Martin Kobler: en RDC, «la réconciliation prendra du temps»

Les représentants des onze signataires de l'accord-cadre sur la paix et la sécurité en RDC se sont retrouvés à Addis-Abeba, en marge du sommet de l'Union africaine qui s'est tenu en fin de semaine dernière. Un plan d'action prioritaire a été adopté pour s'assurer que les Etats tiennent les engagements pris lors de la signature de cet accord-cadre, parrainé par les Nations unies il y a un an. Car, malgré la défaite des rebelles du M23 en novembre, de nombreux groupes nocifs subsistent, dans les Kivus, mais aussi au Katanga comme l’explique Martin Kobler, le chef de la Monusco, la mission des Nations unies en RDC, invité de Nicolas Champeaux.



Des casques bleus de la brigade du Nord-Kivu de la MONUSCO en patrouille dans une rue de Goma croisent un groupe de jeunes en provenance d’un match de football, le 4 janvier 2013 MONUSCO/Brigade du Nord-Kivu.

A noter que, depuis l'enregistrement de cet entretien, un chef des FDLR a déclaré la fin des hostilités contre le Rwanda. Une déclaration qui reste à être confirmée sur le terrain.

RFI : Quelle est la portée du plan d’action signé au Sommet de l’Union africaine ?

Martin Kobler : Je crois que c’est très important d’avoir ces réunions à haut niveau, régulièrement, pour mettre en œuvre les engagements dans la région, afin de voir ce qui a été fait et ce qui reste à faire, ce qu’il faut concrétiser. On a avancé par rapport au premier document qui a été fait à New York il y a six mois je crois. Le document actuel est plus concret. On a fixé les délais, on a distribué les tâches entre le gouvernement du Congo, la région, le Rwanda et la Monusco.

Que se passe-t-il lorsqu’un Etat signataire ne remplit pas ses obligations ? Prenons le cas du Rwanda. Le rapport des Nations unies pointe de nouveau un soutien du Rwanda au M-23 en violation de l’accord de février.

On a des réunions et on va le mentionner. Je crois que ce n’est pas le problème. Maintenant on est dans une nouvelle période, c’est la fin militaire du M23. Il faut construire la paix. C’est aussi l’objectif, le but de cet accord. Ce n’est pas de regarder en arrière.

Il y a également toute une partie qui concerne spécifiquement les responsabilités du gouvernement congolais au niveau de l’engagement national. Et là, vous la Monusco, vous êtes chargé de vérifier ?

Nous avons le mandat du Conseil de sécurité, pas seulement de combattre les groupes armés, mais aussi de travailler d’une manière constructive sur cette part de l’accord-cadre des engagements nationaux, par exemple sur la réforme de la sécurité.

La réforme essentielle…

C’est très important d’avoir une police qui est bien payée, qui est bien entraînée, une armée qui est réformée et qui va sécuriser la stabilité du pays.

Au niveau des sept points qui concernent spécifiquement Kinshasa, il y a la réconciliation. Est-ce que vous estimez que les choses évoluent suffisamment rapidement ?

Non, je suis impatient. Je suis un homme impatient, mais je sais que la réconciliation, ça prend du temps. C’est un processus mental. Il faut travailler constamment et régulièrement sur le processus d’intégration des les vieux ennemis dans la société. Par exemple le M23, ils sont maintenant au Rwanda, en Ouganda. Congo. Ceux qui sont Congolais doivent rentrer au Congo : le DDR c’est la démobilisation, le désarmement et la réinsertion dans la vie civile.

Le commandant militaire de la Monusco a déclaré il y a peu que la lutte contre les ADF-Nalu relevait exclusivement des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Ce qui a déclenché l’ire de Kinshasa. Que dit le plan d’action ? Est-ce que ce différend est réglé ?

Nous avons ici une position très claire. Notre priorité c’est la lutte contre les FDLR. Après la défaite militaire du M23, on a consacré deux tiers de notre force pour combattre les FDLR. Mais ça veut pas dire que l’on néglige le combat contre les ADF-Nalu. Le reste de la brigade d’intervention est consacré pour assister les FARDC dans leur combat contre les ADF-Nalu au Nord.

Parlez-nous un peu de ce nouveau groupe rebelle dont on ne sait pas grand-chose finalement. Qui sont-ils ? Comment opèrent-ils ? Sont-ils bien équipés ?

ADF-Nalu, c’est un groupe anti-ougandais. Tous les groupes armés sont différents. La lutte contre le M23, c’était une lutte contre une sorte d’armée. Le combat contre les FDLR, c’est encore différent puisqu’ils sont organisés en petits groupes. Et le combat contre les ADF-Nalu, c’est encore autre chose. Ils ont une autre stratégie de guérilla, mais aussi, ils commettent des atrocités contre la population.

Le cas des M23 a été pratiquement réglé en novembre. Quels sont les autres défis ? Parce qu’il y a énormément de forces nocives dans l’est de la RDC, une quarantaine. Est-ce que ce n’est pas plus difficile de s’attaquer à ces différentes forces éparpillées et moins visibles que le M23 ?

Il faut prioriser ici. On agit dans une région qui a la dimension de l’Afghanistan c'est pourquoi il faut établir des priorités. Et notre priorité ce sont ces trois organisations : M23, FDLR, ADF-Nalu. Il faut d’abord régler les problèmes avec eux parce que plus tard, ce sera plus facile de régler ceux posés par les Maï-Maï. Mais j’admets qu’on a des cas de violations des droits de l’homme par les groupes Maï-Maï.

C’est un grand problème parce que nous avons l’obligation de neutraliser, d’une manière offensive, tous les groupes armés. On voit des atrocités commises par les groupes Maï-Maï maintenant au Katanga. [D'autres groupes Maï-Maï ] sont aussi actifs dans les territoires du Kivu avec des viols en masse. Il faut s’occuper de ce problème. Mais on ne peut pas être partout. Maintenant notre priorité c’est de combattre les FDLR et les ADF-Nalu.

Source : Rfi.fr



Lundi 3 Février 2014 10:11


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