CAN 2015: la Tunisie entre tristesse et colère

On se souviendra longtemps de ce quart de finale à Bata entre le pays organisateur, la Guinée équatoriale et la Tunisie. Un penalty litigieux a fait basculer le match dans tous les sens du terme. L'Equato-Guinéen Javier Balboa qui l'a transformé a aussi marqué sur coup franc.



Un supporter lors de la rencontre entre les Aigles de Carthage et la Guinée équatoriale, le 31 janvier 2015. REUTERS/Amr Abdallah Dalsh

Les statistiques peuvent parfois être cruelles. En neuf matches contre les pays organisateurs, la Tunisie n’a jamais remporté une seule victoire en phase finale de la CAN. Mais cette rencontre face à la Guinée équatoriale, les Aigles de Carthage ne risquent pas de l’oublier de sitôt. L'arbitre mauricien Rajindraparsad Seechurn a sifflé un penalty très litigieux en faveur de la Guinée équatoriale dans les arrêts de jeu du temps règlementaire, transformé par Balboa (90e+3). Du coup, il y a eu une prolongation où le même joueur a fait la décision sur un coup franc (103e). Dès le penalty, le match a pris une drôle de tournure, les esprits se sont échauffés. Des militaires se sont positionnés au bord du terrain et la prolongation a dû sembler interminable pour les Tunisiens qui n’y arrivaient plus.

Bilel Mohsni : « On s’est fait escroquer et c’est tout un pays qui est énervé »

Avant de regagner leur bus, les Aigles de Carthage ont réagi vivement. Pour sa deuxième CAN, le Bordelais Wahbi Khazri, la mine triste, ne voulait plus entendre « parler de l’équipe nationale ». Après un mois avec ses coéquipiers, il ne comprenait pas que l’aventure se termine ainsi.

Bilel Mohsni, remplaçant pour ce match, devait bouillir sur le banc. « Dès le début de cette CAN, on a été obligé de supporter des conditions de vie difficiles à Ebebeyin. Il y a des moments où on n’avait pas d’électricité ou d’eau et même pas de télévision. On nous a transportés dans des bus sans climatisation pendant des heures et on n’a rien dit. On est arrivé ici pour jouer contre le pays organisateur et on s’est dit que c’était bien d’évoluer dans un grand stade avec du public ». Le joueur des Glasgow Rangers est remonté comme une horloge. « Et voilà, ce soir on tombe sur un arbitre qui était avec eux, et la fête est gâchée. »

À quelques mètres de lui, des gens exultent. Le contraste est saisissant. Les nerfs à vif, Bilel Mohsni aurait pu nous parler pendant des heures pour se soulager. « On s’est fait escroquer et c’est tout un pays qui est énervé. On s’est fait avoir par l’arbitre et par la Confédération africaine de football ». Il ajoute entre autres : « au lieu de savourer leur victoire, nos adversaires sont venus nous insulter. C’est honteux » Après un tirage au sort contesté il y a deux jours pour désigner le Mali ou la Guinée, le football africain a vécu une soirée dantesque.

Ahmed Akaichi, qui a ouvert le score pour la Tunisie a bien du mal à trouver ses mots en français. Le joueur de l’Espérance de Tunis balance : « Ce n’est pas normal. C’est un point d’interrogation. Je crois qu’Issa Ayatou [le président de la CAF] ne peut plus rien pour le football africain. Il faut qu’il s’en aille. C’est un foot misérable. L’arbitre a tout fait pour que la Guinée équatoriale gagne. C’est un football misérable », répète le joueur.

Georges Leekens : « C'est une injustice »

« Le résultat est forcé », explique Georges Leekens, le sélectionneur tunisien. « Ils sont à domicile. J'avais dit vendredi que j'espérais que l'arbitre soit au niveau, il ne l'était pas, c'est simple, c'est dommage. Nous sommes très malheureux, la Tunisie ne mérite pas ça. C'est une injustice ». Derrière ses lunettes, l’ancien entraîneur de l’Algérie a le regard exténué. Il continue : « On n'a pas été traités comme il faut depuis deux semaines qu'on est là, et ça on ne l'a pas mérité, ça n'a rien à voir avec la Guinée équatoriale. » Il poursuit : « ce n'est pas seulement ce match, il y a deux penalties contre nous et deux qu'on n'a pas obtenus, c'est beaucoup en quatre matches. Une fois, d'accord, deux fois, d'accord, trois fois c'est difficile, quatre fois c'est trop ! » La veille, il avait plus ou moins fait part de son inquiétude en disant qu’il faisait « confiance à l'arbitrage ». Il se fait tard, le stade se vide, tous les Tunisiens ont fini par s’engouffrer dans leur bus.

« Je comprends la colère des Tunisiens d'avoir perdu, parce qu'ils avaient le potentiel pour gagner avec plusieurs buts d'écart. Ils ne l'ont pas fait, nous, on s'est défendu avec nos armes, et à la fin, le match était pour nous, on a été meilleurs dans la prolongation. Un penalty contre soi, tout le monde le contestera », dira le coach de Guinée équatoriale. Pas certain que cela redonne du baume au cœur à la Tunisie.


Rfi.fr

Dimanche 1 Février 2015 10:33


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