2.Le secteur parapublic et les normes internationales d’audit interne
Selon les normes internationales d’audit interne 2024 de l’Institute of Internal Auditors, l’audit interne renforce la capacité de l’organisation à créer de la valeur et à œuvrer pour sa protection et sa pérennité, en fournissant au Conseil et aux directions une assurance, un conseil, un éclairage et une prospective indépendants, objectifs et fondés sur les risques.
Les deux piliers qui permettent, entre autres, à la fonction d’audit interne de s’acquitter de sa mission sont : L’observation de l’éthique et du professionnalisme qui renferme : l’intégrité, l’objectivité, la compétence, la conscience professionnelle et le respect de la confidentialité ; L’indépendance de la fonction d’audit interne au sein de l’organisation. Faisons observer néanmoins que l’indépendance de la fonction d’audit interne est une conditions indispensable pour garantir la solidité et la durabilité de l’éthique et du professionnalisme des auditeurs internes. Pour cette raison, nous nous concentrerons, dans le présent article, à l’indépendance de la fonction d’audit interne au sein de l’organisation. Sa professionnalisation pourrait être développé dans une article ultérieur.
Pour l’indépendance de la fonction d’audit interne, nous pensons qu’il reste des efforts à faire par nos autorités publiques pour son renforcement dans le secteur parapublic. 2.1.Au niveau international et sous-régional Depuis au moins 2009, l’Institute of Internal Auditors (l’organisation mondiale des auditeurs internes) a prescrit dans les normes internationales d’audit interne la nécessité et même l’obligation de la professionnalisation et de l’indépendance de la fonction d’audit interne au sein de l’organisation. Les Normes internationales d’audit interne de 2009 stipulent :
Le responsable de l'audit interne doit relever d’un niveau hiérarchique suffisant au sein de l’organisation pour permettre au service d’audit interne d’exercer ses responsabilités. Le responsable de l’audit interne doit confirmer au Conseil, au moins annuellement, l’indépendance de l’audit interne au sein de l’organisation.
Cette position a été maintenue dans les versions 2013 et 2017.
Une nette évolution renforçant l’indépendance de l’audit interne au sein de l’organisation a été constatée dans les récentes normes de 2024. En effet, le principe 7 des normes 2024 (Indépendance de l’Audit interne) stipule :
Le Conseil définit et préserve l’indépendance et les qualifications de la fonction d’audit interne.
Il incombe au Conseil de permettre l’indépendance de la fonction d’audit interne. On entend par « indépendance » l’absence de situations pouvant compromettre la capacité de la fonction d’audit interne à exercer, sans biais, ses responsabilités. La fonction d’audit interne ne sera en mesure de remplir sa Mission que si le responsable de l’audit interne est directement rattaché au Conseil, est qualifié et occupe au sein de l’organisation une position hiérarchique qui lui permet de s’acquitter de ses missions et de ses responsabilités en dehors de toute ingérence.
Je me garderais de faire des comparaisons avec un quelconque pays de la sous-région, mais le rappel des mesures prises dans le secteur financier me semble suffisamment édifiant et inspirant pour tous les secteurs de la nation : public, parapublic et privé.
En effet, en ce qui concerne le secteur financier de la zone UMOA (Union Monétaire Ouest-Africaine) dont le Sénégal est membre, la Commission bancaire, à travers une panoplie de circulaires du 27 septembre 2017, et en conformité avec les normes internationales d’audit interne, a institué l’indépendance et la professionnalisation de la fonction d’audit interne au sein des établissements de crédit et des compagnies financières des pays membres.
C’est ainsi que l’article 31, alinéa 2, de la circulaire n° 01-2017/CB/C relative à la gouvernance des établissements de crédit et des compagnies financières de l’UMOA stipule :
« La désignation, la mutation ou la révocation du responsable de la fonction d'audit interne et celle des auditeurs internes doit être soumise à l’approbation préalable de l'organe délibérant, sur proposition dûment motivée du Comité d'audit. »
Les détails de l’indépendance et de la professionnalisation de la fonction d’audit interne sont largement développés par la circulaire n° 03-2017/CB/C relative au contrôle interne et sont conformes aux normes internationales. 2.2.Au niveau national Dans le secteur parapublic sénégalais, la fonction d’audit interne reste confinée dans des liens hiérarchiques et fonctionnelles anachroniques, ne lui permettant pas toujours de jouer pleinement sa mission de contribution au renforcement des processus de gouvernance, de gestion des risques et de contrôle conformément aux normes internationales d’audit interne. 2.2.1.Loi d’orientation 2022-08 du 19 avril 2022 La loi d’orientation 2022-08 du 19 avril 2022 a certes fait une avancée notable en matière d’audit et de contrôle internes dans le secteur parapublics par rapport à la loi 90-07 du 26 juin 1997 qui n’avait que très laconiquement abordé le contrôle interne dans le paragraphe 1 de son article 36 en ces termes :
Chaque entreprise du secteur parapublic dispose d’un manuel de procédures, dont 1'application fait l'objet d'un contrôle permanent par un contrô1eur interne.
