Meilleurs vœux dans un monde difficile, au cœur d’un océan de possibilités Par Marie Barboza MENDY – Regards croisés d’une Franco-Sénégalaise



Il y a des années qui passent sans bruit, et d’autres qui laissent des cicatrices.
2025 fut, pour beaucoup, une année lourde. Lourde de silences, de peines rentrées, de combats invisibles. Dans ce monde qui court, qui brille, qui affiche ses réussites, il existe une humanité discrète, parfois effacée, souvent oubliée.

Cette chronique s’adresse d’abord à ceux qui portent les peines du monde en silence. À celles et ceux qui souffrent sans bruit, seuls au milieu de la foule, invisibles dans le tumulte des vies pressées. À ceux que la maladie a contraints à ralentir, à s’effacer parfois, à regarder le monde continuer sans eux. Aux incompris, aux êtres cabossés par l’existence, à celles et ceux que la vie a fait taire sans jamais leur offrir l’écoute qu’ils méritaient.

Elle s’adresse aux expatriés, déracinés entre deux terres, suspendus entre deux identités, riches de cultures mêlées mais appauvris par l’absence, par le manque d’un foyer pleinement habité. Aux oubliés du progrès, relégués aux marges des statistiques et des promesses politiques, à celles et ceux que l’on ne compte plus parce qu’ils dérangent. Aux veuves et aux veufs, pour qui l’absence n’est pas un mot mais une présence quotidienne, lourde, persistante. À ceux qui ont perdu récemment l’être aimé, un parent, un enfant, un compagnon de vie — et qui apprennent à respirer avec un vide que rien ne comble.

Elle parle aussi aux déflatés de la vie, ces femmes et ces hommes que les chocs successifs ont vidés de leurs certitudes, de leurs rêves, parfois même de leur foi en demain. Aux travailleurs épuisés jusqu’à l’âme, aux jeunes désorientés, privés de boussole et d’horizon, aux anciens que l’on n’écoute plus, aux migrants de l’intérieur comme de l’extérieur, aux cœurs brisés mais encore debout, tenant par dignité plus que par force.

À tous ceux que le monde a blessés, mais qui, malgré tout, continuent d’avancer, fragiles et courageux, dans l’attente d’une lumière qui n’a pas encore dit son dernier mot.

(Et comment ne pas ouvrir cette parole à celles et ceux que les fêtes ont trouvés le cœur lourd ? À ceux dont l’amour s’est fissuré, brisé ou épuisé — divorcés, séparés, couples en suspens — et pour qui la fin d’année n’a pas eu le goût de la célébration mais celui du manque et du silence.

À celles et ceux qui ont perdu leur travail, leur stabilité, parfois leur dignité sociale, et qui affrontent l’avenir avec plus d’angoisse que de certitudes. Aux malades, dont le corps impose un rythme que le monde ne respecte plus, et qui traversent les fêtes avec courage, fatigue et lucidité.
 
À celles et ceux qui, à la veille des fêtes, se sont embrouillés avec un proche, un parent, un ami, laissant l’année s’achever sur un malentendu, une parole de trop, un pardon différé. Que ces douleurs intimes, souvent tues par pudeur ou par honte, trouvent ici reconnaissance, respect et compassion. Elles font aussi partie de l’expérience humaine, et nul ne devrait les porter seul.)

Le tableau de bord du monde

Le monde d’aujourd’hui est un paradoxe permanent. Jamais l’humanité n’a disposé d’autant de richesses, de technologies, de savoirs… et jamais elle n’a semblé aussi fragmentée.

•             Fracture sociale, entre opulence indécente et pauvreté persistante
•             Fracture géographique, entre Nord repu et Sud en attente
•             Fracture humaine, entre individus connectés mais profondément seuls
•             Fracture morale, où la vitesse a remplacé la conscience
•             Fracture spirituelle, où beaucoup cherchent du sens sans toujours savoir où regarder

Nous vivons dans un monde qui produit de l’innovation mais aussi de l’exclusion, de la performance mais aussi de la fatigue chronique, du spectacle mais peu d’écoute.
Nous dénonçons l’injustice, mais nous nous habituons trop vite à l’inacceptable.
Nous parlons de paix, mais investissons encore dans la peur.
Nous proclamons l’universalité, tout en dressant des murs visibles et invisibles.

