Corps de palestiniens torturés et morts remis au compte-goutte, la colère monte entre Israël et le Hamas

Entre Israël et le Hamas, la question de la restitution des dépouilles demeure très sensible, malgré le cessez-le-feu. L'État hébreu, qui voit les corps d'otages décédés revenir au compte-goutte, menace de pas permettre l’ouverture du point de paysage de Rafah avant de les avoir tous récupérés. De son côté, le Hamas dénonce l'état des dépouilles récupérées, profondément marquées par la torture.



L'échange de dépouilles entre le Hamas et Israël est devenu le nouveau bras de fer du conflit. Alors que ce point de l'accord de paix, qui devait suivre le cessez-le-feu, était loin de représenter le plus grand défi, le sujet est devenu une source de tensions. Samedi soir, deux nouveaux corps d'otages décédés ont été transférés aux forces israéliennes par la Croix-Rouge internationale. L’un des deux a été identifié dimanche matin comme étant celui de Ronen Engel, 54 ans, résident du kibboutz Nir Oz, qui avait été enlevé chez lui et tué par le Hamas le 7 octobre 2023, détaille notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul. Le 12e des 28 corps attendus par l'État hébreu.
 
Bien que le Hamas ait libéré tous les otages vivants dans les délais impartis par l'accord de cessez-le-feu, il n'a pas encore restitué la moitié des dépouilles attendues à ce stade du processus. De quoi provoquer la colère des dirigeants de l'État hébreu. En réaction, Benyamin Netanyahu « a ordonné en mesure de rétorsion que le passage frontalier de Rafah reste fermé jusqu’à nouvel ordre ». Selon un communiqué du bureau du Premier ministre, la réouverture de ce terminal capital pour l'aide humanitaire à la frontière entre Gaza et l’Égypte sera envisagée en fonction de la manière dont le Hamas s’acquittera de ses obligations en matière de restitution des corps des défunts, et de mise en œuvre du cadre convenu.
 
« Les marques de tortures sont claires »
 
La réplique de l’organisation islamiste a été immédiate. La fermeture prolongée du point de passage de Rafah entraînera des retards importants dans la récupération et la remise des dépouilles, a-t-il été communiqué en retour. D'autant plus que le Hamas a, lui aussi, fait entendre sa colère concernant les 135 dépouilles renvoyées par Israël depuis le début du processus de paix : elles sont défigurées et marquées par la torture. Les photos transmises aux familles en vue de leur identification sont effroyables.
 
Les corps, livrés sans le moindre nom, portent en revanche des traces qui ne laissent pas de doute à Amjad Al-Najar, porte-parole du Club des prisonniers, une ONG palestinienne, interrogé par Aabla Jounaidi : « Les marques de tortures sont claires. Ecchymoses, fractures, brûlures par électrocutions, mais aussi par des produits chimiques, liste-t-elle. Plusieurs corps portent des traces de liens aux poignets et aux chevilles, et d’autres des traces de balles dans la tête. On a constaté aussi des violences sexuelles. Beaucoup de ces corps étaient recousus, mais il nous est difficile de déterminer si des organes ont été prélevés. Néanmoins, il apparaît que les abdomens de certains corps ont été remplis avec du coton. »
 
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Israël balaie les accusations et insiste sur le désarmement
L’armée israélienne, qui assure que tous les corps remis sont ceux de combattants palestiniens, a réagi par un communiqué vendredi en dénonçant une « propagande du Hamas ».  En attendant, une partie des corps identifiés ont commencé d’être enterrés par leurs proches. « Vu la situation à Gaza, les destructions, le manque de réfrigérateurs dans les hôpitaux, les familles n’ont d’autres choix que d’enterrer ces corps, explique Amjad Al-Najar. Et avec eux, les preuves. Ce que nous demandons, c’est l’aide internationale afin d’obtenir l’équipement pour les conserver, puis procéder au plus vite à de véritables analyses médico-légales. Car on parle ici de potentiels crimes de guerre commis par Israël. » Une requête qui risque de rester lettre-morte. Puisque l'actualité de la région concerne plus la fragilité du processus de paix qu'autre chose.
 
Lors de son interview accordée à la 14, une chaîne de télévision privée ouvertement pro-gouvernement, pour dénoncer la lenteur de la restitution des corps par le Hamas, Netanyahu a rappelé que la guerre avec le Hamas prendrait fin une fois achevée la seconde phase de l’accord de cessez-le-feu en cours à Gaza. Celle-ci « comprend également le désarmement du Hamas, ou plus précisément la démilitarisation de la bande de Gaza, et avant cela, la confiscation des armes du Hamas », insiste le Premier ministre israélien, qui compte se présenter aux prochaines élections, après 18 ans au pouvoir presque sans interruption.

RFI

Dimanche 19 Octobre 2025 10:07


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