Une élection présidentielle anticipée se tient ce dimanche 23 novembre dans la République serbe de Bosnie, l'entité serbe de ce pays toujours divisé selon des lignes ethniques. Condamné et déclaré inéligible, l'ancien président nationaliste, Milorad Dodik ne peut se présenter après 19 ans de pouvoir sans partage, mais son parti présente un candidat. L'entité serbe de Bosnie pourrait tourner la page du nationalisme lors de cette élection, dont le résultat s'annonce incertain, dans un pays ravagé par la corruption et les difficultés économiques.
À 12 kilomètres de Bjeljina, la deuxième ville de l'entité serbe de Bosnie, se trouve le gros village de Janja, connu pour abriter l'une des plus grosses communautés bosniaques musulmanes de la « Republika Srpska ». À Janja vivent quelque 6 000 personnes, dont la moitié sont bosniaques.
L'association des femmes de Janja est présidée par Ramiza Bogaljevic, une Bosniaque qui avait dû fuir le village pendant la guerre de Bosnie (1992-95), avant d'y revenir au début des années 2000. Dans un premier temps, les relations avec les réfugiés serbes étaient mauvaises, mais les choses se sont arrangées peu à peu. « L'association compte des femmes serbes et bosniaques, et même une Croate ! Les problèmes principaux de Janja sont le chômage et l'exil des jeunes, pas les relations entre communautés qui sont bonnes », explique Ramiza.
Situés dans le centre du village, à côté de la mosquée, les locaux de l'association, encombrés de babioles où sont branchées une demi-douzaine de machines à coudre, sont installés au pied de la maison de Ramiza. « Chacun peut passer à tout moment. C'est un lieu de socialisation. Nous organisons aussi des bazars auxquels nos membres peuvent vendre des objets ou des plats qu'elles ont faits. Cela assure un petit revenu pour les familles ». Régulièrement, les femmes de l'association voyagent pour participer à des marchés folkloriques. Ce jour-là, elles préparent une vente à Novi Sad, en Serbie voisine.
Distribution de tracts
La veille, des activistes politiques sont passés à l'association et ont distribué des tracts en faveur du principal candidat d'opposition, Branko Blanusa, un professeur d'université inconnu en politique, qui talonne dans les sondages Sinisa Karan, le candidat désigné par le président déchu Milorad Dodik, interdit de toute fonction politique et condamné par la Haute Cour de Bosnie pour avoir refusé d'appliquer les décisions du tribunal constitutionnel. Milorad Dodik a dirigé l'entité serbe de Bosnie pendant 19 ans. L'élection pourrait marquer la fin de sa politique nationaliste si Blanusa l'emporte, mais permettra au président déchu de contrôler dans l'ombre la vie politique en Republika Srpska si Karan, son poulain, est vainqueur.
« Voter pour Karan c'est comme voter pour Dodik », lance Ramiza. « À tous les meetings Karan lui-même le répète et Dodik est présent partout avec lui. Je voterai contre Karan et Dodik. Il y a quelques jours, Dodik a qualifié les Bosniaques de "Turcs" et a affirmé que l'odeur de leur nourriture empestait les rues de Sarajevo. Nous espérons que le vainqueur de l'élection prendra en compte les Bosniaques, qui sont minoritaires dans l'entité serbe de Bosnie. Ici, c'est notre maison, il faut que nous ayons tous les mêmes droits ».
La commission électorale a imposé une amende de 15 000 euros au parti de Dodik pour cette dernière saillie. Ce qui n'empêche pas Sinisa Karan de le défendre, en plus de faire campagne contre une prétendue ingérence étrangère en Bosnie. Le Haut représentant international pour la Bosnie, l'Allemand Christian Schmidt, est en effet à l'origine de la plainte qui a fait condamner Dodik à l'inéligibilité. Un autre proche de l'ancien président, le ministre Stasa kosarac a même envoyé ce 20 novembre un casque militaire nazi au haut représentant, accompagné d'une lettre présentant le casque comme un « héritage de ses ancêtres », entraînant une réaction outrée de l'ambassade d'Allemagne.
