Mali: les nouvelles taxes, «injustes» pour les acteurs du vin, «illégales?», s'interroge un ancien Premier ministre

Au Mali, les autorités de transition ont annoncé au début du mois la création de nouvelles taxes. Certaines seront payées par les entreprises, d'autres par les consommateurs. C'est notamment le cas pour les services téléphoniques mais aussi pour les boissons alcoolisées. Présentées par le gouvernement de transition comme une contribution populaire pour financer des projets de développement, ces nouvelles taxes, sur des produits utilisés au quotidien par tous les Maliens, sont diversement appréciées. Certaines voix s'élèvent à présent pour s'interroger sur leur légalité, mais aussi sur l'inégalité de traitement qu'elles instaurent entre la bière et le vin.



La contribution spéciale sur l'alcool s'élève à 1 000 franc par litre pour les boissons produites au Mali et contenant entre 6 et 15 degrés d'alcool, et 3 000 franc par litre au-delà de 15 degrés. « À la charge du consommateur desdites boissons », précise l'ordonnance du 7 février, publiée par la direction générale malienne des impôts.
 
Surprenant, pour la boisson alcoolisée la plus prisée, alors que les autorités de transition assurent que cette mesure vise à la fois à générer des revenus supplémentaires pour l'État et à réguler la consommation d'alcool dans le pays. En termes de finances comme de santé publique, l’exclusion de la bière semble donc difficile à comprendre.
 
« Injuste », estiment quant à eux plusieurs opérateurs du secteur qui, sous couvert d'anonymat, déplorent que la masse des buveurs de bière ait été préservée au détriment de leur propre activité. « C’est un choix plus politique qu'économique », déplore un interlocuteur, qui compte désormais sur la « compréhension » des autorités.
 
Surprenant, « injuste »
Mais les nouvelles taxes ne concernent pas que les boissons alcoolisées : les Maliens seront désormais prélevés à chaque recharge de leur crédit téléphonique (à hauteur de 10%) et à chaque transfert d'argent par mobile money (à hauteur de 1%).
 
Des dispositions adoptées par ordonnances, en vertu d'une « loi d'habilitation » qui permet au gouvernement de légiférer directement au moyen de ces fameuses ordonnances, adoptées en conseil des ministres sans consultation du CNT (Conseil national de transition, l'organe législatif du régime de Transition). Cette loi d'habilitation a été votée en décembre dernier par le CNT pour la période octobre 2024-avril 2025, correspondant à l'intervalle entre les deux sessions ordinaires programmées du CNT.
 
... voire « illégal » ?
Cette loi d'habilitation prévoit cinq domaines pour lesquels des dispositions relevant théoriquement de la loi peuvent être prises par ordonnance : la création et l'organisation de services publics, l’organisation de la production, le statut du personnel, les accords internationaux et le régime électoral. Aussi l'ancien Premier ministre Moussa Mara, du parti Yelema, s'interroge-t-il sur la légalité des ordonnances instituant les nouvelles taxes.
 
« La prise de taxes et d'impôts ne figure pas parmi ces cinq catégories précisées par la loi d'habilitation, relève Moussa Mara. Il aurait fallu que cette loi le précise, ou que le gouvernement laisse le Parlement se saisir d'un dossier aussi important. Nous sommes dans un contexte de grandes difficultés, rappelle l'ancien Premier ministre, mettre en place des impôts et taxes, c'est alourdir la charge des ménages. La légalité des différentes ordonnances est vraiment questionnable. »
 
Sollicitée par RFI sur cette question de la légalité des ordonnances instituant les nouvelles taxes, la Primature n'a pas souhaité commenter.

RFI

Mercredi 19 Février 2025 15:15


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