Guerre en Ukraine: les forces russes aux portes de la ville de Sievierodonetsk

Au 92e jour de l'invasion russe en Ukraine, jeudi 26 mai, l'armée russe cherche coûte que coûte à s'emparer de la ville de Sievierodonetsk, dans l'est de l'Ukraine où Kiev, qui constituerait une conquête majeure pour Moscou.



► Lors du Forum économique de Davos mercredi, le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kouleba a accusé l'Otan de ne « strictement rien faire » contre l'invasion de son pays lancée par la Russie, et préféré saluer les « décisions révolutionnaires » de l'Union européenne. Il a également demandé plus d'armes lourdes.
 
► La ville industrielle de Sievierodonetsk, à l'ouest de la région de Louhansk, est quasi assiégée par l’armée russe.
 
► La Russie a annoncé qu'elle allait permettre aux habitants des régions de Zaporijjia et de Kherson de demander un passeport russe via « une procédure simplifiée ». L'Ukraine a aussitôt dénoncé une mesure démontrant la volonté de Moscou de mener une annexion pure et simple de ces territoires.
 
►  Sur le front diplomatique, le président du Conseil européen Charles Michel a déclaré qu'il restait « confiant » en un accord sur un embargo de l'UE sur le pétrole russe d'ici au début du Conseil européen lundi, malgré le blocage hongrois.
 
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08h52 : Les images d'un photographe de l'AFP dans le Donbass
 
Sur Instagram le photographe de l’AFP, Aris Messinis, a publié des vidéos dans le Donbass, près de la ville de Lyssytchansk où l'on peut entendre siffler les mortiers qui tombent sans discontinuer.
 
Dmytro Kouleba s'est entretenu avec la nouvelle cheffe de la diplomatie française
 
Le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kouleba, a indiqué dans un post sur un Twitter avoir eu son premier échange téléphonique avec Catherine Colonna, la nouvelle ministre française des Affaires étrangères : « Premier appel avec mon homologue française. Nous avons convenu de la nécessité d'accroître la pression des sanctions contre la Russie, y compris avec un embargo sur le pétrole, et nous avons discuté du statut de candidat à l'UE de l'Ukraine. Nous sommes impatients de l'accueillir en Ukraine », a-t-il écrit.
 
La Banque centrale russe abaisse son principal taux directeur de 14% à 11%
 
La Banque centrale russe a abaissé son principal taux directeur de 14% à 11% pour amortir notamment les conséquences du renforcement du rouble, au moment où les autorités bataillent avec les sanctions imposées à cause de l'offensive contre l'Ukraine. « Les conditions externes pour l'économie russe restent difficiles, ce qui réduit considérablement l'activité économique », souligne l'institution monétaire dans un communiqué, évoquant « la dynamique du cours du rouble » et « l'affaiblissement de la pression inflationniste » pour expliquer sa décision.
Pour les Roms d'Ukraine, le poids des discriminations alourdit celui de la guerre
 
Comme Lioudmyla, de nombreux Roms ukrainiens – une communauté estimée à 50 000 personnes dans le recensement et à 400 000 par les associations – disent peiner à accéder à l'aide déployée depuis le début de l'offensive russe, le 24 février. Déplacée par la guerre, Lioudmyla, 59 ans, s'était mise d'accord par téléphone avec les autorités d'une ville de l'ouest de l'Ukraine pour être relogée. « Mais quand je suis arrivée, et qu'ils ont vu ma peau sombre, ils ont refusé de me donner un abri », témoigne-t-elle dans ce reportage de l'AFP.
 
Elle qui préfère taire son nom de famille, est, selon ses propres termes, « une success story » pour sa communauté parce qu'elle a fait des études, tout comme sa fille Ilona, juriste. Les deux femmes ont donc négocié ferme, menacé de porter plainte et ont finalement obtenu, après une journée entière de tractations, les clés d'une chambre, où elles ont passé un mois avec la belle-mère d'Ilona et trois enfants. « Si je n'avais pas été éduquée, on se serait retrouvé à dormir dans la rue ou à la gare », estime Lioudmyla qui vient de rentrer chez elle, à Treboukhiv dans la banlieue de Kiev, rassurée par le repli des soldats russes vers le sud et l'est du pays.
 
