Deuxième SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ANNEE 2024-2025
Rapport Fait au nom de la Commission des Finances et du Contrôle budgétaire
Sur le projet de loi n° 16/2025 portant code des investissements
Par
Mady Danfakha
Rapporteur général
Monsieur le Président,
Messieurs les ministres,
Chers collègues,
La Commission des Finances et du Contrôle budgétaire s’est réunie le mercredi 17 septembre 2025, sous la direction de Monsieur Chérif Ahmed DICKO, Président de ladite Commission, à l’effet d’examiner le projet de loi n° 16/2025 portant Code des investissements.
Le Gouvernement était représenté par Monsieur Cheikh DIBA, ministre des Finances et du Budget, assisté par ses principaux collaborateurs.
Ouvrant la séance, le Président a, au nom de la Commission, souhaité la bienvenue au ministre ainsi qu’à ses collaborateurs. Il a, par la suite, invité le ministre à présenter les motifs qui sous-tendent le présent projet de loi.
Abordant le projet de loi, le ministre a d’abord indiqué que l'investissement privé est un facteur essentiel dans la dynamique de développement économique et social d'un pays. Il est donc important que les investisseurs privés aient non seulement une bonne visibilité, mais également s'assurent de la mise en place d'un dispositif de réduction des risques réels ou potentiels auxquels ils peuvent ou pourraient faire face, a-t-il ajouté.
Selon lui, ces préoccupations majeures appellent des réformes profondes permettant de soutenir et d'accompagner les efforts de croissance de l'économie nationale, dans un environnement légal et réglementaire stable.
Le ministre a fait noter que la promotion des investissements a longtemps été une priorité de l’État, comme en témoignent les nombreux dispositifs incitatifs adoptés. Il a ainsi rappelé que la dernière réforme introduite par la loi n° 2004-06 avait permis, entre autres, de pallier certaines insuffisances et contraintes liées à l'investissement, notamment celles relatives aux conditions d'éligibilité et au champ d'application de la loi. Cette loi avait également permis d'adapter le mécanisme d'incitation à l'investissement aux réalités d'alors de l'économie sénégalaise et mondiale, a-t-il ajouté.
Selon le ministre, la loi de 2004 avait surtout procédé à la résorption de la multiplicité des régimes et amélioré l'attractivité du Sénégal en termes d'incitations offertes aux investisseurs.
Cependant, après plus de vingt (20) ans d'application du Code des Investissements de 2004, il a paru opportun de tenir compte des transformations majeures de l'environnement de l'investissement privé, des évolutions notées dans les politiques publiques nationales, des normes communautaires ou internationales et des exigences liées aux mutations de l'économie mondiale, à la survenance de nouveaux défis et à l'émergence de nouvelles opportunités, a-t-il relevé.
Sous ce rapport, la mise en œuvre de l'Agenda national de Transformation, référentiel national unique des politiques publiques, implique la mise en place d'un nouveau cadre incitatif pour l'investissement privé, condition indispensable pour la construction d'une véritable économie de développement.
À ce titre, la Stratégie nationale de Développement accorde à l'investissement privé un rôle central dans l'atteinte des objectifs de croissance durable, de création d'emplois et de renforcement de la souveraineté économique.
Aussi, la réforme du Code des investissements offre-t-elle l'opportunité de prendre en charge les préoccupations susceptibles de nuire à l'environnement des affaires. Parmi celles-ci, on peut relever, entre autres :
- le déficit de suivi de la réalisation des investissements agréés ;
- les difficultés de mise en œuvre d'un dispositif incitatif performant ;
- la complexité et la lourdeur des procédures administratives ;
- les contraintes liées à l'accès au foncier ;
- la non-prise en charge de la spécificité de certains investissements particuliers.
Ainsi, le présent projet de loi introduit un cadre des investissements reconfiguré en instrument moderne et adapté aux enjeux économiques actuels et futurs, en alignement avec la Vision Sénégal 2050.
