Élections en Allemagne: virement de bord en eaux troubles

Des législatives anticipées ont lieu ce dimanche 23 février, en Allemagne. Elles devraient déboucher sur une alternance politique avec une victoire attendue du chrétien-démocrate Friedrich Merz contre le chancelier sortant Olaf Scholz. Ce scrutin intervient alors que l’Allemagne traverse une crise durable et que la situation internationale est plus instable que jamais.



Les prochaines législatives en Allemagne auraient dû avoir lieu en septembre prochain au terme du mandat de quatre ans du Bundestag. Mais les tensions toujours plus importantes au sein de la coalition d’Olaf Scholz associant depuis fin 2021 les sociaux-démocrates (SPD) du chancelier, les écologistes et les libéraux ont eu raison avant terme de cette alliance inédite au niveau fédéral. Elle s’est brisée sur les questions budgétaires et l’impossibilité de trouver un compromis sur le budget 2025.
 
Olaf Scholz a alors décidé début novembre de limoger son ministre des Finances, le président du parti libéral FDP Christian Lindner. Depuis le départ dans la foulée de cette force de la coalition au pouvoir, l’Allemagne est dirigée par un gouvernement minoritaire entre le SPD et les écologistes. Sans majorité, il devenait difficile de gouverner le pays. Olaf Scholz a préféré poser la question de confiance au Parlement en décembre et a perdu logiquement ce scrutin ce qui lui a permis de demander au président de la République de dissoudre le Bundestag. La voie était libre pour des élections anticipées qui auront donc lieu ce dimanche.
 
Le bilan de la coalition sortante
L’alliance entre sociaux-démocrates, écologistes et libéraux a été rapidement marquée par des divergences et des querelles affichées publiquement. Sa popularité est au plus bas. La coalition entre deux forces de gauche (SPD et Verts) qui ont collaboré depuis près de quarante ans dont sept années au niveau fédéral sous le chancelier Schröder (1998-2005) et le FDP au centre-droit sur une ligne économique et sociale libérale ressemblait quelque peu au mariage de carpe et du lapin.
 
Pour autant, le bilan de la coalition est meilleur que son image désastreuse. Les sociaux-démocrates se félicitent d’avancées sociales comme la hausse de 15% du smic qui a réduit les bas salaires en Allemagne ou la réforme de l’aide sociale. Les Verts ont fait avancer la part des énergies renouvelables, mais ce chantier reste à parachever avec des prix de l’énergie toujours trop élevés. Les libéraux ont obtenu des allègements d’impôts ; leur ministre des Transports a été un des pères du DeutschlandTicket, un forfait mensuel de 49 puis de 58 euros permettant d’utiliser les transports en commun et les trains régionaux sans limitation dans tout le pays. Des réformes sociétales ont été adoptées : il est dorénavant plus facile et plus rapide d’obtenir la nationalité allemande, une loi sur l’immigration choisie a été promulguée.
 
La coalition s’est mise en place début décembre 2021. Deux mois plus tard, le début de la guerre en Ukraine chamboulait le cours des choses. Le gouvernement Scholz a dû dans l’urgence réagir à plusieurs niveaux. En renforçant avec un fonds spécial de 100 milliards d’euros (hors budget) les moyens de l’armée allemande dont le sous-investissement était notoire. L’an dernier, Berlin atteignait grâce à ces moyens supplémentaires les 2% du produit intérieur brut pour ses dépenses militaires comme l’exigeaient les engagements pris par les membres de l’Otan.
 
Autre défi de la guerre en Ukraine : réorganiser un temps record l’approvisionnement énergétique de l’Allemagne. La fin des livraisons de gaz russe dont le pays était largement dépendant a nécessité un effort considérable pour éviter que les Allemands comme les entreprises ne soient pas privés
Olaf Scholz, 66 ans, dirige l’Allemagne comme chancelier depuis décembre 2021 lorsqu’il a succédé à la chrétienne-démocrate Angela Merkel qui quittait alors le pouvoir après 16 années à la tête de l’Allemagne. Le chef du gouvernement dispose d’une longue expérience aux affaires puisqu’il a été deux fois ministre d’Angela Merkel lorsqu’une grande coalition associait son parti, le SPD, aux chrétiens-démocrates. Olaf Scholz a été ministre des Affaires sociales entre 2005 et 2009 et des Finances entre 2018 et 2021. Juriste de formation, l’ancien avocat en droit du travail a été par ailleurs secrétaire général du SPD sous le chancelier Schröder et a dirigé la ville de Hambourg entre 2011 et 2018.
 
Dans sa jeunesse, le chancelier était une figure de l’aile gauche du parti social-démocrate. Olaf Scholz est aujourd’hui un pragmatique qui s’assume. Jamais très prisé parmi ses camarades au sein du SPD, sa popularité comme chancelier est dramatiquement basse ce qui explique ses difficultés actuelles. Peu charismatique, il est plutôt un taiseux comme l’Allemagne du Nord en produit mais il peut de temps en temps sortir de ses gonds. Homme de dossiers, souvent présenté comme arrogant, ses faibles talents de communicateur ne lui ont pas permis de compenser les bisbilles de sa coalition pour convaincre les Allemands du bien-fondé de son action. Et la crise économique qui frappe l’Allemagne avec deux années de récession de suite, des prix de l’électricité qui ont augmenté et une inflation qui a été forte n’ont rien fait pour améliorer sa cote de popularité.
 
Olaf Scholz ne sera pas – sauf miracle – réélu ce dimanche. Son parti a environ 10 points de retard dans les sondages par rapport aux résultats des sociaux-démocrates de septembre 2021. Les chrétiens-démocrates devraient engranger un score dimanche soir deux fois plus élevé que celui du tenant du SPD. Olaf Scholz pourrait donc rester dans l’histoire comme un de ces chanceliers « intermédiaires » qui auront été aux affaires durant un seul mandat comme on l’a vu en dernier lieu dans les années 1960.

RFI

Samedi 22 Février 2025 10:18


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