MMN Vs Sonko: tout savoir sur une affaire datant de 2018, ce que Amadou Ba, Birahim Seck et la société Green 2000 disaient

Tout a commencé en 2018, lorsqu’une partie de la presse sénégalaise a fait état d’un carnage financier exécuté au cœur du Programme national des domaines agricoles (PRODAC), portant plus de 29 milliards FCFA. Le programme était dirigé à l’époque par Mame Mbaye Niang, ministre de la Jeunesse d’alors. En effet, un supposé rapport de l’Inspection générale des finances (Igf) mettant en cause la gestion du Prodac aurait atterri sur internet et avait fait réagir plus d’un. C’est partant de ce constat que l’opposant Ousmane Sonko, a soutenu que le ministre a été épinglé par un rapport. Ce que Mame Mbaye Niang a nié en portant plainte contre de M. Sonko pour diffamation. Le procès ouvert hier jeudi, a été renvoyé au 16 février, à la demande des avocats de l’opposant. PressAfrik revient sur les tenants et les aboutissants d’une affaire sur laquelle l’ancien ministre des Finances, Amadou Ba et la société Green 2000 se sont déjà exprimés.



Existe-t-il vraiment un rapport épinglant le ministre Mame Mbaye Niang dans le cadre du contrat le liant à Green 2000, société en charge de l’exécution du Prodac ? C'est la grande question que beaucoup de Sénégalais se posent sans avoir la réponse. Evoquée par l’opposant Ousmane Sonko, lors d’une conférence de presse des leaders de Yewwi Askan Wi, l’affaire portée devant dame justice, a été renvoyée au 16 février prochain. Le plaignant Mame Mbaye Niang exige de M. Sonko d’apporter les preuves de ses accusations sur un rapport qui l’a épinglé pour détournement présumé de 29 milliards FCFA. 

Lors de cette conférence de presse Sonko disait : « Emission par le ministre de tutelle d’un ordre de service de démarrage antérieure à la notification et à l’enregistrement du contrat : En raison du principe de la chronologie des actes de procédure la notification de l’ordre de service du démarrage ne peut être envisagé qu’après celle du contrat auquel il se rapport. Ce principe basique du droit des contrats administratifs n’a pas été également observé dans le cadre d’espèce. Alors que le contrat n’a été notifié que le 25 juillet 2016 à l’entreprise Green 2000, le ministre Mame Mbaye Niang assurant la tutelle du Prodac avait déjà émis 5 mois au paravent un ordre de service. Cet état de fait est d’autant plus déplorable qu’il résulte non pas d’une ignorance des textes mais plutôt d’un souci de répondre aux exigences non contractuels de monsieur Daniel Pinhassi, patron de Green 2000 ». 

Selon lui, Mame Mbaye Niang a été bel et bien été épinglé par l'Igf. Dans sa réponse apportée à Ousmane Sonko, Mame Mbaye Niang a balayé d'un revers de main ces allégations. Il va plus loin en portant plainte contre le leader de Pastef pour « diffamation, faux et usage de faux ». 

Appelée à la barre de la chambre d'accusation jeudi, l'audience a été renvoyée au 16 février prochain suite à la demande des avocats d'Ousmane Sonko qui ont déclaré que leur client n'a pas reçu de citation à comparaître. Par conséquent, ils ne savent pas ce qui lui est reproché. 
 
 Mame Mbaye Niang parle du contrat liant Prodac à Green 2000 et dément l'existence du rapport de l'Igf
C'est à l’émission D’Clic du 27 octobre 2020, que Mame Mbaye Niang, a décidé d'expliquer le fond du problème. Pour la première fois, il a donné des détails sur cette affaire Prodac qui a fait couler beaucoup d’encres et de salives. En réalité, a-t-il fait savoir, il s'agit un contrat signé avec l’entreprise Green 2000, une société israélienne, pour la réalisation des quatre premiers domaines agricoles communautaires (Dac), pour un montant total de vingt-neuf milliards six cent millions cinq cent trente-six mille francs Cfa ( 29 600 135 000). 

