Le silence du gouvernement sur le franc CFA alimente la colère au Sénégal (Par Fatou Sall)



Le 1er août dernier, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a présenté le Plan de redressement économique et social (PRES) 2025–2028, un programme ambitieux censé marquer un tournant dans l’histoire économique du pays. Ce plan, financé à 90 % par des ressources internes, entend réduire la dépendance extérieure et affirme une volonté claire de « souverainiser » l’économie sénégalaise. Toutefois, une question cruciale reste absente des discussions gouvernementales : la souveraineté monétaire, et plus particulièrement, la fin du franc CFA.

Une omission dénoncée par le FRAPP
Dans une déclaration publiée le 3 août, le Front pour une Révolution Anti-impérialiste Populaire et Panafricaine (FRAPP) a fustigé l'absence totale de mesures concrètes en faveur de la souveraineté monétaire dans le PRES. Le mouvement déplore que, malgré les déclarations de rupture avec les anciens schémas économiques, le gouvernement garde un silence assourdissant sur le franc CFA, pourtant considéré par de nombreux acteurs panafricanistes comme le symbole d'une domination néocoloniale persistante.

« Il est impératif de rappeler que la souveraineté budgétaire est vide de sens sans souveraineté monétaire », affirme le FRAPP, exhortant les autorités à faire de cette question un pilier fondamental des politiques publiques.

Le franc CFA, une monnaie contestée
Utilisé par plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, le franc CFA est régulièrement accusé de freiner l’autonomie économique de la région. Il est émis par la Banque de France, adossé à l’euro, et son fonctionnement est largement perçu comme un mécanisme de contrôle indirect de l’économie africaine par l’ancienne puissance coloniale.

Le 14 mai dernier, une marche citoyenne rassemblant plus de 5 000 jeunes à Dakar a illustré la vivacité de ce rejet populaire. Baptisée « 5 000 jeunes marchent pour Cheikh Anta Diop », cette manifestation dénonçait le franc CFA comme une « monnaie néocolonialiste » et appelait à son abandon immédiat, tout en réclamant des réparations pour les siècles d’exploitation coloniale.

Les slogans étaient clairs : « Stop au franc CFA, stop à l'exploitation néocoloniale ». Les organisateurs, s’inspirant de l’œuvre de Cheikh Anta Diop, affirmaient qu’il n’y a pas de véritable souveraineté politique sans indépendance financière, et appelaient à la création d’une monnaie africaine libre de toute influence étrangère.

Une promesse trahie ?
L’arrivée au pouvoir du duo Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko avait suscité de grands espoirs parmi les partisans de la rupture. Le franc CFA devait être mis en débat, et son abandon envisagé comme une priorité stratégique. Or, trois mois après l’investiture du président, aucun signal fort n’a été envoyé dans ce sens.

Le mutisme du gouvernement sur ce dossier crucial tranche avec l’urgence exprimée par une partie grandissante de la population. Dans un contexte de crise économique aiguë – déficit budgétaire à 14 %, dette publique représentant 119 % du PIB, chômage à 20 % – le maintien d’un système monétaire jugé archaïque et étranger ne passe plus.

Vers une relance du débat ?
Le FRAPP, comme d'autres mouvements panafricanistes, appelle à replacer la question monétaire au centre du débat national. Il en va de la crédibilité du projet de souveraineté économique brandi par les nouvelles autorités. Refuser d’aborder la question du franc CFA, c’est selon eux faire l’impasse sur le fond du problème.

À l’heure où des milliers de citoyens réclament une monnaie indépendante et un modèle de développement enraciné dans les réalités locales, le gouvernement sénégalais ne pourra plus longtemps ignorer cette aspiration légitime à une véritable indépendance monétaire. La transition tant attendue ne sera complète que si elle s’attaque à cette ultime chaîne coloniale.
 
Fatou Sall
 


Jeudi 7 Aout 2025 16:07


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