ÉGYPTE • Le dur retour sur terre de Moubarak





Le président égyptien, qui a quitté le Caire le 11 février pour sa résidence dans la station balnéaire de Charm El-Cheikh, s'est peut-être finalement tourné vers les médias pour s'informer, ironise l'éditorialiste du quotidien panarabe Al-Hayat.
Des Égyptiens lisent la presse place Tahrir au lendemain de la démission d'Hosni Moubarak, 12 février 2011.
Imaginons le président égyptien Hosni Moubarak en train de regarder la télévision ou de lire la presse de son pays. Imaginons-le en train de suivre en direct les événements de la place Tahrir ou d'écouter la foule de spécialistes, analystes et commentateurs qui se bousculent pour dire qu'une page de l'histoire se tourne en Egypte et dans toute la région. Que cela doit être dur de se retrouver seul face à un écran où tout le monde est uni contre vous ! Ce ne doit pas être facile pour l'ancien régent de l'Egypte.

Il a dû quitter les commandes [le 11 février] au milieu des clameurs et a perdu les rênes du pouvoir. On lui a retiré son sceau et on l'a chassé du château. Et peut-être qu'on finira par le chasser du pays. Ce ne doit pas être facile de subir les attaques non seulement de telle ou telle chaîne satellitaire, mais également du journal Al-Ahram [habituellement proche du régime de Moubarak]. D'apprendre que des avocats s'amuseront à déposer des plaintes contre lui, contre des membres de sa famille et contre des gens de son entourage. De devoir quémander la protection à ceux qui s'étaient bousculés un peu plus tôt pour avoir l'insigne privilège de lui serrer la main, de se mettre en garde-à-vous devant lui ou de l'assurer de leur loyauté absolue. D'entendre la télévision officielle parler "d'ex-président"; "Ex" ! imagine-t-on l'insulte ? D'écouter ceux-là mêmes qui l'avaient abreuvé d'éloges et vanté son courage, sa vison à long terme, sa sagesse, les sacrifices qu'il avait consentis pour la patrie et la nation, l'accuser aujourd'hui d'entêtement, d'arrogance, d'impuissance à prendre le pouls de la rue et à écouter la voix du peuple.

Il y en a qui avaient fait couler beaucoup d'encre pour le vanter et qui se mettent soudainement à cracher du venin pour le dénigrer. Ce ne doit pas être facile à supporter de les entendre prétendre qu'ils avaient glissé des mises en garde et des critiques entre les lignes. Ce ne doit pas être facile de voir des hommes qui s'étaient mis sous sa protection pour faire carrière, pour jouer dans la cour des grands et pour alimenter leur compte en banque se laver aujourd'hui les mains du passé et affirmer qu'ils n'avaient jamais été les alliés du régime.

Ce ne doit pas être facile d'entendre un certain nombre de personnes qui dissertent soudainement sur le respect de la Constitution et sur l'alternance au pouvoir alors qu'à chaque fin de mandat, ils s'étaient fendus de déclarations pour affirmer que le pays avait plus que jamais besoin de l'expérience du grand chef. Ce ne doit pas être facile de voir tous ceux qui sont nés pendant son règne, ont usé leurs culottes sur les bancs d'école sous sa photo, ont travaillé dans les bureaux de l'administration sous ses yeux, ... déchirer son portrait sur la place Tahrir. De se voir traité de tyran et de constater que tout le monde n'attendait que son départ pour commencer la fête.

Il se frotte les yeux. Qui est donc ce Waël Ghonaim [jeune militant très actif sur Facebook] ? Il était où, lui, dans la guerre d'octobre 1973 ? A-t-il peut-être participé à la traversée du canal de Suez ? Il n'était même pas encore né ! Mais a-t-il seulement lu les journaux pour comprendre ce qu'était la guerre contre l'extrémisme ? Aurait-il peut-être eu l'audace de descendre dans la rue et d'aller manifester place Tahrir si les gamaat [groupes islamistes] étaient arrivés au pouvoir ? C'est déplorable ! Aucun rapport ne l'avait prévu. Quoi de plus mensonger que les rapports. Quoi de plus incompétent que les conseillers. Aucun d'entre eux n'avait remarqué que les temps avaient changé. Aucun n'avait dit que les nouveaux généraux faisaient carrière sur Facebook et non dans les académies militaires. Aucun n'avait compris que le peuple pouvait agir en traître.

Courrier International

Mardi 15 Février 2011 10:34


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