En face, Branko Blanusa fait campagne pour un « retour à une vie politique normale », aux antipodes des provocations nationalistes permanentes de Milorad Dodik pendant ses 19 ans au pouvoir. « Depuis très longtemps, la politique dans l'entité serbe et en Bosnie tourne autour des tensions interethniques et en des termes très agressifs », analyse Milos Sarenac, présentateur et rédacteur en chef d'un talk-show politique populaire diffusé sur la chaîne locale BN Television. « Ces provocations ne font plaisir à personne. Je pense qu'en Bosnie les trois peuples constitutifs, Serbes Bosniaques et Croates, sont fatigués de cette réthorique », explique-t-il. Pour Milos Sarenac, la victoire de Blanusa est possible, même si les sondages le placent en deuxième position dans les intentions de vote.
Une telle éventualité est pourtant rendue difficile par la fraude électorale largement répandue en Bosnie et souvent mise à profit dans le passé par le camp Dodik. « Cela fait 30 ans qu'il n'y a pas d'élections honnêtes en Bosnie », assène Branko Todorovic, président de l'antenne locale du Comité Helsinki pour les Droits de l'Homme. « Ces jours-ci, les voix s'achètent pour 100 euros dans Bjeljina ».
Pour Todorovic, les employés du secteur public sont contraints de voter pour le pouvoir. « Pendant 19 ans, des membres serviles du parti de Milorad Dodik ont été nommés à la tête des institutions de la république serbe de Bosnie. Tous ont cédé à la corruption ou ont été mêlés à des affaires criminelles, et maintenant, une grande partie de la population de l'entité serbe se rend compte que nous nous dirigeons vers un possible effondrement économique ».
Ce 22 novembre, alors que le silence électoral était de mise, Milorad Dodik s'est rendu à Belgrade, en visite éclair auprès du président serbe Aleksandar Vucic. Si les deux hommes n'ont pas détaillé le contenu de leur entretien, les échanges ont porté sur la « stabilité régionale », selon le communiqué de Belgrade. Une façon de donner un coup de pouce au candidat Karan. Mais alors que les deux candidats sont au coude à coude dans les sondages, la République serbe de Bosnie pourrait finalement choisir de tourner le dos au nationalisme.
À 12 kilomètres de Bjeljina, la deuxième ville de l'entité serbe de Bosnie, se trouve le gros village de Janja, connu pour abriter l'une des plus grosses communautés bosniaques musulmanes de la « Republika Srpska ». À Janja vivent quelque 6 000 personnes, dont la moitié sont bosniaques.
L'association des femmes de Janja est présidée par Ramiza Bogaljevic, une Bosniaque qui avait dû fuir le village pendant la guerre de Bosnie (1992-95), avant d'y revenir au début des années 2000. Dans un premier temps, les relations avec les réfugiés serbes étaient mauvaises, mais les choses se sont arrangées peu à peu. « L'association compte des femmes serbes et bosniaques, et même une Croate ! Les problèmes principaux de Janja sont le chômage et l'exil des jeunes, pas les relations entre communautés qui sont bonnes », explique Ramiza.
Situés dans le centre du village, à côté de la mosquée, les locaux de l'association, encombrés de babioles où sont branchées une demi-douzaine de machines à coudre, sont installés au pied de la maison de Ramiza. « Chacun peut passer à tout moment. C'est un lieu de socialisation. Nous organisons aussi des bazars auxquels nos membres peuvent vendre des objets ou des plats qu'elles ont faits. Cela assure un petit revenu pour les familles ». Régulièrement, les femmes de l'association voyagent pour participer à des marchés folkloriques. Ce jour-là, elles préparent une vente à Novi Sad, en Serbie voisine.
