Il peut sembler quelque peu anachronique, que le Sénégal, qui abrite l’une des plus vieilles écoles de médecine du continent africain, puisse inaugurer, en grandes pompes, 60 ans, après notre indépendance formelle, le premier service tant soit peu acceptable, dédié aux maladies infectieuses et tropicales. Il est vrai que l’annonce, au début de la pandémie de COVID-19, d’une disponibilité de 12 lits d’hospitalisation au service des maladies infectieuses avait fortement ému l’opinion.
Le nouveau "bijou", que notre président exhibe fièrement, même si nous le devons surtout à l’entregent du Pr Moussa Seydi, est loin de couvrir nos besoins en matière de médecine infectieuse et tropicale, avec ses 70 lits et devrait être impérativement complété par plusieurs services similaires dans les grandes banlieues urbaines et en zone rurale.
Nos États doivent en effet se faire à l’idée que l’apparition de nouvelles maladies infectieuses émergentes est désormais inscrite dans l’ordre des choses.
Dans cette bataille de longue haleine, il faudra se trouver des alliés plus fiables et plus altruistes que les "contrebandiers" de GILEAD qui, informés des résultats négatifs d’un essai clinique de l’OMS sur le REMDESIVIR, n’ont pourtant pas hésité, à vendre leur molécule aussi coûteuse qu’inefficace à plusieurs pays européens à travers la Commission Européenne.
Toujours dans le cadre de cette inauguration, certains experts en anesthésie-réanimation ont aussi déploré la fâcheuse propension de nos décideurs à confondre les lis pour une surveillance continue des patients et ceux dévolus à une véritable réanimation.
Tout en prenant acte du progrès que constitue l’existence de ce nouveau service appelé à améliorer la prise en charge des maladies transmissibles, nous ne pouvons manquer de souligner que sa construction intervient avec plusieurs années de retard.
Cet état de fait devrait inciter les autorités sanitaires de notre pays à rompre avec le pilotage à vue, qui caractérise leur mode de gestion des problématiques socio-sanitaires.
En effet, plusieurs partenaires sociaux, dont la COSAS, se sont plaints de l’absence de vision gouvernementale découlant de l’inexistence, dans notre pays, d’un document de politique de santé réactualisé, la dernière version remontant à la Déclaration de la Politique de Santé et d’Action Sociale de juin 1989. Par ailleurs, le gouvernement sénégalais ne semble pas avoir tiré les leçons de la pandémie de COVID-19 en cours, qui a montré les limites de l’approche hospitalo-centrée.
En effet, plusieurs hôpitaux nationaux, dont certains n’avaient ni expériences antérieures ni expertise avérée de gestion de problématiques épidémiologiques, se sont vus octroyer d’importantes subventions du fonds FORCE COVID pour soigner des patients, dont l’écrasante majorité étaient pauci- voire asymptomatiques.
Cette même tendance du "tout hospitalier" se retrouve dans l’élaboration du plan d’investissement pour un système de santé et d’action sociale résilient et pérenne.
De fait, on observe cette obsession des autorités sanitaires à élargir le parc hospitalier par des travaux de génie civil tous azimuts (construction / réhabilitation), au détriment de la mise aux normes des structures, selon les ratios de la carte sanitaire, en matière d’équipement et surtout de ressources humaines. Cela se traduit par la multiplication des hôpitaux, véritables "coquilles vides", offrant des soins de piètre qualité, comme à l’hôpital de la Paix de Ziguinchor ou celui de Matam, pour ne citer que 2 structures ayant récemment occupé le devant de l’actualité.
Cela est aussi confirmé par l’analyse du budget global prévoyant seulement 15% pour les services de santé de base, contre 72% pour les services de santé de référence, ce qui démontre la claire option du Ministère de la santé pour le curatif au détriment du préventif et du volet social.
C’est ce même ministère qui, en mettant le système hospitalier en avant dans cette pandémie, a relégué les réseaux de soins de proximité (districts sanitaires) à l’arrière-plan, gênant considérablement le travail d’interruption des chaînes de transmission et la mise en œuvre de l’engagement communautaire.
À contrario, et comme le prouvent éloquemment les échos qui nous proviennent de la presse, certains hôpitaux peinent à prendre correctement en charge les cas sévères, par manque d’équipement adéquat comme des lits de réanimation, des respirateurs voire de l’oxygène médical, sans parler de ressources humaines qualifiées pour les soins spécialisés d’urgence ou de réanimation.
Une amélioration de la santé des populations passe non par la seule démultiplication d’instituts spécialisés, mais par la mise en cohérence de la pyramide sanitaire dans son ensemble, reposant sur les soins de santé primaire aux niveaux périphérique et communautaire.
