Italie: l'Ezadeen et ses 450 migrants clandestins arrivés à bon port

L'Ezadeen, un cargo abandonné par son équipage et transportant quelque 450 migrants clandestins, est arrivé vendredi 2 janvier au soir dans le port italien de Corigliano, escorté par la marine italienne. C’est la deuxième fois en 48 heures que l’armée italienne intervient pour porter secours à un cargo chargé de migrants livrés à eux-mêmes, aux abords des côtes italiennes.



L'Ezadeen et les 450 migrants clandestins qui se trouvaient à son bord sont arrivés, vendredi 2 janvier au soir, dans le port italien de Corigliano. REUTERS/Antonino Condorelli

Pour cette fois, le drame a été évité. L'Ezadeen, navire marchand abandonné par son équipage, est arrivé à bon port. Il est entré dans le port calabrais de Corigliano, dans le sud de l'Italie, aux alentours de 22h00 GMT vendredi 2 janvier. Les quelque 450 migrants clandestins qui se trouvaient à son bord sont sains et saufs. Parmi eux, une cinquantaine d'enfants et de nombreuses femmes, dont plusieurs sont enceintes, rapporte notre correspondante à RomeAnne Le Nir, citant les garde-côtes italiens. La marine italienne n'a pas donné leur nationalité mais selon les médias italiens, ils seraient tous d'origine syrienne. Les migrants vont être conduits ce samedi dans des centres d'accueil en Sicile. 

Le navire de 73 mètres de long, immatriculé en Sierra Leone et destiné au transport des animaux, a été repéré jeudi soir, apparemment en difficulté, à quelque 80 milles au large de Crotone en Calabre. Les autorités maritimes ont aussitôt contacté le navire qui ne répondait pas. Une migrante a finalement réussi à expliquer la situation par radio, a indiqué le capitaine Filippo Marini, un porte-parole de la marine italienne. « Nous sommes seuls, il n'y a personne, aidez-nous », a alors lancé cette femme.

Des doutes sur la provenance du cargo

La marine a d'abord contacté un navire islandais, le Tyr, croisant dans les parages du cargo, et faisant partie du dispositif européen Triton de surveillance de la Méditerranée, de Frontex, l'agence européenne de contrôle des frontières de l'Union européenne. Ils n'ont d'abord rien pu faire, le navire abandonné à son sort par l'équipage avançant à pleine vitesse. Ce n'est qu'une fois le carburant totalement épuisé que cinq marins islandais ont pu monter à bord et lancer une aussière afin de permettre un remorquage du cargo. Six hommes des garde-côtes italiens ont ensuite été déposés sur le cargo par un hélicoptère de l'aéronautique militaire pour compléter le dispositif.

Selon les garde-côtes italiens, l'Ezadeen était parti de Turquie. Mais selon le sitemarinetraffic.com, il aurait quitté le port de Famagouste, situé sur la côte est de Chypre, sous contrôle turc, après être parti de Tartous en Syrie. Toujours selon ce site spécialisé dans le suivi du trafic maritime, sa destination officielle était le port de Sète, dans le sud de la France.

Les « bateaux-fantômes », nouvelle tactique des trafiquants

L'Italie est confrontée depuis plusieurs années à un afflux croissant de clandestins qui tentent de gagner l'Europe par la Méditerranée au péril de leur vie, au rythme d'environ 450 arrivées par jour. Plus de la moitié sont des Syriens ou des Erythréens. La grande majorité arrivent à bord de canots pneumatiques ou de vieux bateaux de pêche partant de Libye où le chaos qui a suivi la chute du pouvoir de Mouammar Kadhafi laisse le champ libre aux passeurs.

L'Organisation internationale pour les migrations  (OIM) a relevé vendredi que les trafiquants semblent avoir opté pour des « économies d'échelle » leur permettant de gros revenus en un seul voyage, avec une seule nationalité. Avec un paiement de 1.000 à 2.000 dollars par personne, un voyage comme celui du Blue Sky M peut rapporter plus d'un million de dollars, soit largement assez pour financer l'affrètement d'un bateau et de son équipage, explique l'OIM.

La politique européenne de fermeture des frontières montrée du doigt

Une analyse partagée par François Gemenne, chercheur aux universités de Liège et de Versailles-Saint Quentin en Yvelines, interrogé par RFI. « Je pense que c’est le signal que l’on est face à des réseaux de trafic d’êtres humains criminels, extrêmement organisés, et qui ne sont plus du tout intéressés par le sort des migrants. Ils considèrent les migrants comme des marchandises dont ils vont essayer d’extorquer un maximum d’argent. Et dès le premier problème ou dès le moindre risque de se faire attraper par la police, ils quittent le navire comme des rats, abandonnant les migrants à leur sort. »

Pour François Gemenne, ce qui crée ces drames en Méditerranée, c’est avant tout la politique européenne de fermeture des frontières. « Aujourd’hui, il n’y a pas de véritable politique européenne d’asile et d’immigration. Cette politique se réduit à la surveillance des frontières qui est son alpha et son oméga. Il y a à la fois de plus en plus de gens qui sont poussés à l’exil - il n’y a jamais eu autant de personnes poussées à l’exil dans le monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale - et parallèlement à cela il y a des frontières qui se ferment de plus en plus. Il est donc inévitable qu’il y ait des situations comme celle d’aujourd’hui avec des réseaux de passeurs qui tentent d’exploiter tous les candidats à la traversée. » 
Comment fonctionne Frontex, l'agence européenne de contrôle des frontières de l'Union européenne ? 

Frontex occupe environ 250 personnes à Varsovie et fonctionne avec une centaine de millions d’euros par an, pas de quoi terrifier donc les passeurs de clandestins, explique notre correspondant à BruxellesQuentin Dickinson. C’est un Français, un Alsacien, Fabrice Leggeri, grand spécialiste des questions migratoires, qui prend ces jours-ci la direction de Frontex.

Le rôle premier de Frontex c’est la coordination et l’information des pays de l’UE en matière d’immigration, immigration principalement clandestine s’entend. Périodiquement, Frontex organise des opérations coup de poing en réunissant pendant une période limitée les moyens navals et aéronautiques de plusieurs pays européens. En réalité, ces opérations, surtout destinées à rassurer l’opinion publique en Europe, ne font que confirmer l’ampleur du phénomène et n’ont pratiquement aucune valeur dissuasive. Des équipes multinationales d’intervention rapide sont mobilisables en moins de cinq jours.


Rfi.fr

Samedi 3 Janvier 2015 08:39


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