France: l'ex-première dame, Danielle Mitterrand, est morte à l'âge de 87 ans

La veuve de François Mitterrand était hospitalisée depuis quelques jours pour une anémie et des troubles respiratoires. Danielle Mitterrand est morte ce mardi 22 novembre 2011 à Paris après 87 ans d’une existence où la résistante qu’elle était à 17 ans ne s’était jamais tue. Les dernières années de sa longue vie ont été vouées à France Libertés, une fondation qu’elle avait créée il y a tout juste 25 ans, consacrée aux droits de l’homme et aux droits des peuples.



Danielle Mitterrand, à Poitiers, le 2 octobre 2009. REUTERS/Regis Duvignau
Danielle Mitterrand, à Poitiers, le 2 octobre 2009. REUTERS/Regis Duvignau
Cette petite femme à l’allure bien fragile était en réalité une combattante que pas grand-chose ne semblait effrayer. Les ors de la République et ses protocoles écrasants ne parviendront même pas à faire taire Danielle Mitterrand quand, le 21 mai 1981, elle devient la première dame de France (une appellation qu’elle ne goûtait guère).

Aussi loin qu’on peut l’être à l’époque du rôle bien cadré de « femme de », celle qui est l’épouse de François Mitterrand depuis 1944, fait bien vite comprendre que « lui, c’est lui, et moi, c’est moi », une indépendance d’esprit qui ne fait pas l’unanimité dans l’entourage du président. Et à ceux qui tenteraient de la faire rentrer dans le rang, elle précise encore « je ne suis pas une potiche ». Pour le comprendre, il n’est que de voir son parcours.

Née en 1924, Danielle Gouze s’engage dans la Résistance à 17 ans comme agent de liaison alors que ses parents abritent des maquisards. C’est sa sœur aînée Christine Gouze qui lui présente début 1944, François Morland, le nom de code de François Mitterrand dans leur réseau. Quelques mois plus tard, Danielle l’épouse ; ils auront trois fils, Pascal né en 1945 et mort à deux mois, Jean-Christophe en 1946 et Gilbert en 1949. Les années vers la conquête du pouvoir pour François Mitterrand seront longues et ponctuées de déconvenues, mais Danielle restera à ses côtés, partie prenante des campagnes, des échecs, des revirements…

Haro sur le capitalisme

Aussitôt installée dans ses bureaux qui lui sont réservés, elle s’intéresse aux comptes de la « maison Elysée ». Cela n’est pas de son ressort lui explique-t-on. Ce qui l’est en revanche ce sont les centaines de lettres que lui adressent les Français chaque jour. Et là, Danielle Mitterrand ne se contente pas de faire suivre aux services concernés. A propos des courriers les plus pressants, les ministres recevront sa visite et se verront souvent bien obligés d’accéder à ses demandes d’explication et surtout de solution. Son président de mari alerté, n’obtient pas plus que les autres qu’elle se mette en retrait. Pour Danielle Mitterrand il est alors évident que sa position doit servir à peser en faveur des plus démunis.

Cinq ans à l’Elysée n’ont pas du tout émoussé ses qualités de militante. Elle crée en 1986 sa fondation France Libertés – Danielle Mitterrand qui lutte pour redéfinir les « véritables richesses », notamment l'eau, et « faire connaître et respecter le droit des peuples ». Sur son site, elle fustige « un capitalisme qui se fissure et se détruit lui-même, victime de sa démesure totalitaire et de son mépris pour les valeurs humaines non marchandes ». Elle se réjouit néanmoins de voir « des situations changer » et « certains combats » gagnés. Récemment encore, dans une interview au JDD, elle rappelait « qu’il y a quinze ans, personne ne (l)’écoutait quand elle fusillait le capitalisme ».

« Qui veut faire taire Danielle ? »

Que Danielle Mitterrand s’occupe des malheureux, passe encore ; Mais quand elle prend fait et cause pour les Kurdes et les Tibétains et qu’elle multiplie les visites à Fidel Castro, les diplomates français du Quai d’Orsay ont bien du mal à ne pas regimber devant les prises de position de la femme du président qui sont, c’est le moins qu’on puis dire, assez éloignées des communiqués officiels de la République. Son soutien au régime castriste lui vaudra bien des critiques mais elle a toujours soutenu que c’est grâce à cette proximité avec le lieder massimo et encore plus à son indépendance qu’elle est parvenue à arracher la libération de plusieurs prisonniers politiques cubains.

Pour ce qui touche à la politique intérieure de la France, Danielle Mitterrand ne s’embarrassera pas davantage pour dire ce qu’elle pense. Ainsi, en décembre 1986 à propos du gouvernement de droite Jacques Chirac, en pleine cohabitation avec les socialistes, elle lance lors d’un entretien au JDD : « Il fait tout et n’importe quoi ». En 1993, c’est au tour du ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, de se faire vertement tancer pour sa politique d’immigration. A cette apostrophe, des députés de la droite répondent dans une tribune intitulée « Qui veut faire taire Danielle ? ». A ce jour, personne ne s’y est risqué.

Pourtant, en dehors de ses « coups de gueule », Danielle Mitterrand opte le plus souvent pour la discrétion. Au moment où toute la France bruisse du scandale autour de la deuxième famille du vieux président malade, elle ne dit mot. Ce n’est que quelques années après la mort de son mari qu’elle glissera : « Les non-dits ne signifient pas l’ignorance » à propos de la liaison de François Mitterrand avec Anne Pingeot et de la naissance de Mazarine. Une règle qu’elle appliquera à tout ce qui touche à sa sphère familiale.

Danielle Mitterrand a publié les ouvrages suivants :


La levure du pain, édition n°1, 1992
En toutes libertés, Ramsay, 1996.
Ces hommes sont avant tout nos frères, Ramsay, 1996 (sur les indiens du Chiapas).
Le printemps des insoumis, éditions Ramsay, 1998
La torture en Tunisie : Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie, Le Temps des cerises, 2000.
Echanger la vie, éditions Actes sud, 2000
Le Livre de ma mémoire, Édition Jean-Claude Gawsewitch, 2007 (ISBN 978-2350130897) et Folio n° 4833
Mot à mot, Le Cherche midi, 2010 (ISBN 978-2-7491-1577-1).


Source: RFI

Charles Thialice SENGHOR

Mardi 22 Novembre 2011 09:54


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