Dans la loi d’orientation 2022-08, l’exposé des motifs stipule clairement que les principales mutations et innovations de celles-ci s'articulent, entre autres, autour de « la mise en place d'une politique d'audit interne dans chaque organisme du secteur parapublic destinée à apprécier les risques, à lancer l'alerte de façon précoce et à formuler des recommandations en vue d'améliorer son fonctionnement ainsi que l’application par tous les organismes du secteur parapublic du Code de bonne gouvernance ».
Et son article 59 dispose :
Chaque entité du secteur parapublic conçoit et met en œuvre une politique d'audit interne pour apprécier la bonne maîtrise des risques et mener des actions aptes à améliorer le dispositif de contrôle interne.
Cependant les modalités organisationnelles et financières garantissant l’indépendance de la fonction d’audit interne n’ont pas été abordées. 2.2.2.Décret 2025-670 du 29 avril 2025 Ce décret fixe les règles de fonctionnement de l'organe délibérant des entités du secteur parapublic.
Il institue des comités spécialisés dont le comité d’audit auquel il assigne, en son article 17, comme principale mission de suivre les questions relatives à l'élaboration et au contrôle des informations comptables et financières communiquées aux administrateurs.
A ce titre, il est chargé, entre autres : d'examiner et d'approuver les programmes d'audit interne et externe de l'entité ; de veiller à l'efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques ; de proposer ou de recommander à l'organe délibérant, pour approbation, la nomination et la révocation des commissaires aux comptes selon les procédures en vigueur. Ainsi, pour la fonction d’audit interne, ce décret se limite à l’examen et à l’approbation de son programme ainsi qu’à la veille sur l'efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques. Aucune référence n’est faite aux moyens permettant à la fonction d’audit interne de planifier et d’exécuter efficacement ses missions, notamment son indépendance fonctionnelle, contrairement aux commissaires aux comptes dont la nomination et la révocation sont du pouvoir de l’organe délibérant sur proposition du Comité d’audit. 2.3.Dissonance entre le niveau international et le niveau national Au regard de ce qui précède, il ressort un écart énorme entre les normes internationales et les textes législatifs et réglementaires régissant le secteur parapublic sénégalais.
Certes, la loi 2022-08 du 19 avril 2022 confère à la fonction d’audit interne un rôle d’appréciation des risques, de lancement d'alerte de façon précoce et de formulation de recommandations en vue d'améliorer le fonctionnement de l’organisme du secteur parapublic. Mais, ni elle, ni le décret 2025-670 du 29 avril 2025 ne lui confèrent, de manière institutionnelle, aucune garantie contre d’éventuelles sanctions au cas où ses constats et ses recommandations, aussi pertinents soient-ils, n’agréent pas le responsable de l’organe exécutif.
Les auditeurs internes devront-ils se contenter de la loi récemment adoptée par l’Assemblée nationale pour protéger les lanceurs d’alerte, à savoir la loi n° 13-2025 ? Ce serait incommode et inopérant d’y faire constamment recours. Par ailleurs, la loi portant protection des lanceurs d’alerte concerne des faits de corruption et de crimes économiques, alors que l’l’audit interne se concentre sur des faiblesses de la gouvernance, de la gestion des risques et du contrôle interne n’ayant pas nécessairement abouti à des irrégularités révélées.
Dans les faits, on constate un énorme retard dans les perception de la nécessaire indépendance de l’audit interne au sein des entreprises et organisations sénégalaises. Et ce retard de perception semble traduire l’état d’esprit généralement répandu en ce qui concerne l’importance qui doit être accordée à l’audit interne, surtout au sein des entreprises publiques et parapubliques.
