Gaza: de puissantes frappes israéliennes à Rafah, climat régional tendu

La ville de Rafah, où se sont réfugiés plus d'un million de Palestiniens menacés par la guerre à Gaza, est le théâtre samedi 3 février d'intenses frappes israéliennes à l'heure où la diplomatie tente d'imposer une nouvelle trêve sur fond d'embrasement régional.



Ce qu'il faut retenir
■ Les États-Unis ont réalisé plus d'une centaine de frappes en Irak et en Syrie qui ont visé les Gardiens de la révolution iraniens et des groupes pro-iraniens. 85 sites dont des centres de commandement et de renseignement, ainsi que des infrastructures de stockage de drones et de missiles appartenant à des milices et à des forces iraniennes.
 
■ Plus d’un million de Palestiniens déplacés craignent une nouvelle attaque militaire israélienne après que le ministre israélien de la Défense s’est engagé à attaquer Rafah, une zone autrefois décrite comme une « zone de sécurité ».
 
■ L'Unicef a estimé vendredi que 17 000 enfants à Gaza n'étaient pas accompagnés ou avaient été séparés de leur famille pendant le conflit.
 
■ Le chef du mouvement islamiste palestinien Hamas, Ismaïl Haniyeh, est attendu en Égypte pour discuter d'une initiative de trêve formulée. Une proposition de pause humanitaire et un échange d'otages et de prisonniers palestiniens serait envisagé. Le Hamas a donné une « première confirmation positive », solution « approuvée » aussi par Israël, a affirmé un médiateur qatari. Cependant, une source proche du Hamas a démenti en ajoutant que cette déclaration du Qatar était « précipitée et fausse ».
 
■ Selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas, vendredi 2 février, 27 131 personnes ont été tuées à Gaza depuis le début de la guerre, le 7 octobre dernier. Les morts sont en majorité des femmes, des adolescents et des enfants. On dénombre 66 287 blessés. Dans un nouveau bilan du 1er février, l'AFP décompte 1 163 personnes blessées côté israélien, lors de l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.
 
Chacun doit éviter que la situation ne « devienne explosive », avertit Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne
 
Chacun doit « éviter une escalade » au Moyen-Orient et que la situation n'y devienne « explosive », a averti le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, à la suite de frappes américaines en Syrie et en Irak dans la nuit.
 
« Tout le monde doit essayer d'éviter que la siutation ne devienne explosive », a déclaré Josep Borrell, interrogé sur ces frappes américaines, peu avant une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l'UE à Bruxelles. Évoquant plus généralement la situation à Gaza, dans le sud du Liban, et les frappes en Irak et en Syrie, Josep Borrell a averti sur le risque d'escalade. « Le moyen-Orient est une chaudière qui peut exploser », a-t-il affirmé. « C'est pourquoi nous appelons tout le monde à éviter une escalade »
 
Les États-Unis ont mené vendredi des frappes de représailles visant des forces d'élite iraniennes et des groupes pro-iraniens en Irak et en Syrie, Joe Biden avertissant qu'elles allaient « continuer ». L'intervention a duré trente minutes environ et a été « un succès », a indiqué la Maison Blanche, qui a assuré à nouveau ne pas vouloir d'une « guerre » avec l'Iran. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), au moins 18 combattants pro-iraniens ont été tués dans l'est de la Syrie.
 
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, s'entretient avec des journalistes alors qu'il arrive à un sommet de l'UE à Bruxelles, le jeudi 1er février 2024.
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, s'entretient avec des journalistes alors qu'il arrive à un sommet de l'UE à Bruxelles, le jeudi 1er février 2024. © Omar Havana / AP
Selon le ministère syrien des Affaires étrangères, les frappes américaines alimentent le conflit « de manière très dangereuse »
 
Le ministère syrien des Affaires étrangères a condamné samedi les frappes aériennes américaines de représailles menées pendant la nuit contre plus de 85 cibles en Syrie et en Irak, liées aux Gardiens de la révolution iranienne et aux milices qu'ils soutiennent.
 