« Ce rapport de l’IGF n’existe pas », a-t-il déclaré, d’entrée. Avant d’expliquer ce qui s’est passé. « Prodac a été programmé pour une durée de 8 mois. Le contrat a été signé. Et 6 mois après, j’ai convoqué l’entreprise Green 2000 pour leur demander ‘où est-ce que vous en êtes ? Dans leur réponse, l’entreprise m’a révélé qu’elle n’a pas encore démarré les travaux car n’ayant pas obtenu les avances de démarrage qui est de 20% ». 

Il a ajouté : « Après 1 an et demi, l’entreprise qui avait commencé les travaux, n’avait pas encore livré alors qu’elle devait le faire 4 mois avant. Je les ai encore appelé pour leur demander le pourquoi elle n’a pas livré. La réponse que j’ai reçue ne m’a pas convaincu. J’ai ainsi saisi le ministère des Finances d’une lettre pour demander l’audit du projet ». Il a révélé que « pas mal de personnes ont essayé de me dissuader de ne pas le faire parce que, selon elles, cela va laisser des traces. Mais je ne les pas écoutés. J’ai saisi le ministère des Finances ». 

Mais malheureusement, a-t-il regretté, « il n’y a pas eu d’audit durant tout le temps que j’ai été au ministère de la jeunesse. Ils ont attendu 3 ans après, lorsque j’ai été nommé ministre du Tourisme pour faire et audit. Et un bon jour, j’ai eu écho d’un fameux rapport d’un Igf m’épinglant. J’ai été surpris. Lorsque j’ai croisé, lors d’un conseil des ministres, Amadou Ba, ministre des Finances d’alors, je lui ai demandé de m’expliquer c’est quoi ce fameux rapport sur Prodac. Mais il m’a répondu que non ce rapport n’existe pas. C’est juste des rumeurs ».  

Mame Mbaye Niang avait démissionné le dimanche 10 juin 2018, du gouvernement pour, selon lui, «convenances personnelles». Mais beaucoup avaient lié cet acte à la gestion du Prodac, qualifiée de «scandaleuse» par le rapport de l’Igf. Mais sa démission a été rejetée.
 

Amadou Bâ parle d’un pré-rapport qui a fuité et blanchi Mame Mbaye Niang
Abordant l’affaire Prodac lors d’une émission à la 7tv, le ministre des Finances d’alors, Amadou Ba, a confirmé, sans le dire expressément, l'existence du rapport de l'Igf, longtemps démenti par Mame Mbaye Niang. Mais, selon lui, ce n’est pas un rapport mais des éléments d’un pré-rapport de l’Igf qui ont fuité et atterri dans les bras de certaines personnes. 

Avant de laver à grande eau l'actuel ministre Touriste. « Je n’ai vu nulle part dans ce pré-rapport quelque chose qui accuse Mame Mbaye Niang. Il y a eu des fuites, la presse l’a exploité m’accusant à tort », a-t-il regretté. 

Il a déballé : « comme chaque rapport, les enquêteurs ont tendance à distribuer des extraits du rapport aux personnes concernées. Alors, il y a eu une dizaine de personnes qui étaient en possession de ces documents. Et, c’est là où il y a cette fuite. Et ça lui (Mame Mbaye Niang) a fait très, très mal. Et c’est normal, parce qu’on lui a accusé des choses qui ne sont pas exactes. 

 Les précisions de Green 2000, société en charge de l'exécution du Prodac  

L’entreprise israélienne Green 2000 qui a été mise au banc des accusés, avait porté la réplique à ses détracteurs. A l’en croire, si les 4 domaines agricoles communautaires (Dac) concernés ne sont toujours pas livrés, c’est exclusivement de la faute du ministère de l’Economie et des Finances avec les nombreux retards de paiement.

Dans un document bien détaillé, l’entreprise israélienne avait battu en brèche les accusations portées contre elle par l’Inspection générale des finances (Igf). Il ressort de leurs déclarations que le Sénégal n’a qu’à s’en prendre au ministère de l’Economie, des Finances et du Plan et au bailleur Locafrique, si le programme a connu des lenteurs.

« Si les termes du marché T1962 /15, objet du contrat signé le 28 août 2015, validé le 15 septembre et approuvé le 21 septembre 2015 avaient été respectés par la partie sénégalaise, les 4 Dac auraient été livrés clé en main en novembre 2016 », s'était défendue la société israélienne.