Si vous avez l’occasion d’aborder la nécessité de l’indépendance de la fonction d’audit interne pour un alignement sur les normes internationales, beaucoup vous répondront qu’il revient à l’auditeur interne d’acquérir lui-même son indépendance, puisqu’une indépendance ne se concède pas, elle se conquière.
En réalité, l’opinion qui me semble la plus répandue, y compris dans le cercle des décideurs politiques et de l’administration centrale, est de restreindre cette notion d’indépendance à « l’indépendance d’esprit ». Or, la notion d’indépendance de l’audit interne désigne autre chose. Elle ne dépend pas de la seule bonne volonté de l’auditeur. Elle est plutôt organique, fonctionnelle et financière.
L’indépendance d’esprit de l’auditeur interne est implicitement abordée dans le domaine II des normes internationale d’audit interne de 2024 (Ethique et professionnalisme) qui y développe les cinq principes suivants : intégrité, objectivité, compétence, conscience professionnelle et confidentialité des auditeurs internes. Une auditeur interne armé de ces qualités peut être considéré comme indépendant d’esprit.
Quant à l’indépendance de la fonction d’audit interne, elle est abordée dans le domaine III (Gouvernance de la fonction d’audit interne), notamment avec le principe 7 qui la détaille assez suffisamment (voir plus haut au paragraphe 2.1). 2.4.De la nécessaire indépendance de la fonction d’audit interne L’auditeur interne a beau avoir un esprit indépendant : s’il relève de la seule autorité du responsable de l’organe exécutif, il ne pourra pas exécuter une mission sans l’accord préalable de ce dernier. Une protection légalement reconnue de la part de l’organe délibérant à travers son Comité d’Audit est indispensable pour la planification et l’exécution des missions avec respect des normes internationales d’audit interne ; s’il n’accepte pas des missions qui soient en contradiction avec sa fonction (rédaction de procédures, gestion d’une activité opérationnelle, etc.), aucune disposition n’est prévue pour que le Comité d’audit le protège contre une éventuelle sanction : licenciement, mutation ou affectation vers un autre service ou une autre localité par le responsable de l’organe exécutif ; si ses constats et recommandations vont dans un sens que n’agrée pas le responsable de l’organe exécutif, celui-ci peut le sanctionner, même si de tels constats et recommandations sont pertinents et agréent le Comité d’audit ;etc. Dans ces cas comme dans d’autres, le décret 2025-670 ne confère au Comité d’audit aucun pouvoir pour protéger le responsable de l’audit interne contre d’éventuels abus de l’organe exécutif. Le décret donne des obligations à l’audit interne sans lui donner des garanties contre des sanctions comme le préconisent les normes internationales d’audit interne. 2.5.Conclusion et recommandations Pour protéger la fonction d’audit interne dont la mission est de contribuer au renforcement de la bonne gouvernance, de la gestion des risques et du contrôle interne, il nous semble nécessaire de l’aligner sur les normes internationales.
Pour ce faire, il convient que les autorités publiques du Sénégal consacrent officiellement, et en conformité avec les normes internationales d’audit interne, l’indépendance de cette fonction dans les entreprises du secteur parapublic et accompagnent le mouvement de professionnalisation des auditeurs internes du pays.
Cette indépendance exige, entre autres : L’approbation préalable par l'organe délibérant, et sur proposition dûment motivée du Comité d'audit, de la désignation, de la mutation ou de la révocation du responsable de la fonction d'audit interne et celle des auditeurs internes ; Un double rattachement du responsable de l’audit interne : administratif à l’organe exécutif et fonctionnel à l’organe délibérant, notamment au Comité d’audit, supposant la possibilité, pour le responsable de l’audit interne, de s’entretenir avec le Conseil d'Administration (ou le Comité d’audit) de sujets importants et sensibles avec ou sans la présence du responsable de l’organe exécutif ; La liberté de l’audit interne dans la définition du plan d’audit, la conduite des missions et la communication des résultats pour préserver l’objectivité et éviter toute influence sur le contenu ou la portée des missions (cela n’exclut pas la prise en compte des points de vue de la Direction et du Conseil) ; L’adéquation des ressources (financières, humaines, matérielles) sous le contrôle du Comité d’audit, pour éviter que l’organe exécutif ne restreigne les moyens de l’audit interne.
