Attentat de Sydney: en Australie, la menace terroriste islamiste «n'a jamais disparu»



En Australie, la fusillade antisémite qui a fait 15 morts (plus l'un des tireurs) sur la plage de Bondi, à Sydney, dimanche 14 décembre, est l'attentat terroriste le plus meurtrier jamais perpétré en Australie. Les deux assaillants auraient été « motivés par l'idéologie de l'État islamique », selon les autorités. Le Dr Josh Roose, sociologue politique et spécialiste des questions d'extrémisme violent et de terrorisme à l'Université Deakin, fait le point sur l'évolution de la menace terroriste dans le pays.

Selon les premiers éléments de l'enquête sur l'attaque terroriste qui a fait 15 morts à Sydney dimanche 14 décembre, les tireurs auraient été « motivés par l'idéologie de l'État islamique ». Les autorités et les services de renseignements s'attendaient-ils à ce qu'un tel attentat puisse se produire sur le sol australien ?
 
Josh Roose : La communauté juive australienne a signalé et dénoncé cette menace depuis plusieurs années et l'a portée à l'attention du gouvernement. Je pense que ce dernier ne l'a pas considérée avec le sérieux qu'il fallait. Il y a eu beaucoup de platitudes, des mesures symboliques, mais rien qui ne permette de garantir des ressources suffisantes pour la sécurité, ou pour s'attaquer aux courants antisémites sous-jacents qui ont réellement façonné un environnement permissif.
 
La menace provenant de l'islamisme radical était-elle considérée comme l'une des principales menaces terroristes dans le pays ?
 
L'Australie a toujours été confrontée à d'importantes menaces terroristes provenant du terrorisme salafiste jihadiste. Qu'il s'agisse de cellules individuelles ou, dans les années 2010, de cellules liées à l'État islamique. Un certain nombre de jeunes hommes sont partis combattre aux côtés de l'État islamique et ont également cherché à mener des attaques en son nom. Cette tendance s'est poursuivie jusqu'à la défaite militaire de l'État islamique.
 
La menace a toujours été présente, mais nous avons aussi récemment assisté à l'émergence d'une menace particulièrement importante venant de l'extrême droite et de néonazis. Nous avons également vu apparaître de nombreuses autres formes inattendues d'extrémisme, provenant par exemple de mouvements comme les citoyens souverains, et d'individus radicalisés par toute une série d'influences idéologiques différentes, en particulier des jeunes hommes cherchant à mener des attaques de leur propre chef.
 
Cette menace grandissante de l'extrême droite pourrait-elle avoir quelque peu éclipsé celle du terrorisme islamiste ?
 
Elle évoluait rapidement et représentait une menace importante, à l'image de Brenton Tarrant (l'auteur australien des attentats d'extrême droite dans les mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en 2019, NDLR). L'Australie n'a d'ailleurs jamais vraiment pris conscience du fait que c'est un Australien qui a perpétré l'une des pires attaques terroristes de l'histoire moderne.
 
Mais nous avons aussi eu des menaces provenant de l'extrémisme islamiste. Le directeur général de l'ASIO (les services de renseignement australiens) a, ces dernières années, signalé qu'elles provenaient de personnes de plus en plus jeunes. Nous avons par exemple eu une attaque contre un évêque, perpétrée par un jeune musulman de 16 ans dans l'ouest de Sydney. L'extrémisme islamiste est resté dans la ligne de mire de l'ASIO et n'a jamais disparu.
 
Dimanche, des drapeaux de l'État islamique ont été retrouvés dans le véhicule des auteurs de la fusillade. Pourtant, l'attentat n'a pas été revendiqué, ni par l'État islamique ni par aucune autre organisation. Que faut-il comprendre ?
 
C'est un point très important. L'État islamique n'a pas revendiqué officiellement cet attentat, comme il le fait pourtant souvent et comme il l'a fait par le passé. L'État islamique incite aussi les gens à prendre les armes sans nécessairement avoir de lien direct avec eux. Les auteurs d'attaques sont reliés à ce mouvement plus large par l'inspiration idéologique, et espèrent que leurs actions violentes seront valorisées et inspireront d'autres personnes, même s'ils n'ont pas de lien immédiat avec eux.
 
Quel est l'historique du terrorisme islamiste en Australie ?
 
Il a atteint son apogée entre 2014 et 2016, lorsque l'État islamique est arrivé au pouvoir en Irak et en Syrie et a déclaré le califat. Des centaines de jeunes hommes étaient partis d'Australie pour se battre et rejoindre le groupe. Ça nous remonte dix ans en arrière mais il y a eu des attaques perpétrées en Australie, ou des projets d'attentats déjoués, lors desquels les auteurs avaient prêté allégeance, et dans certains cas, sans avoir aucun lien avec le groupe officiel. Mais c'est ainsi que fonctionne le terrorisme contemporain.
 
Les deux terroristes de Bondi s'étaient rendus aux Philippines il y a peu, sur l'île de Mindanao, où subsistent des groupes de combattants ayant prêté allégeance à l'organisation État islamique. Auraient-ils pu suivre un entraînement là-bas ?
 
Cela implique, et il est trop tôt pour le dire sans preuves, qu'ils avaient potentiellement des contacts avec l'État islamique. Nous ne savons pas ce qui s'est passé lorsqu'ils sont arrivés là-bas. Une hypothèse raisonnable serait qu'ils aient eu une forme de lien avant de se rendre là-bas, puis qu'ils aient suivi une formation d'environ un mois sur les tactiques de base, le maniement des armes et la fabrication de bombes, avant de revenir en Australie pour mener l'attaque.

RFI

Mercredi 17 Décembre 2025 09:36


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