« Ce que les États-Unis ont commis a servi à alimenter le conflit au Moyen-Orient d'une manière très dangereuse », a déclaré le ministère des Affaires étrangères de Damas dans un communiqué.
 
Le Royaume-Uni qualifie les États-Unis d'allié « fidèle » après les frappes américaines en Irak et en Syrie
 
La Grande-Bretagne a qualifié samedi les Etats-Unis d'allié « indéfectible » et a déclaré qu'elle soutenait le droit de Washington à répondre aux attaques, après que l'armée américaine a lancé des frappes aériennes en Irak et en Syrie contre des cibles liées à l'Iran.
 
« Le Royaume-Uni et les États-Unis sont des alliés indéfectibles. Nous ne ferons aucun commentaire sur leurs opérations, mais nous soutenons leur droit à répondre aux attaques », a déclaré un porte-parole du gouvernement britannique dans un communiqué. « Nous condamnons depuis longtemps les activités déstabilisatrices de l'Iran dans la région, notamment son soutien politique, financier et militaire à un certain nombre de groupes militants », a-t-il ajouté.
Des membres de la Résistance islamique en Irak ont ciblé la base aérienne d'al-Harir, abritant les forces américaines
 
Des membres de la Résistance islamique en Irak ont ​​ciblé samedi la base aérienne d'al-Harir abritant les forces américaines dans le nord de l'Irak, a déclaré le groupe. Ces frappes interviennent quelques heures après que les États-Unis ont mené des frappes de représailles en Irak et en Syrie contre des cibles liées à l'Iran.
 
Les Émirats arabes unis allouent 5 millions de dollars pour soutenir les efforts de l'Unrwa à Gaza, rapporte l'agence de presse WAM
 
Les Émirats arabes unis ont alloué 5 millions de dollars pour soutenir les efforts de la coordonnatrice en chef des Nations unies pour l'Unrwa, Sigrid Kaag, en faveur de la reconstruction de la bande de Gaza, a rapporté l'agence de presse officielle WAM.
 
Les principaux donateurs de l'Unrwa avaient suspendu leur financement après des allégations selon lesquelles environ douze de ses dizaines de milliers d'employés palestiniens étaient soupçonnés d'être impliqués dans les attaques du Hamas en Israël le 7 octobre.
 
L'occupation américaine du territoire syrien « ne peut plus durer », selon l'armée syrienne
 
L'occupation américaine du territoire syrien « ne peut plus durer », a déclaré samedi l'armée syrienne, au lendemain des frappes américaines ayant fait selon l'armée des morts, des blessés et des « dégâts importants ».
 
Ces frappes menées en représailles à l'attaque de drone ayant tué trois soldats américains fin janvier sur une base en Jordanie, près de la frontière avec la Syrie, ont entraîné « la mort d'un certain nombre de civils et de soldats, des blessures chez d'autres et des dégâts importants », selon un communiqué de l'armée.
 
« L'occupation de certaines parties du territoire syrien par les forces américaines ne peut plus durer », a-t-elle ajouté, affirmant sa « détermination à libérer l'ensemble du territoire syrien du terrorisme et de l'occupation ».
 
L’Iran n’a pas encore réagi aux frappes menées par les États-Unis contre des cibles en Irak et en Syrie
 
Pour le moment, il n’y a pas de réaction officielle à Téhéran. Les médias officiels se contentent de rapporter l’information sans commentaire, rapporte notre correspondant à Téhéran, Siavosh Ghazi.
 
Hier, le président iranien Ebrahim Raissi a lancé une mise en garde aux États-Unis en affirmant que l’Iran répondra avec fermeté à toute action contre le pays. Son ministre des Affaires étrangères avait été plus précis, en affirmant que Téhéran répondra non seulement à toute attaque contre son territoire, mais aussi à toute action contre ses intérêts ou ses ressortissants dans la région, en faisant allusion aux militaires iraniens basés en Syrie.
 