Selon les normes internationales d’audit interne 2024 de l’Institute of Internal Auditors, l’audit interne renforce la capacité de l’organisation à créer de la valeur et à œuvrer pour sa protection et sa pérennité, en fournissant au Conseil et aux directions une assurance, un conseil, un éclairage et une prospective indépendants, objectifs et fondés sur les risques.
Les deux piliers qui permettent, entre autres, à la fonction d’audit interne de s’acquitter de sa mission sont : L’observation de l’éthique et du professionnalisme qui renferme : l’intégrité, l’objectivité, la compétence, la conscience professionnelle et le respect de la confidentialité ; L’indépendance de la fonction d’audit interne au sein de l’organisation. Faisons observer néanmoins que l’indépendance de la fonction d’audit interne est une conditions indispensable pour garantir la solidité et la durabilité de l’éthique et du professionnalisme des auditeurs internes. Pour cette raison, nous nous concentrerons, dans le présent article, à l’indépendance de la fonction d’audit interne au sein de l’organisation. Sa professionnalisation pourrait être développé dans une article ultérieur.
Pour l’indépendance de la fonction d’audit interne, nous pensons qu’il reste des efforts à faire par nos autorités publiques pour son renforcement dans le secteur parapublic. 2.1.Au niveau international et sous-régional Depuis au moins 2009, l’Institute of Internal Auditors (l’organisation mondiale des auditeurs internes) a prescrit dans les normes internationales d’audit interne la nécessité et même l’obligation de la professionnalisation et de l’indépendance de la fonction d’audit interne au sein de l’organisation. Les Normes internationales d’audit interne de 2009 stipulent :
Le responsable de l'audit interne doit relever d’un niveau hiérarchique suffisant au sein de l’organisation pour permettre au service d’audit interne d’exercer ses responsabilités. Le responsable de l’audit interne doit confirmer au Conseil, au moins annuellement, l’indépendance de l’audit interne au sein de l’organisation.
Cette position a été maintenue dans les versions 2013 et 2017.
Une nette évolution renforçant l’indépendance de l’audit interne au sein de l’organisation a été constatée dans les récentes normes de 2024. En effet, le principe 7 des normes 2024 (Indépendance de l’Audit interne) stipule :
Le Conseil définit et préserve l’indépendance et les qualifications de la fonction d’audit interne.
Il incombe au Conseil de permettre l’indépendance de la fonction d’audit interne. On entend par « indépendance » l’absence de situations pouvant compromettre la capacité de la fonction d’audit interne à exercer, sans biais, ses responsabilités. La fonction d’audit interne ne sera en mesure de remplir sa Mission que si le responsable de l’audit interne est directement rattaché au Conseil, est qualifié et occupe au sein de l’organisation une position hiérarchique qui lui permet de s’acquitter de ses missions et de ses responsabilités en dehors de toute ingérence.
Je me garderais de faire des comparaisons avec un quelconque pays de la sous-région, mais le rappel des mesures prises dans le secteur financier me semble suffisamment édifiant et inspirant pour tous les secteurs de la nation : public, parapublic et privé.
En effet, en ce qui concerne le secteur financier de la zone UMOA (Union Monétaire Ouest-Africaine) dont le Sénégal est membre, la Commission bancaire, à travers une panoplie de circulaires du 27 septembre 2017, et en conformité avec les normes internationales d’audit interne, a institué l’indépendance et la professionnalisation de la fonction d’audit interne au sein des établissements de crédit et des compagnies financières des pays membres.
C’est ainsi que l’article 31, alinéa 2, de la circulaire n° 01-2017/CB/C relative à la gouvernance des établissements de crédit et des compagnies financières de l’UMOA stipule :
« La désignation, la mutation ou la révocation du responsable de la fonction d'audit interne et celle des auditeurs internes doit être soumise à l’approbation préalable de l'organe délibérant, sur proposition dûment motivée du Comité d'audit. »
Les détails de l’indépendance et de la professionnalisation de la fonction d’audit interne sont largement développés par la circulaire n° 03-2017/CB/C relative au contrôle interne et sont conformes aux normes internationales. 2.2.Au niveau national Dans le secteur parapublic sénégalais, la fonction d’audit interne reste confinée dans des liens hiérarchiques et fonctionnelles anachroniques, ne lui permettant pas toujours de jouer pleinement sa mission de contribution au renforcement des processus de gouvernance, de gestion des risques et de contrôle conformément aux normes internationales d’audit interne. 2.2.1.Loi d’orientation 2022-08 du 19 avril 2022 La loi d’orientation 2022-08 du 19 avril 2022 a certes fait une avancée notable en matière d’audit et de contrôle internes dans le secteur parapublics par rapport à la loi 90-07 du 26 juin 1997 qui n’avait que très laconiquement abordé le contrôle interne dans le paragraphe 1 de son article 36 en ces termes :
Chaque entreprise du secteur parapublic dispose d’un manuel de procédures, dont 1'application fait l'objet d'un contrôle permanent par un contrô1eur interne.
