Centrafrique: les projets de cryptomonnaie ont surtout favorisé le crime organisé, selon un rapport

Alors que le président centrafricain brigue un troisième mandat lors des élections du 28 décembre, l’un des projets majeurs de Faustin-Archange Touadéra n’a pas abouti : faire du pays un pionnier des cryptomonnaies en Afrique. Dans un rapport critique publié cette semaine, l’ONG Global Initiative accuse ces devises d’ouvrir même la porte au crime organisé et de ne pas profiter à la population.



En juillet 2022, après avoir fait du bitcoin une monnaie légale en Centrafrique, le président Faustin-Archange Touadéra lançait en grande pompe le sango coin, sa propre cryptomonnaie. À l'époque, le pays était en crise profonde et cherchait des ressources, rappelle Nathalia Dukhan, directrice de l'observatoire de l'Afrique centrale chez Global Initiative (GI-TOC, soit Initiative globale contre le crime organisé), qui a publié le rapport « Derrière la blockchain, cryptomonnaies et capture criminelle en République centrafricaine ».
 
« Cette crise financière a mené la présidence à chercher des financements extérieurs, parce que ses campagnes militaires coûtaient énormément. En réalité, l’idée était d’attirer les investissements étrangers pour donner un souffle financier à un État qui était au bord de la banqueroute. »
 
La « tokenisation » des terres est annoncée, de grands travaux sont promis, une « ville de la crypto » futuriste doit même voir le jour sur l'île aux Singes, en face de Bangui. Mais depuis, rien n'a été construit et le Sango Coin n'existe plus : son site est hors ligne depuis le 29 avril 2025 et moins de 10 % des jetons ont trouvé preneurs, rapportant moins de deux millions de dollars.
 
Cet échec n'a pas refroidi Faustin-Archange Touadéra. Dans le sillage du président américain Donald Trump, il a lancé cette année le « $CAR meme coin », un jeton spéculatif… qui a connu le même sort : un nouvel échec.
 
Autour des opérations, des personnalités critiquables, voire des criminels
Selon GI-TOC, des personnalités peu recommandables sont liées à ces différentes opérations. Comme le Camerounais Émile-Parfait Simb, condamné dans son pays et installé en Russie depuis 2023. Il y a un « risque profond d'une capture des richesses étatiques par des réseaux criminels », estime Nathalia Dukhan.
 
« On voit de plus en plus que les réseaux criminels transnationaux exploitent la cryptomonnaie à des fins de blanchiment d’argent, de trafic de drogues, de fraudes, avance-t-elle. Il faut bien comprendre que la Centrafrique n’a pas les outils pour lutter contre ces réseaux. Cela fait de la RCA une porte ouverte pour ces réseaux. »
 
Pour Nathalia Dukhan, à l'exemple du secteur des carburants, les expériences cryptos ont été lancées pour enrichir un cercle restreint de personnalités.

RFI

Dimanche 21 Décembre 2025 16:14


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