Alerter sans désespérer
Il faut le dire avec clarté : le monde va vite, mais pas toujours dans la bonne direction. Il y a urgence à ralentir, à réparer, à réhumaniser. Mais il serait injuste — et faux — de ne voir que l’ombre. Car partout, il existe des trésors d’humanité : des mains qui aident sans caméra, des voix qui consolent sans micro, des femmes et des hommes qui tiennent, qui soignent, qui éduquent, qui créent, qui prient, qui espèrent encore.

L’avenir de l’humanité ne se joue pas uniquement dans les sommets internationaux, mais dans les choix quotidiens, les solidarités locales, les consciences éveillées.

Des vœux qui ont du sens

En cette fin d’année 2025, je refuse les vœux convenus, mécaniques, prononcés sans chair ni mémoire. Je choisis d’adresser des vœux habités, des vœux ancrés dans le réel, forgés à la lumière de ce que nous avons traversé collectivement et intimement. Des vœux qui ne nient ni la douleur ni les fractures, mais qui osent encore l’espérance.
 
L’année 2025 aura laissé derrière elle trop de destins cabossés, trop de vies heurtées par une violence devenue presque ordinaire. Violence des mots, violence des regards, violence des silences. Une violence nourrie par la jalousie sociale, l’égoïsme rampant, la compétition stérile, l’indifférence érigée en mode de survie. Une violence qui isole, qui oppose, qui fracture, et qui prive tant de femmes et d’hommes de repères essentiels — moraux, spirituels, affectifs — nécessaires pour tenir debout.

Elle aura aussi été l’année des solitudes profondes, parfois invisibles, de celles qui se vivent au cœur même de la foule. L’année des cœurs meurtris par la perte, la rupture, l’exil intérieur ou géographique. L’année où beaucoup ont avancé à tâtons, privés de boussole, cherchant un sens dans un monde saturé de bruit mais avare de présence véritable.

C’est précisément au regard de ces existences éprouvées que je formule mes vœux pour 2026. Que l’année à venir soit une année de réparation intérieure, où chacun pourra recoudre ce que la vie a déchiré. Une année de paix retrouvée, même fragile, même imparfaite, mais suffisamment réelle pour apaiser les âmes fatiguées. Une année de réconciliation — avec soi-même d’abord, avec l’autre ensuite — dans un monde qui a trop souvent confondu désaccord et hostilité.

Une année de lucidité compassionnelle, où le regard porté sur la souffrance humaine sera plus juste, plus respectueux, moins jugeant. Et surtout, une année où nous choisirons, consciemment et courageusement, l’humain plutôt que l’indifférence, la solidarité plutôt que le repli, l’écoute plutôt que le mépris.

Un regard croisé, une espérance exigeante

Que 2026 soit une année de paix — non pas naïve, mais courageuse. Une année d’amour — non pas fragile, mais responsable. Une année de résilience consciente, où, malgré les fractures et les blessures encore ouvertes, nous choisirons de croire en la dignité humaine.

Car l’espérance véritable ne nie ni la souffrance ni la complexité du monde. Elle les traverse. Elle persiste. Elle se loge dans une main tendue, une parole juste, une présence qui ne fuit pas.
Le monde ne tiendra ni par la force des armes, ni par l’abondance des richesses, ni par la seule vitesse du progrès. Il tiendra par la capacité des femmes et des hommes à rester humains dans l’épreuve, solidaires dans la fracture, lucides sans renoncer à croire. Tant qu’il restera des consciences éveillées, des cœurs debout et des gestes de fraternité, la lumière, même vacillante, ne s’éteindra pas.
 
 
À vous, lectrices et lecteurs du monde, je tiens à adresser des remerciements empreints de gravité et de reconnaissance. À vous, fidèles, attentifs, exigeants, qui lisez, interrogez, discutez, parfois contestez, mais toujours avec cette soif de sens qui honore l’intelligence collective.

Vos messages venus de Johannesburg, du Canada, de France, d’Égypte, de Suisse, de Belgique, du Maroc, du Mali, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et d’ailleurs témoignent que cette chronique dépasse les frontières géographiques et culturelles. Elle circule, elle voyage, elle trouve écho dans des consciences dispersées aux quatre coins du monde, unies par une même quête : comprendre, relier, humaniser.

Cette parole est la mienne, certes, mais elle ne prend corps que parce que vous la recevez, la questionnez, la prolongez. Elle devient alors dialogue, responsabilité partagée, espérance collective.

Marie Barboza MENDY
Regards croisés d’une Franco-Sénégalaise
 mendymarie.b@gmail.com
📞 78 291 83 25


Mercredi 31 Décembre 2025 11:31


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