Dans la loi d’orientation 2022-08, l’exposé des motifs stipule clairement que les principales mutations et innovations de celles-ci s'articulent, entre autres, autour de « la mise en place d'une politique d'audit interne dans chaque organisme du secteur parapublic destinée à apprécier les risques, à lancer l'alerte de façon précoce et à formuler des recommandations en vue d'améliorer son fonctionnement ainsi que l’application par tous les organismes du secteur parapublic du Code de bonne gouvernance ».
Et son article 59 dispose :
Chaque entité du secteur parapublic conçoit et met en œuvre une politique d'audit interne pour apprécier la bonne maîtrise des risques et mener des actions aptes à améliorer le dispositif de contrôle interne.
Cependant les modalités organisationnelles et financières garantissant l’indépendance de la fonction d’audit interne n’ont pas été abordées. 2.2.2.Décret 2025-670 du 29 avril 2025 Ce décret fixe les règles de fonctionnement de l'organe délibérant des entités du secteur parapublic.
Il institue des comités spécialisés dont le comité d’audit auquel il assigne, en son article 17, comme principale mission de suivre les questions relatives à l'élaboration et au contrôle des informations comptables et financières communiquées aux administrateurs.
A ce titre, il est chargé, entre autres : d'examiner et d'approuver les programmes d'audit interne et externe de l'entité ; de veiller à l'efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques ; de proposer ou de recommander à l'organe délibérant, pour approbation, la nomination et la révocation des commissaires aux comptes selon les procédures en vigueur. Ainsi, pour la fonction d’audit interne, ce décret se limite à l’examen et à l’approbation de son programme ainsi qu’à la veille sur l'efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques. Aucune référence n’est faite aux moyens permettant à la fonction d’audit interne de planifier et d’exécuter efficacement ses missions, notamment son indépendance fonctionnelle, contrairement aux commissaires aux comptes dont la nomination et la révocation sont du pouvoir de l’organe délibérant sur proposition du Comité d’audit. 2.3.Dissonance entre le niveau international et le niveau national Au regard de ce qui précède, il ressort un écart énorme entre les normes internationales et les textes législatifs et réglementaires régissant le secteur parapublic sénégalais.
Certes, la loi 2022-08 du 19 avril 2022 confère à la fonction d’audit interne un rôle d’appréciation des risques, de lancement d'alerte de façon précoce et de formulation de recommandations en vue d'améliorer le fonctionnement de l’organisme du secteur parapublic. Mais, ni elle, ni le décret 2025-670 du 29 avril 2025 ne lui confèrent, de manière institutionnelle, aucune garantie contre d’éventuelles sanctions au cas où ses constats et ses recommandations, aussi pertinents soient-ils, n’agréent pas le responsable de l’organe exécutif.
Les auditeurs internes devront-ils se contenter de la loi récemment adoptée par l’Assemblée nationale pour protéger les lanceurs d’alerte, à savoir la loi n° 13-2025 ? Ce serait incommode et inopérant d’y faire constamment recours. Par ailleurs, la loi portant protection des lanceurs d’alerte concerne des faits de corruption et de crimes économiques, alors que l’l’audit interne se concentre sur des faiblesses de la gouvernance, de la gestion des risques et du contrôle interne n’ayant pas nécessairement abouti à des irrégularités révélées.
Dans les faits, on constate un énorme retard dans les perception de la nécessaire indépendance de l’audit interne au sein des entreprises et organisations sénégalaises. Et ce retard de perception semble traduire l’état d’esprit généralement répandu en ce qui concerne l’importance qui doit être accordée à l’audit interne, surtout au sein des entreprises publiques et parapubliques.