De même, l’armée iranienne a lancé un avertissement contre un navire de soutien logistique, le Behshad, qui est actuellement basé dans le golfe d’Aden, aux larges des côtes du Yémen.
 
Les responsables iraniens ont répété à plusieurs reprises que Téhéran ne voulait pas d’une nouvelle guerre dans la région. L’Iran affirme aussi que les différents groupes qui font partie de l’axe de la résistance, notamment le Hezbollah libanais, les Houthis au Yémen ou encore les milices chiites irakiennes, soutenus par Téhéran ne reçoivent pas d’ordre de l’Iran et agissent selon leurs propres intérêts.
 
Ce sont ces mêmes milices chiites qui ont frappé une base américaine à la frontière entre la Syrie et la Jordanie, tuant trois soldats américains.

Premiers pas au Proche-Orient pour le nouveau chef de la diplomatie française
 
Stéphane Séjourné se rendra successivement en Égypte, en Jordanie, en Israël, dans les Territoires palestiniens et au Liban, dans un contexte dominé par la guerre à Gaza et les risques d'extension régionale. Cette tournée vise à œuvrer à un cessez-le-feu, à la libération des otages, mais aussi à un processus politique pour l'après-guerre à Gaza. C'est avec ces messages de la France que le nouveau ministre des Affaires étrangères embarque pour cette tournée régionale. Stéphane Séjourné devrait rappeler à ses interlocuteurs les fondamentaux de la position française articulés autour de la solution à deux États.
 
À la veille de son départ, le ministère des Affaires étrangères a tenu à rappeler l'opposition de la France à tout transfert de population palestinienne hors de la Bande de Gaza et au retour de colons israéliens dans l'enclave palestinienne. Ces idées sont actuellement brandies par l'extrême-droite au sein du gouvernement israélien.
 
Le chef de la diplomatie française se rend dans la région alors que l'Unrwa est dans la tourmente. Certains des employés de cette agence des Nations unies sont accusés par Israël d'implication dans les attaques du 7 octobre. Contrairement à d'autres pays, la France n'a pas suspendu son aide à l'Unrwa et elle estime toujours son travail « indispensable ». Mais Paris exige des « mesures fortes » de transparence et de sécurité à l'Unrwa. La France précise qu'elle n'a pas prévu de lui verser de fonds dans les prochains mois. Dans ce dossier épineux, la position française que Stéphane Séjourné devra défendre sera celle de l'équilibriste.
 
] Plus de deux mois après, 21 des bébés transférés de Gaza vers l'Égypte sont toujours soignés à l'hôpital
 
 
Un médecin égyptien prodigue des soins à un bébé palestinien prématuré, récemment évacué de la bande de Gaza, dans un hôpital d'al-Arish, en Égypte, le 22 novembre 2023.
Un médecin égyptien prodigue des soins à un bébé palestinien prématuré, récemment évacué de la bande de Gaza, dans un hôpital d'al-Arish, en Égypte, le 22 novembre 2023. © Khaled Desouki / AFP
 
C’était un transfert à haut risque. Le 19 novembre dernier, 28 bébés nés prématurés à l’hôpital al-Shifa de Gaza étaient évacués vers l’Égypte, pour échapper aux bombardements israéliens sur le complexe hospitalier et bénéficier de soins appropriés. Vingt-et-un sont toujours soignés dans un hôpital, à proximité du Caire.
 
