JUBBANTI KOOM ET LES AJUSTEMENTS STRUCTURELS : MÊMES OBJECTIFS, CONTEXTES DIFFÉRENTS (Dr Seydou Bocoum)



Dans les années 1980‑90, le Sénégal de l’époque Abdou Diouf s’est engagé dans des programmes d’ajustement structurel (PAS) pilotés par le FMI et la Banque mondiale pour corriger de profonds déséquilibres macroéconomiques. Le déficit budgétaire dépassait alors 8 % du PIB et la dette publique atteignait des niveaux insoutenables. Ces PAS ont imposé une rigueur budgétaire sans précédent : réduction massive des subventions, gel des recrutements dans la fonction publique, dévaluation du franc CFA de 50 % en 1994 et privatisation d’une trentaine de sociétés publiques pour alléger le poids de l’État et attirer des capitaux. Parmi elles figuraient la SENELEC (électricité), la SONACOS (huiles et graines), la SONATEL (télécoms), la SODEFITEX (coton), la SICAP (immobilier) et plusieurs banques nationales (BHS, CBAO). Ces ventes ont rapporté plusieurs centaines de milliards de FCFA mais se sont traduites par des pertes d’emplois massives et un affaiblissement du tissu économique local.
 
Jubbanti Koom : une logique d’assainissement, mais avec inclusion sociale
 
Le plan Jubbanti Koom lancé en 2025 se situe dans le même impératif : réduire le déficit public et restaurer la confiance des bailleurs. L’audit validé par le FMI a révélé un déficit budgétaire réel de 11,7 % du PIB en 2023 et une dette publique de 105,7 % fin 2024, bien au‑delà de la norme de 70 % fixée par l’UEMOA. Pour corriger cette trajectoire, le gouvernement prévoit de ramener le déficit à 7 % en 2025 puis 3 % d’ici 2027, en mobilisant 5 667 milliards FCFA de ressources internes sur cinq ans. Contrairement aux PAS, Jubbanti Koom ne met pas l’accent sur de nouvelles privatisations, mais sur la rationalisation des dépenses de l’État, la lutte contre la fraude, la renégociation des contrats miniers et gaziers, et le renforcement de la fiscalité nationale.
 
Un dilemme récurrent : financer le redressement sans déstabiliser le pays

Même si la rhétorique est différente et que l’inclusion sociale est désormais affichée comme une priorité (emplois, souveraineté alimentaire, jeunesse), Jubbanti Koom se heurte au même dilemme que les PAS : stabiliser les comptes publics tout en évitant un choc social. Dans les années 1990, les privatisations et coupes budgétaires avaient provoqué un chômage massif et une paupérisation de larges pans de la population, affaiblissant la légitimité politique des réformes. Le plan actuel mise sur la transparence (audit public inédit) et la mobilisation de ressources endogènes pour éviter de nouvelles ventes d’actifs stratégiques. Mais comme à l’époque, la réussite dépendra de la capacité à maintenir la confiance du FMI et des marchés financiers sans sacrifier le tissu économique national.
 


Vendredi 1 Aout 2025 21:13


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