Si vous avez l’occasion d’aborder la nécessité de l’indépendance de la fonction d’audit interne pour un alignement sur les normes internationales, beaucoup vous répondront qu’il revient à l’auditeur interne d’acquérir lui-même son indépendance, puisqu’une indépendance ne se concède pas, elle se conquière.
En réalité, l’opinion qui me semble la plus répandue, y compris dans le cercle des décideurs politiques et de l’administration centrale, est de restreindre cette notion d’indépendance à « l’indépendance d’esprit ». Or, la notion d’indépendance de l’audit interne désigne autre chose. Elle ne dépend pas de la seule bonne volonté de l’auditeur. Elle est plutôt organique, fonctionnelle et financière.
L’indépendance d’esprit de l’auditeur interne est implicitement abordée dans le domaine II des normes internationale d’audit interne de 2024 (Ethique et professionnalisme) qui y développe les cinq principes suivants : intégrité, objectivité, compétence, conscience professionnelle et confidentialité des auditeurs internes. Une auditeur interne armé de ces qualités peut être considéré comme indépendant d’esprit.
Quant à l’indépendance de la fonction d’audit interne, elle est abordée dans le domaine III (Gouvernance de la fonction d’audit interne), notamment avec le principe 7 qui la détaille assez suffisamment (voir plus haut au paragraphe 2.1). 2.4.De la nécessaire indépendance de la fonction d’audit interne L’auditeur interne a beau avoir un esprit indépendant : s’il relève de la seule autorité du responsable de l’organe exécutif, il ne pourra pas exécuter une mission sans l’accord préalable de ce dernier. Une protection légalement reconnue de la part de l’organe délibérant à travers son Comité d’Audit est indispensable pour la planification et l’exécution des missions avec respect des normes internationales d’audit interne ; s’il n’accepte pas des missions qui soient en contradiction avec sa fonction (rédaction de procédures, gestion d’une activité opérationnelle, etc.), aucune disposition n’est prévue pour que le Comité d’audit le protège contre une éventuelle sanction : licenciement, mutation ou affectation vers un autre service ou une autre localité par le responsable de l’organe exécutif ; si ses constats et recommandations vont dans un sens que n’agrée pas le responsable de l’organe exécutif, celui-ci peut le sanctionner, même si de tels constats et recommandations sont pertinents et agréent le Comité d’audit ;etc. Dans ces cas comme dans d’autres, le décret 2025-670 ne confère au Comité d’audit aucun pouvoir pour protéger le responsable de l’audit interne contre d’éventuels abus de l’organe exécutif. Le décret donne des obligations à l’audit interne sans lui donner des garanties contre des sanctions comme le préconisent les normes internationales d’audit interne. 2.5.Conclusion et recommandations Pour protéger la fonction d’audit interne dont la mission est de contribuer au renforcement de la bonne gouvernance, de la gestion des risques et du contrôle interne, il nous semble nécessaire de l’aligner sur les normes internationales.
Pour ce faire, il convient que les autorités publiques du Sénégal consacrent officiellement, et en conformité avec les normes internationales d’audit interne, l’indépendance de cette fonction dans les entreprises du secteur parapublic et accompagnent le mouvement de professionnalisation des auditeurs internes du pays.
Cette indépendance exige, entre autres : L’approbation préalable par l'organe délibérant, et sur proposition dûment motivée du Comité d'audit, de la désignation, de la mutation ou de la révocation du responsable de la fonction d'audit interne et celle des auditeurs internes ; Un double rattachement du responsable de l’audit interne : administratif à l’organe exécutif et fonctionnel à l’organe délibérant, notamment au Comité d’audit, supposant la possibilité, pour le responsable de l’audit interne, de s’entretenir avec le Conseil d'Administration (ou le Comité d’audit) de sujets importants et sensibles avec ou sans la présence du responsable de l’organe exécutif ; La liberté de l’audit interne dans la définition du plan d’audit, la conduite des missions et la communication des résultats pour préserver l’objectivité et éviter toute influence sur le contenu ou la portée des missions (cela n’exclut pas la prise en compte des points de vue de la Direction et du Conseil) ; L’adéquation des ressources (financières, humaines, matérielles) sous le contrôle du Comité d’audit, pour éviter que l’organe exécutif ne restreigne les moyens de l’audit interne.