Cela devrait permettre un diagnostic et une prise en charge précoces de la plupart des affections courantes ainsi que la référence des formes compliquées et des pathologies les plus graves, vers un système hospitalier rationnalisé, qui pourra alors être pleinement restauré dans sa fonction de recours.
Dr Mohamed Lamine LY
Spécialisé en santé publique
Le nouveau "bijou", que notre président exhibe fièrement, même si nous le devons surtout à l’entregent du Pr Moussa Seydi, est loin de couvrir nos besoins en matière de médecine infectieuse et tropicale, avec ses 70 lits et devrait être impérativement complété par plusieurs services similaires dans les grandes banlieues urbaines et en zone rurale.
Nos États doivent en effet se faire à l’idée que l’apparition de nouvelles maladies infectieuses émergentes est désormais inscrite dans l’ordre des choses.
Dans cette bataille de longue haleine, il faudra se trouver des alliés plus fiables et plus altruistes que les "contrebandiers" de GILEAD qui, informés des résultats négatifs d’un essai clinique de l’OMS sur le REMDESIVIR, n’ont pourtant pas hésité, à vendre leur molécule aussi coûteuse qu’inefficace à plusieurs pays européens à travers la Commission Européenne.
Toujours dans le cadre de cette inauguration, certains experts en anesthésie-réanimation ont aussi déploré la fâcheuse propension de nos décideurs à confondre les lis pour une surveillance continue des patients et ceux dévolus à une véritable réanimation.
Tout en prenant acte du progrès que constitue l’existence de ce nouveau service appelé à améliorer la prise en charge des maladies transmissibles, nous ne pouvons manquer de souligner que sa construction intervient avec plusieurs années de retard.
Cet état de fait devrait inciter les autorités sanitaires de notre pays à rompre avec le pilotage à vue, qui caractérise leur mode de gestion des problématiques socio-sanitaires.
En effet, plusieurs partenaires sociaux, dont la COSAS, se sont plaints de l’absence de vision gouvernementale découlant de l’inexistence, dans notre pays, d’un document de politique de santé réactualisé, la dernière version remontant à la Déclaration de la Politique de Santé et d’Action Sociale de juin 1989. Par ailleurs, le gouvernement sénégalais ne semble pas avoir tiré les leçons de la pandémie de COVID-19 en cours, qui a montré les limites de l’approche hospitalo-centrée.
En effet, plusieurs hôpitaux nationaux, dont certains n’avaient ni expériences antérieures ni expertise avérée de gestion de problématiques épidémiologiques, se sont vus octroyer d’importantes subventions du fonds FORCE COVID pour soigner des patients, dont l’écrasante majorité étaient pauci- voire asymptomatiques.
Cette même tendance du "tout hospitalier" se retrouve dans l’élaboration du plan d’investissement pour un système de santé et d’action sociale résilient et pérenne.
De fait, on observe cette obsession des autorités sanitaires à élargir le parc hospitalier par des travaux de génie civil tous azimuts (construction / réhabilitation), au détriment de la mise aux normes des structures, selon les ratios de la carte sanitaire, en matière d’équipement et surtout de ressources humaines. Cela se traduit par la multiplication des hôpitaux, véritables "coquilles vides", offrant des soins de piètre qualité, comme à l’hôpital de la Paix de Ziguinchor ou celui de Matam, pour ne citer que 2 structures ayant récemment occupé le devant de l’actualité.
Cela est aussi confirmé par l’analyse du budget global prévoyant seulement 15% pour les services de santé de base, contre 72% pour les services de santé de référence, ce qui démontre la claire option du Ministère de la santé pour le curatif au détriment du préventif et du volet social.
C’est ce même ministère qui, en mettant le système hospitalier en avant dans cette pandémie, a relégué les réseaux de soins de proximité (districts sanitaires) à l’arrière-plan, gênant considérablement le travail d’interruption des chaînes de transmission et la mise en œuvre de l’engagement communautaire.
À contrario, et comme le prouvent éloquemment les échos qui nous proviennent de la presse, certains hôpitaux peinent à prendre correctement en charge les cas sévères, par manque d’équipement adéquat comme des lits de réanimation, des respirateurs voire de l’oxygène médical, sans parler de ressources humaines qualifiées pour les soins spécialisés d’urgence ou de réanimation.
Une amélioration de la santé des populations passe non par la seule démultiplication d’instituts spécialisés, mais par la mise en cohérence de la pyramide sanitaire dans son ensemble, reposant sur les soins de santé primaire aux niveaux périphérique et communautaire.
Cela devrait permettre un diagnostic et une prise en charge précoces de la plupart des affections courantes ainsi que la référence des formes compliquées et des pathologies les plus graves, vers un système hospitalier rationnalisé, qui pourra alors être pleinement restauré dans sa fonction de recours.
Dr Mohamed Lamine LY
Spécialisé en santé publique