Après plus de deux mois à l’observer au travers du plexiglas de la couveuse, Shaïma peut enfin prendre sa fille dans ses bras. « Grâce à Dieu, elle va mieux…Le bonheur. Je veux dire, dès que j’ai commencé à la serrer dans mes bras, j’ai ressenti la tendresse, j’ai commencé à pleurer », explique la Gazouie au micro de notre correspondante au Caire Léonie Lebrun. La jeune femme a filmé ces retrouvailles. La vidéo est destinée à son mari, resté à Gaza. « C’était la première fois, je lui dis "regarde papa, coucou Papa, on t’aime Papa". Quand elle était dans mon ventre, il lui parlait beaucoup », se souvient Shaïma. Elle espère qu'il pourra la rejoindra en Égypte. Il doit voir sa fille
 
Dans les couloirs de l’hôpital, d’autres jeunes mères ont le visage fermé. « La fille d’une amie ici est morte hier on se soutient, c’est comme notre sœur, on vit ensemble depuis deux mois et demi comme une famille », raconte Noor, qui surveille son fils, toujours en couveuse. Elle lui parle à travers la vitre. L’établissement déplore le décès de deux nourrissons au cours du mois de janvier. « La plupart d’entre eux vont guérir complètement. Mais la majorité sont sans parents », fait savoir le Docteur Khaled Rachad, le responsable du service. L’Égypte assure qu’elle gardera ces bébés sur son sol jusqu’à la fin de la guerre. La suite sera discutée avec l’autorité palestinienne.
 
Un nouveau bilan fait état d'au moins 100 civils tués dans la soirée et cette nuit à Rafah
 
Peu après minuit, de puissantes frappes ont résonné à Rafah, ville jouxtant l'Égypte, à la pointe sud de la bande de Gaza. Le ministère de la Santé du Hamas a annoncé le décès d'au moins 100 civils dans la soirée et la nuit, dont 14 tôt samedi dans des frappes sur deux résidences de Rafah.
 
Washington a mené des frappes de représailles en Irak et en Syrie après la mort de trois soldats
 
Les États-Unis ont lancé vendredi 2 février des frappes de représailles en Irak et en Syrie contre plus de 85 cibles liées aux Gardiens de la révolution iranienne et aux milices affiliées, a déclaré l'armée américaine, après l'attaque de drone en Jordanie qui a tué trois soldats américains et en a blessé une quarantaine d'autres.
 
 [Témoignages] À Gaza, la situation humanitaire est désastreuse
Hamas, Israël, les efforts diplomatiques s’intensifient en vue d’un cessez-le-feu. Les deux parties en conflit ne se parlent pas directement. Les négociations se font via des médiateurs étrangers, et notamment l’Égypte et le Qatar. En attendant, sur le terrain, Israël poursuit ses raids meurtriers dans la bande de Gaza, où la situation humanitaire est désastreuse.
 
« Il y en a qui disent qu’il va y avoir une trêve ou un cessez-le-feu. Mais on ne sait pas. On attend les négociations. » Comme tout le monde dans la bande de Gaza, Asma s’accroche à cet espoir : bientôt, peut-être, un arrêt des combats. Mais en attendant, sur le terrain rien n’indique la fin prochaine de la guerre, regrette la jeune femme. « Depuis presque une semaine, il n’y avait plus de soldats israéliens dans la ville de Gaza. Et tout d’un coup depuis trois ou quatre jours, ils sont revenus. Personne ne sait ce qu’il se passe vraiment. Il y a beaucoup d’attaques et de bombardements », a-t-elle expliqué au micro de notre correspondant à Jérusalem, Sami Boukhelifa.  
 
La bande de Gaza, presque entièrement rasée. Près d’un million 500 000 de personnes déplacées s’entassent dans le sud de l’enclave à Rafah dans des conditions extrêmes. Peu d’eau, peu de nourriture. Une population qui passe l’hiver dehors. « Les conditions sont très difficiles avec la pluie et le froid. Les gens sont dans les rues, sous les tentes… C’est une catastrophe. Je n’ai plus les mots, vraiment… », continue-t-elle.
 
La population est démunie et dépend presque entièrement du peu d’aide humanitaire qui entre dans l’enclave. « Rafah est une usine à désespoir, et nous redoutons la suite », regrette un responsable de l'ONU.


RFI

Samedi 3 Février 2024 09:17


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