Egypte : les rassemblements de jeunes se multiplient pour l’anniversaire du début de la contestation

Ce mercredi 25 janvier 2012 marque l’anniversaire de la révolution égyptienne, lorsqu’il y a tout juste un an, les jeunes inspirés par la révolution tunisienne, ont fait tomber le mur de la peur et sont descendus par milliers dans les rues des grandes villes et notamment sur la place Tahrir au Caire. Une place devenue le symbole de la contestation.



A l'approche de l'anniversaire du début de la contestation, les manifestations s'intensifient contre les militaires qui occupent le pouvoir. Ici le 20 janvier 2012, place Tahrir au Caire. REUTERS/Mohamed Abd El-Ghany
Des manifestations avaient commencé le 25 janvier d’abord pour protester contre les violences policières, car le 25 janvier, c’était le jour de la police. C’est surtout dans la ville de Suez au bord du canal que les heurts ont été les plus sanglants. C’est là que sont tombés les premiers manifestants sous les balles des policiers.

La ville s’est enflammée, et les mouvements ont pris de l’ampleur dans d’autres villes et bien sûr au Caire. Mais c’est surtout le vendredi de la colère qui a été le plus sanglant. La police a ensuite quitté l’espace public, on estime à plus de 850 le nombre de mort et des milliers de blessés. Les citoyens sont descendus par milliers dans les rues, la parole s’est libérée après 30 ans de règne du président Hosni Moubarak, qui est actuellement en procès.

Un procès spectacle pour certains alors que les violences policières elles sont toujours impunies. Il y a donc un sentiment de grande frustration notamment parmi les jeunes, qui ont l’impression de s’être fait voler la révolution. Maintenant que le parlement s’est réuni pour sa première session ce lundi, certains opposants historiques comme les Frères musulmans demandent aux manifestants de ne plus occuper les rues. Mais hier soir la place était déjà pleine de monde, notamment des familles des victimes et des blessés de la révolution qui attendent toujours réparation.

L’état d’urgence levé

Le maréchal Tantaoui qui dirige le conseil militaire aux commandes du pays depuis la chute de Moubarak a annoncé hier la levée de l’état d’urgence. En réaction, les slogans scandés hier soir sur la place Tahrir, « à bas les militaires » ont donné le ton.

Les gens en tous cas sur la place ne prennent pas ces déclarations très au sérieux, d’autant que le maréchal Tantaoui a émis une exception de l’application de la loi d’urgence pour ceux qu’on appelle ici les « baltagueyas », les voleurs, les criminels, mais cette notion est très vague, et les forces de sécurité ont déjà utilisé cette parade pour réprimer violemment les manifestants ces trois derniers mois.

Un film sur la révolution

Les révolutionnaires préparent cette journée du 25 janvier et la suite de leur mouvement, en organisant des événements comme cette projection en pleine rue d’un film documentaire sur la révolution.

La projection était organisée mardi 24 janvier dans la soirée, à la veille de l’anniversaire de la révolution. A l’affiche, le film Tahrir 2011, le bon, la brute et le politicien, réalisé par trois jeunes réalisateurs égyptiens. Un écran est installé sur le trottoir, devant l’entrée de la maison d’édition Merit, qui publie des ouvrages d’auteurs engagés.

« C’est un documentaire qui raconte trois étapes de la révolution, explique Ayan Egma, une des organisatrices de la projection, c’est très complet : le bon, c’est le citoyen qui manifeste pour réclamer ses droits, la brute, ce sont les forces de police et militaires, et le politicien, ce sont ceux qui se sont appropriés la révolution sans y avoir participé. C’est très important de diffuser ce film ce soir ».


Devant l’écran, environ 150 jeunes débordent largement sur la rue, et réagissent à chaque scène. La pluie qui tombe ne les a pas fait fuir. « Le fait de voir ce film ce soir nous donne du courage pour ce 25 janvier, s'enthousiasme Ahmed Ali, 25 ans, venu découvrir les images. On y voit tous les mensonges qu’on a vécu pendant les trois décennies avec ce dirigeant Moubarak, j’ai vu des scènes qu’on n’avait jamais vues, par exemple Moubarak sous ses vrais traits de vieux, son maquillage, et le fait que quelqu’un retouchait spécialement ses photos. On voit bien à quel point on était manipulés ».

Ces événements de rue se sont multipliés ces dernières semaines. Ce 25 janvier, les jeunes veulent aussi signifier au Conseil supérieur des forces armées qu’ils ne sont plus dupes et qu’ils ne veulent plus être manipulés.

Charles Thialice SENGHOR

Mercredi 25 Janvier 2012 09:31


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