« Le principal problème est le logement: les gens ne veulent pas accueillir des familles roms », explique à l'AFP Julian Kondour de l'association Chiricli, en expliquant que des préjugés tenaces continuent d'alimenter une « peur » des Roms en Ukraine, comme dans de nombreux autres pays. L'ONG Human Rights Watch (HRW) a d'ailleurs épinglé mercredi la Moldavie, où de nombreux Roms des montagnes voisines des Carpates se sont réfugiés. Les autorités moldaves les « hébergent délibérément à l'écart des autres réfugiés », a écrit l'association de défense des droits de l'homme, en dénonçant une politique « ségrégationniste ».
 
Après la polémique, la soprano russe Anna Netrebko ovationnée à Paris
 
La soprano russe star Anna Netrebko a été ovationnée à la Philharmonie de Paris pour son retour sur scène dans une capitale occidentale, après avoir été critiquée depuis la guerre en Ukraine. Le public lui a réservé un accueil triomphal à son entrée sur scène mercredi soir, applaudissant pendant de longues minutes. Souriante et détendue, portant une robe longue noire et blanche, qu'elle a fait voltiger de temps en temps, elle a interprété des morceaux de Rachmaninov, Debussy ou Tchaïkovski, avant de recevoir une standing ovation à la fin du spectacle.
 
Une des plus grandes voix lyriques au monde, elle avait été parmi les premiers artistes russes à être pointés du doigt après le début de l'invasion de l'Ukraine pour ne pas avoir clairement dénoncé la guerre. Le prestigieux Metropolitan Opera de New York, dont elle était la star, l'a ainsi déprogrammée pour une durée indéterminée et elle avait alors annoncé se retirer temporairement de la scène.
 
Le 30 mars, elle a condamné « expressément la guerre contre l'Ukraine », ce qui lui a valu d'être retirée de l'affiche dans son propre pays. La soprano n'a jamais ouvertement clamé son soutien au président russe Vladimir Poutine, mais il lui est reproché d'avoir posé en décembre 2015 à Saint-Pétersbourg avec le drapeau des rebelles séparatistes pro-russes et d'avoir remis un chèque d'un million de roubles (environ 15 000 euros) au dirigeant ukrainien pro-russe Oleg Tsarev. Anna Netrebko s'était défendue en expliquant vouloir soutenir les arts, et plus particulièrement l'Opéra de Donetsk auquel l'Ukraine avait coupé tous les financements, et assuré n'avoir « jamais reçu de soutien financier du gouvernement russe » et de ne s'être jamais alliée à « aucun dirigeant de la Russie ».
 
Environ 8 000 prisonniers de guerre ukrainiens à Louhansk et Donetsk
 
Il y a environ 8 000 prisonniers de guerre ukrainiens détenus dans les « républiques » populaires autoproclamées de Louhansk et de Donetsk soutenues par la Russie, a déclaré jeudi le représentant de la région de Louhansk Rodion Miroshnik, cité par l'agence de presse Tass, selon Reuters. « Il y a beaucoup de prisonniers. Bien sûr, il y en a plus sur le territoire de la république populaire de Donetsk, mais nous en avons aussi beaucoup, et le nombre total s'élève actuellement à environ 8 000. C'est beaucoup et des centaines de prisonniers s'ajoutent littéralement chaque jour », a déclaré Rodion Miroshnik.
 
La facture de la guerre en Ukraine plane sur les réassureurs
 
En raison de la guerre en Ukraine, les grands réassureurs mondiaux s'apprête à traverser une zone de turbulences, ce qui les pousse à mettre de l'argent de côté en prévision de litiges attendus notamment autour de l'aviation civile, rapporte l’Agence France-Presse (AFP) dans une dépêche.
 
La société française Scor, dont l'activité consiste à assurer les assureurs, a par exemple provisionné un montant de 85 millions d'euros « au titre du conflit en Ukraine ». Cette somme pèse lourd dans ses comptes puisqu'elle représente à peu près la perte nette de la société sur les trois premiers mois de l'année. Ailleurs en Europe, les géants de la réassurance ont adopté la même démarche.
 
La question de l'indemnisation de la guerre en Ukraine est complexe car elle active plusieurs types de couverture, à commencer par la responsabilité civile, en cas de décès ou d'invalidité, mais qui répond surtout à un marché local. D'autres types de couvertures concernent davantage les grands acteurs mondiaux et leurs clients entreprises comme celle du risque politique ou de celui dit « de guerre ».
 
