Mali: des vétérans de Wagner narrent leurs crimes et s'en prennent aux militaires maliens

Des vétérans de Wagner racontent leurs années au Mali. Dans un documentaire de 2h40 révélé par nos confrères de Jeune Afrique, et que RFI a pu visionner, les mercenaires reviennent sur les principales batailles menées en trois ans et demi de présence dans le pays. Ils y racontent leurs difficultés, les tensions avec leurs camarades maliens et admettent au passage des crimes de guerre. Détails.



C’est cagoulé, le regard souvent dissimulé par de larges lunettes noires, que neuf vétérans prennent la parole à tour de rôle. Tous ont opéré au Mali, dans les rangs de la société militaire privée Wagner.
 
Leurs témoignages, traduits par Jeune Afrique, sont entrecoupés de vidéos de propagande. On peut y voir des extraits d’interventions filmées à la première personne dans certaines localités du nord du pays. Les « musiciens » – comme il aime se faire appeler – entrent par effraction dans certaines demeures, brûlent des campements ou encore tirent à vue depuis des véhicules appartenant aux Forces armées maliennes (Fama), leurs hélicoptères et parfois même leurs avions de chasse.
 
La bataille de Tinzaouatène en juillet 2024, un tournant
Les intervenants relatent et commentent leurs faits d’armes dans le nord du Mali – région souvent surnommée Tatouïne par l’auteur de cette chaîne Télégram intitulée « Les oncles blancs en Afrique » – à Ber, à Tessalit, mais aussi à Tinzaouatène, du 25 au 27 juillet 2024, où près de 80 d’entre eux avaient été tués par les rebelles du Front de libération de l’Azawad (FLA). Un événement qui avait cristallisé les tensions entre mercenaires et Fama.
 
Un membre de Wagner se souvient des difficultés pour aller récupérer les corps de ses camarades en raison du manque de volonté du commandement malien dans le camp de Kidal, de l’intervention des autorités locales pour faire descendre la pression, ou encore de l’aide des éléments du Gatia (groupe touareg pro-gouvernemental) pour sécuriser la route jusqu’à l’endroit de la bataille.
 
Ce n’est que le 30 septembre qu’une colonne de 100 véhicules prend la route. Derrière eux, les mercenaires piègent un camion rempli de rations de maïs. « Une fois éloigné, nous avons entendu une explosion. » Une personne aurait perdu la vie. Piéger des objets civils est interdit par le droit de la guerre, pointe Jeune Afrique.
 
Le documentaire intitulé « Marche sur l’Azawad » est aussi un ramassis d’insultes des « musiciens » envers leurs homologues maliens. « Peureux », « incompétents », « voleurs » : les vétérans n’y vont pas de main morte. Ils décrivent une armée qui fuit le combat et saute sur l’occasion pour se glorifier. « Nous, on n’est pas facile à intimider », se targue l’un d’eux. « Alors, partout où nos alliés nous voyaient sur la ligne de front, ils essayaient de se rapprocher et de se mettre sous notre protection. »
 
Diffusé en juillet sur le canal Telegram réputé proche des mercenaires, le documentaire est un hommage à l’un des derniers terrains de Wagner où, d’ailleurs, son patron Evgueni Prigojine a fait sa dernière apparition avant de mourir dans le crash de son avion en août 2023. Une vidéo insérée dans le film.
 
Si, officiellement, la société militaire privée russe n’a jamais foulé le territoire malien, elle avait en réalité été appelée à la rescousse à la fin de l’année 2021, alors que Paris et Bamako étaient en plein divorce au lendemain de deux coups d’État successifs. Une nouvelle relation houleuse, à son tour rompue en juin 2025 et remplacée par les éléments de l’Africa Corps, branche africaine du ministère de la Défense russe, où l’on retrouve d’anciens membres de Wagner.

RFI

Samedi 27 Septembre 2025 18:11


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