Journée mondiale contre le sida: le long combat des Africains

Trente-quatre millions de personnes vivent avec le virus du sida dans le monde, dont 25 millions en Afrique, parmi lesquelles 60% de femmes. A l'occasion de la Journée mondiale contre le sida organisée ce samedi 1er décembre, zoom sur les combats menés contre la maladie sur le continent africain et les difficultés auxquelles ils font face, notamment le poids des idées reçues, des traditions ou le manque de préservatifs.



Les traditions, des facteurs de propagation

Les raisons de l'expansion du sida en Afrique sont multiples : manque d'information, d'infrastructures et donc de prise en charge, pénurie de médicaments, traitements trop onéreux, mais aussi pérennité de certaines pratiques traditionnelles. Les mariages forcés et/ou précoces, le lévirat (union d’un homme avec la veuve de son frère), ou encore la polygamie sont ainsi autant de pratiques ancestrales qui contribuent à la transmission du virus du sida.
Christine Beynis, infirmière guinéenne, est présidente du GAMS, une association réputée pour ses actions de lutte contre toute forme de violences, et donc de pratiques traditionnelles néfastes pour la femme.

« Un homme qui a déjà le sida va le transmettre à sa première épouse. Si on sait que cet homme est malade, qu'est-ce qu'on va aller lui donner une autre femme qui est supposée saine et à qui il va transmettre le virus, ainsi qu'aux enfants qui vont naître ? C'est l'assurance de la prolifération de toutes les maladies infectieuses. Bien souvent, même si la femme ne veut pas [de cette union], le poids de la famille l'y contraint. On peut l'enlever et l'emmener de force ! Je connais l'histoire d'une jeune fille qui a été emmenée de force à son mariage. A mon avis, il faut aussi une volonté politique et une information par la radio. Il faut parler du sida, parler des méfaits de ces pratiques, pas seulement sur la vie des femmes mais aussi sur celle des enfants qui vont naître de cette pratique-là. »
Grâce au travail d’associations pour informer et éduquer les femmes, certaines pratiques reculent. Un recul malheureusement encore trop lent pour des millions de fillettes à travers le monde.
Les hommes se soignent plus mal que les femmes Les femmes représentent plus de 60% des personnes vivant avec le virus du sida sur le continent africain. Pour autant, une étude concernant le Malawi, l'Ouganda et le Kenya, vient de démontrer que, sur ce même continent, ce sont les hommes qui répondent le moins bien aux traitements. D’une façon générale, ils consultent beaucoup plus tard que les femmes et leur suivi est plus aléatoire.
Jean-François Etard, médecin épidémiologiste, chercheur détaché de l’Institut de recherche pour le développement.
« La première hypothèse est que les hommes observent moins bien leur traitement antirétroviral, en termes de doses manquées, par exemple, de retards aux rendez-vous... Donc l'observance est moins bonne. Après, il y a d'autres raisons qui sont plus délicates à démontrer, en particulier la pharmacodynamique (décrit les effets qu'un principe produit sur l'organisme, ndlr), la pharmacocinétique (étudie le devenir dans l'organisme d'une substance active contenue dans un médicament, ndlr) des médicaments antirétroviraux. Ca veut dire que lorsque les hommes et les femmes prennent les mêmes molécules, les mêmes tritérapies, il n'y a pas les mêmes taux sanguins. Par ailleurs, il y a des différences physiologiques entre les hommes et les femmes, en termes de taux de concentration de ces cellules immunitaires, mais en dehors de toute infection. On a bien montré que les femmes ont des taux de cellules - CD4 en particulier - plus élevés que les hommes à peu près partout dans le monde. Il y a un ensemble de raisons qui expliquent ces différences de reconstitution  immunitaire entre les hommes et les femmes ».
Le même constat a été révélé dans une étude en Afrique de l’Ouest, au Sénégal. Une tendance vérifiée également en Asie.
Le Gabon face à la pénurie de préservatifs Au Gabon, les fruits des sensibilisations massives contre le sida commencent à se ressentir. La prévalence est en baisse, mais les populations dénoncent une rareté des préservatifs.
Maïmouna gère un cyber café à la poste centrale. Ici, pour chaque ticket payé, le client a droit à un petit cadeau. « Un ticket acheté, trois préservatifs offerts, juste pour sensibiliser mes clients », explique-t-elle. Les clients s’en donnent à cœur joie. « J'ai été très surpris qu'on en distribue gratuitement à la poste », s'étonne un homme. « C'est difficile de les trouver », dit une femme.
Il n’y a pas beaucoup d'initiatives de ce genre. Les préservatifs ne sont plus disponibles comme dans le passé. « Aujourd'hui, il y a un petit relâchement. Il n'y a plus trop de campagnes comme autrefois », rapporte Maïmouna. Depuis quelques mois, Amissa Briana Bongo Ondimba est à la tête de la Direction générale de la prévention du sida (DGPS). Elle promet une action vigoureuse pour remédier à la situation : « Nous constatons que le préservatif n'est plus aussi disponible. Nous sommes en train d'étudier différents moyens de mettre en place des stratégies de marketing social de préservatifs. »
Selon des statistiques officielles, en 2011, la prévalence du sida au Gabon était de 5,2%. Les nouvelles contaminations sont en baisse, mais le budget de la prise en charge des malades a quasiment doublé en 10 ans.
Côte d'Ivoire : objectif « zéro décès » lié au VIH En Côte d'Ivoire, le gouvernement a lancé il y a deux semaines un plan national d'élimination de la transmission du virus de la mère à l'enfant. L'objectif « zéro décès » que le pays vise se place dans l'esprit de la stratégie de l'Onusida. Un objectif qui permet de dire que la lutte continue.
Dans l'unité des maladies infectieuses d'un hôpital d'Abidjan, un décès est intervenu hier, celui d'un patient qui prenait des antirétroviraux sans respecter le protocole prescrit. Cet autre homme, séropositif depuis onze ans, avoue respecter la prise de ses médicaments. Il sait qui leur doit sa survie. « Beaucoup croient que les médicaments existent et que c'est une activité commerciale qui n'a pas pour objectif de guérir totalement les gens de ce mal. Or, il n'existe pas encore un médicament qui puisse guérir ça totalement. »
Pour Florence Kouakou, conseillère des séropositifs au centre hospitalo-universitaire de Treichville, le 1er décembre est un jour comme les autres. « Moi je pense qu'on doit lutter contre le sida tous les jours, en sensibilisant les gens pour leur faire faire le test de dépistage pour qu'ils puissent recevoir aussi les soins qu'il faut », affirme-t-elle.
Selon une autre conseillère, de plus en plus de personnes à Abidjan font le teste de dépistage spontanément. « Il y en qui viennent même avec leur partenaire. Pour certains, la femme est infectée et pas le monsieur. On les appelle 'couples sérodiscordants' », rapporte-t-elle. Un motif de divorce parfois. Un professeur du CHU de Treichville avoue que dans un couple sérodiscordant, il peut s'avérer difficile de faire venir régulièrement la personne séronégative en consultation.
 
RFI
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Mamadou Sakhir Ndiaye

Samedi 1 Décembre 2012 12:59


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