jeu, il s’approprie le combat.



Charles Thialice SENGHOR

Mardi 30 Mars 2010 00:01


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