Qui, d'ailleurs, réclamait une ardoise de 3,375 milliards de F Cfa au Prodac. La société menaçait même de quitter le pays au 31 juillet 2019, si le gouvernement de Macky Sall ne règle pas au moins la moitié de la dette, soit un (1) milliard de F Cfa. 

Justification de la suspension des paiements par Locafrique  
 
Sans trop attendre, Locafrique, principal bailleur du Prodac, a réagi suite à la sortie de Green 2000. La société dirigée par Khadim Ba avait livré sa part de vérité, dans un communiqué rendu public. 

Elle expliquait que : « Dans le cadre de la mise en œuvre du Prodac, nous avons eu un rôle exclusivement de partenaire financier, donc de bailleur, comme ça pourrait être le cas de n’importe quelle banque de la place. L’Etat du Sénégal, soucieux de mettre en œuvre l’un de ses projets majeurs, a sollicité de Locafrique un financement des Dac pour 29 milliards remboursables sur 5 ans ».

A titre d’établissement de crédit, précise-t-on dans le document, Locafrique « se limite seulement à payer au fournisseur Green 2000, selon les modalités prévues par la convention de financement. Elle n’intervient aucunement dans la mise en œuvre des activités ».

Ayant constaté, « comme il ressort dans le rapport de l’Igf, des manquements graves dans la mise en œuvre du projet », Locafrique avait décidé de suspendre les paiements. « Cette posture a été à la base, entre autres, de la décision des autorités de procéder à un audit du projet pour y voir clair », avait informé la note. .
 

Dans son livre, « Lettre au peuple : Prodac, un festin de 36 milliards de frs », Birahim Seck enfonce le clou 

Celui qui a éclairé l'opinion dans cette affaire de rapport de l'Igf épinglant Mame Mbaye Niang, c'est bien le coordonnateur du Forum Civil. Dans son ouvrage intitulé « Lettre au peuple : Prodac, un festin de 36 milliards FCFA », Birahim Seck a estimé que le montant du scandale tourne autour de 36 milliards de frs au lieu de 29 milliards de francs comme annoncé jusqu’ici.

Dans son livre de 212 pages, Birahim Seck est revenu sur les péripéties du financement exécrable pour la réalisation des Domaines Agricoles Communautaires de Séfa, de Itato, de Keur Momar Sarr et de Keur Samba Kane.

Dans les bonnes feuilles publiées dans la presse, le coordonnateur du Forum civil mouille dans ce scandale, le ministre de la Jeunesse au moment des faits, Mame Mbaye Niang, les directeurs généraux successifs du Prodac, Jean- Pierre Senghor et Mamina Daffé, l’entreprise israélienne Green 2000, Locafrique de Khadim Ba et les ministres de l’Economie Amadou Ba et du Budget Birima Mangara.

Il démonte aussi la gestion calamiteuse du contrat signé par Monsieur Mame Mbaye Niang, liant le Prodac et l’entreprise Green 2000 ainsi que ceux liant les entreprises TIDA et 3M Universal au Prodac. De plus, l’ouvrage retrace l’implication et les responsabilités directes de Monsieur Amadou Bâ, d’une part, et d’autre part de Messieurs Mame Mbaye Niang, Jean Pierre Senghor et Mamina Daffé. 

Selon le patron du Forum civil, « le livre révèle à travers l’exploitation de la convention de financement que les intérêts de l’Etat et de la jeunesse sénégalaise n’ont pas été défendus par Monsieur Amadou Bâ. Cette Convention protège plutôt la société Locafrique ayant comme parrain financier le Ministre des Finances. Contrairement à ce l’on pense, M. Seck révèle aussi que l’Etat du Sénégal ne s’est pas engagé que sur 29 milliards mais plutôt sur 36 milliards de FCFA suivant une programmation de remboursement.
 

Les risques d’une condamnation de l’opposant

Ousmane Sonko risque gros en cas de condamnation, à quelques mois de la présidentielle de 2024. Lors de son audition par la DIC, il aurait fait savoir qu’il a commis un lapsus quand il parlait de l’IGE (Inspection Générale d’Etat) en lieu et place de l’IGF (Inspection générale des finances).

Toujours est-il que dans le Rapport annuel d'activités ministère Economie & Finances 2018 on trouve une mention de ladite enquête menée par l'IGF sur le contrat clé en main entre PRODAC et Green 2000.


Aminata Diouf

Vendredi 3 Février 2023 16:45


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