L'aviation civile est concernée au premier chef, la Russie étant accusée d'avoir « volé » des centaines d'avions de ligne par de hauts responsables européens. « Il y en a pour environ dix milliards, plus de 500 appareils saisis par les Russes et immatriculés chez eux, cela crée une situation très difficile pour les loueurs européens ainsi que les assureurs », déclarait fin mars le directeur général de l'organisme européen de surveillance du trafic aérien Eurocontrol Eamonn Brennan. De quoi alimenter « une longue bataille entre les loueurs et les assureurs », selon une note publiée jeudi dernier par le cabinet de conseil AlixPartners.
 
 « Pour les pays qui ne reçoivent plus nos marchandises, c’est une question de survie alimentaire »
 
Alors que l'Ukraine vient de franchir la barre des trois mois de guerre avec la Russie. Quasi immédiatement après le début du conflit, les forces russes ont imposé un blocus du port d’Odessa, dans le Sud-Ouest. Cette infrastructure cruciale pour l’économie du pays et du monde permet d’exporter des millions de tonnes de denrées alimentaires chaque année. Ce blocus était au menu des discussions en début de semaine, entre le secrétaire d’état américain Antony Blinken et son homologue ukrainien Dmytro Kouleba. Les deux hommes ont notamment évoqué les moyens de faire sortir les céréales ukrainiennes du pays. Notre envoyé spécial Sébastien Németh a interrogé Alla Stoyanova, cheffe du département agriculture de l’administration militaire d’Odessa.
 
Un ouvrier conduit un tracteur pour déplacer des graines destinées à nourrir les animaux dans une ferme du sud de l'Ukraine, dans la région d'Odessa, le 22 mai 2022.
Un ouvrier conduit un tracteur pour déplacer des graines destinées à nourrir les animaux dans une ferme du sud de l'Ukraine, dans la région d'Odessa, le 22 mai 2022. AFP - GENYA SAVILOV
 
Les forces aéroportées russes ont été mal employées, estime le ministère de la Défense britannique
 
Dans son rapport quotidien, le ministère de la Défense britannique revient sur le rôle des forces aéroportées – connues sous l'acronyme VDV – russes dans le conflit. Ces troupes, pointe l'analyse ont été « impliquées dans plusieurs échecs tactiques notables depuis le début de l'invasion russe », comme la tentative d'avancée sur Kiev via l'aérodrome d'Hostomel en mars, l'enlisement de la progression sur l'axe Izyum depuis avril ou les récentes traversées ratées et coûteuses du fleuve Seversky Donets.
 
La doctrine russe prévoit d'affecter les forces aéroportées à certaines des opérations les plus exigeantes rappelle le rapport. Le VDV, fort de 45 000 hommes, est principalement composé de soldats professionnels sous contrat. Ses membres bénéficient d'un statut d'élite et d'une rémunération supplémentaire. « Le VDV a été employé à des missions plus adaptées à une infanterie blindée plus lourde et a subi de lourdes pertes au cours de la campagne. Ses performances mitigées reflètent probablement une mauvaise gestion stratégique de ces troupes et l'incapacité de la Russie à obtenir une supériorité aérienne », souligne le ministère qui base ses analyses sur des informations du renseignement.
 
Pour les services britanniques, cela « met en évidence le fait que les investissements importants réalisés par Poutine dans les forces armées au cours des 15 dernières années ont abouti à une force globale déséquilibrée ».
 
Latest Defence Intelligence update on the situation in Ukraine - 26 May 2022
Le traitement des militaires mobilisés dans les républiques pro-russes critiqué sur les réseaux sociaux russes
 
Dans son point publié le 25 mai, l'Institute for the the study of war (ISW) relève que sur Telegram, des blogueurs n'hésitent par à critiquer « le Kremlin pour le traitement réservé aux militaires des "républiques" populaires de Donetsk et Louhansk.mobilisés par la forces ». Le think tank américain évoque notamment la vidéo publiée par l'un d'eux dans laquelle un bataillon s'adresse au chef de la république populaire de Donetsk, Denis Puchiline pour dénoncer les mauvais traitements infligés aux forces mobilisées. 
 