Distribution de tracts
La veille, des activistes politiques sont passés à l'association et ont distribué des tracts en faveur du principal candidat d'opposition, Branko Blanusa, un professeur d'université inconnu en politique, qui talonne dans les sondages Sinisa Karan, le candidat désigné par le président déchu Milorad Dodik, interdit de toute fonction politique et condamné par la Haute Cour de Bosnie pour avoir refusé d'appliquer les décisions du tribunal constitutionnel. Milorad Dodik a dirigé l'entité serbe de Bosnie pendant 19 ans. L'élection pourrait marquer la fin de sa politique nationaliste si Blanusa l'emporte, mais permettra au président déchu de contrôler dans l'ombre la vie politique en Republika Srpska si Karan, son poulain, est vainqueur.
« Voter pour Karan c'est comme voter pour Dodik », lance Ramiza. « À tous les meetings Karan lui-même le répète et Dodik est présent partout avec lui. Je voterai contre Karan et Dodik. Il y a quelques jours, Dodik a qualifié les Bosniaques de "Turcs" et a affirmé que l'odeur de leur nourriture empestait les rues de Sarajevo. Nous espérons que le vainqueur de l'élection prendra en compte les Bosniaques, qui sont minoritaires dans l'entité serbe de Bosnie. Ici, c'est notre maison, il faut que nous ayons tous les mêmes droits ».
La commission électorale a imposé une amende de 15 000 euros au parti de Dodik pour cette dernière saillie. Ce qui n'empêche pas Sinisa Karan de le défendre, en plus de faire campagne contre une prétendue ingérence étrangère en Bosnie. Le Haut représentant international pour la Bosnie, l'Allemand Christian Schmidt, est en effet à l'origine de la plainte qui a fait condamner Dodik à l'inéligibilité. Un autre proche de l'ancien président, le ministre Stasa kosarac a même envoyé ce 20 novembre un casque militaire nazi au haut représentant, accompagné d'une lettre présentant le casque comme un « héritage de ses ancêtres », entraînant une réaction outrée de l'ambassade d'Allemagne.
En face, Branko Blanusa fait campagne pour un « retour à une vie politique normale », aux antipodes des provocations nationalistes permanentes de Milorad Dodik pendant ses 19 ans au pouvoir. « Depuis très longtemps, la politique dans l'entité serbe et en Bosnie tourne autour des tensions interethniques et en des termes très agressifs », analyse Milos Sarenac, présentateur et rédacteur en chef d'un talk-show politique populaire diffusé sur la chaîne locale BN Television. « Ces provocations ne font plaisir à personne. Je pense qu'en Bosnie les trois peuples constitutifs, Serbes Bosniaques et Croates, sont fatigués de cette réthorique », explique-t-il. Pour Milos Sarenac, la victoire de Blanusa est possible, même si les sondages le placent en deuxième position dans les intentions de vote.
Une telle éventualité est pourtant rendue difficile par la fraude électorale largement répandue en Bosnie et souvent mise à profit dans le passé par le camp Dodik. « Cela fait 30 ans qu'il n'y a pas d'élections honnêtes en Bosnie », assène Branko Todorovic, président de l'antenne locale du Comité Helsinki pour les Droits de l'Homme. « Ces jours-ci, les voix s'achètent pour 100 euros dans Bjeljina ».
Pour Todorovic, les employés du secteur public sont contraints de voter pour le pouvoir. « Pendant 19 ans, des membres serviles du parti de Milorad Dodik ont été nommés à la tête des institutions de la république serbe de Bosnie. Tous ont cédé à la corruption ou ont été mêlés à des affaires criminelles, et maintenant, une grande partie de la population de l'entité serbe se rend compte que nous nous dirigeons vers un possible effondrement économique ».
Ce 22 novembre, alors que le silence électoral était de mise, Milorad Dodik s'est rendu à Belgrade, en visite éclair auprès du président serbe Aleksandar Vucic. Si les deux hommes n'ont pas détaillé le contenu de leur entretien, les échanges ont porté sur la « stabilité régionale », selon le communiqué de Belgrade. Une façon de donner un coup de pouce au candidat Karan. Mais alors que les deux candidats sont au coude à coude dans les sondages, la République serbe de Bosnie pourrait finalement choisir de tourner le dos au nationalisme.