La première fois que les Américains avaient vu à la télévision Helmut Schmidt renifler une poudre brune qu’il venait de déposer soigneusement sur le dos de sa main, ils avaient cru que le chancelier de la République fédérale d’Allemagne était un junkie. En fait, ce fumeur impénitent essayait, sur les conseils de son cardiologue, de substituer le tabac à priser à la cigarette. En vain. Jamais il n’a pu se séparer de ses cigarettes mentholées, qu’il consommait à la chaîne, quitte à braver l’interdiction de fumer dans les lieux publics. C’est d’ailleurs en partageant une première cigarette qu’il fit, au collège, en 1932, la connaissance d’Hannelore « Loki » Glaser, avec qui il restera marié pendant près de sept décennies, jusqu’à la mort de celle-ci en octobre 2010.
De la dépendance au tabac, il avait fait un genre littéraire. Pendant plusieurs années, pour l’hebdomadaire Die Zeit, dont il était devenu un des éditeurs après avoir quitté le pouvoir, il répondit aux questions du rédacteur en chef Giovanni di Lorenzo, de quarante ans son cadet, « le temps d’une cigarette ». « De merveilleux petits entretiens, frivoles, subversifs, très divertissants et souvent d’une grande pertinence politique et historique », a jugé la Süddeutsche Zeitung, lors de la parution du recueil de ces dialogues, un livre arrivé immédiatement en tête des ventes.
source:lemonde.fr