L'ISW pointe également le manque de plus en plus criant d'armement de haute précision côté russe, poussant les forces russes à chercher d'autres méthodes pour frapper les infrastructures critiques et notamment l'utilisation de l'aviation pour soutenir les offensives.
 
Sur le terrain, les forces russes pourraient commencer leur offensive sur Sievierodonetsk avant d'avoir coupé toutes les lignes de communication terrestres, notamment au sud-ouest et au nord-ouest de la ville, estime l'ISW. Priorité a été donnée aux avancées à l'est et à l'ouest de Popasna. Le think tank américain estime également que « les forces russes sont probablement entrées dans Lyman et pourraient utiliser ce point d'appui pour coordonner leurs avancées au sud-est de Izyum afin de lancer une offensive sur Siversk.
 
« Nous avons besoin de l'aide de nos partenaires, et particulièrement d'armes »
Dans certaines régions de l'est de l'Ukraine, où se concentre l'offensive russe depuis des semaines, « l'ennemi est nettement supérieur en termes d'équipement, en nombre de soldats », a reconnu mercredi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Mais, a-t-il aussitôt ajouté dans son message vidéo quotidien, les forces ukrainiennes et tous deux qui défendent le pays « résistent à l'offensive extrêmement violente des troupes russes à l'est ». « Nous avons besoin de l'aide de nos partenaires, et particulièrement d'armes », a-t-il encore dit.
 
Le même jour, son ministre des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a lui aussi réclamé davantage d'armes lourdes. L'Ukraine souhaite recevoir des unités mobiles capables d'envoyer plusieurs roquettes simultanément. « C'est vraiment l'arme dont nous avons grandement besoin », a affirmé Dmytro Kouleba après une série de discussions avec des responsables gouvernementaux et des chefs d'entreprises, réunis dans le cadre du Forum économique de Davos en Suisse. « La bataille pour le Donbass ressemble beaucoup aux batailles de la deuxième guerre mondiale », a-t-il expliqué devant la presse. Selon lui, « certains villages et villes n'existent plus » dans cette région de l'est de l'Ukraine, qui essuie depuis des jours des bombardements intensifs. « Ils ont été réduits en ruines par les tirs d'artillerie russe, par des systèmes russes de lancement de multiples roquettes », a expliqué le ministre, ajoutant que c'était précisément le type d'armes qui manquait à son pays.
 
« Les pays qui traînent des pieds sur la fourniture d'armes lourdes à l'Ukraine doivent comprendre que chaque journée qu'ils passent à décider, peser différents arguments, des gens sont tués », a martelé à Davos le ministre ukrainien des Affaires étrangères.
 
 « Situation très difficile » à Sievierodonetsk
 
Les forces russes se rapprochent chaque jour un peu plus de Sievierodonetsk, ville de quelque 100 000 habitants avant la guerre, dont la prise leur est indispensable pour contrôler totalement le Donbass, un bassin minier déjà en partie occupé par des séparatistes pro-russes soutenus par Moscou. À tel point que « les troupes russes ont avancé pour être si proches qu'elles peuvent tirer au mortier » sur Sievierodonetsk, a assuré mercredi Serguiï Gaïdaï, le gouverneur de la région. Selon lui, la ville « est tout simplement en train d'être détruite ». « La situation dans la ville est très difficile. Hier, il y avait déjà des combats en périphérie » de la ville, a poursuivi M. Gaïdaï, qui a estimé que « la semaine prochaine sera décisive ».
 
Pour autant, a-t-il affirmé mercredi soir, la ville « n'est pas encerclée », contrairement à ce qu'a affirmé un responsable des séparatistes pro-russes. Environ 15 000 personnes s'y trouvent encore ainsi que dans les villages alentour, a-t-il indiqué, ajoutant que l'écrasante majorité d'entre eux ne voulaient pas en bouger en dépit des bombardements incessants. Dans cette région, les villes sur la ligne de front ont été vidées de leurs habitants, les récalcitrants, souvent âgés, passant la plupart de leur temps à se cacher dans des caves.
 
Dans la ville voisine de Lyssytchansk, la police a pris le relais des services funéraires pour enterrer les morts, a encore dit M. Gaïdaï. Au moins 150 personnes ont dû y être enterrées dans une fosse commune, a-t-il ajouté.
 

RFI

Jeudi 26 Mai 2022 09:57


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