A cet effet, le projet de loi portant Code des Investissements apporte les innovations majeures suivantes :
- l'élargissement des secteurs d'activités éligibles au Code ;
- la digitalisation des procédures liées à l'octroi des avantages prévus par le présent Code ;
- la redéfinition du régime de protection des investisseurs et des investissements, pour le rendre plus clair et efficace ;
- l'intégration des services de facilitation de l'accès au foncier pour les investisseurs potentiels ;
- la promotion de la réalisation d'investissements dans les zones de l'intérieur du pays conformément à la politique de territorialisation de l'investissement ;
- le renforcement des incitations non fiscales et l'accès à des facilités pour les investisseurs enregistrés auprès de l'organe en charge de la promotion des investissements ;
- le renforcement du rôle de l'organe en charge de la promotion des investissements dans la facilitation des procédures, la gestion des griefs et la prévention des conflits entre les investisseurs et les administrations publiques ;
- la révision des seuils d'éligibilité pour le régime fiscal de droit commun, afin de permettre d'inclure dans le champ d'application du Code la petite, voire la très petite entreprise ;
- la mise en place de régimes fiscaux et douaniers dérogatoires, pouvant être complétés par des régimes incitatifs particuliers pour les investissements répondant à certains critères ;
- la promotion du contenu local, de l'investissement responsable et du développement durable.
Suivant le ministre, le présent projet de loi tient compte des objectifs stratégiques de politique nationale suivants :
- le développement du secteur privé national ;
- la promotion de l'investissement privé dans les secteurs prioritaires ;
- la promotion des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises ;
- la création d'entreprises nouvelles et le développement des entreprises existantes ;
- la création d'emplois et la réduction des disparités territoriales en matière d'investissement ;
- l'attraction des investissements directs étrangers durables ;
- le transfert de technologies et de compétences.
Intervenant à leur tour, vos commissaires ont souhaité la bienvenue au ministre ainsi qu’à ses collaborateurs. Ils ont adressé des félicitations chaleureuses au ministre pour sa reconduction à la tête de ce département hautement stratégique, avant de faire part de leurs préoccupations et suggestions qui, pour l’essentiel, se résument aux points ci-dessous.
Certains de vos commissaires ont salué ce présent projet de loi qui s’inscrit dans le cadre de la réforme globale du dispositif d’incitation à l’investissement privé devant accompagner l’Agenda national de Transformation « Sénégal 2050 ». D’autres ont, en revanche, déploré l’examen de ce projet de loi en procédure d’urgence, les privant ainsi d’un précieux temps en vue de l’étude analytique de ce texte de grande portée et d’extrême importance.
Par ailleurs, considérant que nombre d’entreprises ne respectent pas le cahier des charges dûment signé avec l’autorité contractante, des commissaires ont demandé au ministre si la Responsabilité sociétale d’Entreprise (RSE) incombe à toutes les entreprises. Aussi, ont-ils souhaité être édifiés sur l’existence d’un dispositif spécifique de contrainte, notamment en cas de non-satisfaction à cette obligation. De même, ils ont suggéré un contrôle plus rigoureux sur les investisseurs afin de rendre effectif le contenu local.
Certains commissaires ont, dans la même optique, interpellé le ministre sur l’absence de suivi par rapport au respect de certains engagements par l’investisseur, surtout en ce qui concerne l’impact environnemental du projet d’investissement. Ils ont, en outre demandé, si le retrait de l’agrément peut être effectué sans difficulté en cas de non-respect par l’investisseur du cahier de charges.
Sur un autre registre, des commissaires ont estimé que ce nouveau Code des investissements confère trop de pouvoirs à l’investisseur. À ce niveau, l’attention du ministre a été attirée sur l’exploitation, dont sont victimes nombreux Sénégalais dans les entreprises, notamment celles étrangères.
Ils ont dès lors exprimé leur inquiétude quant à l’accentuation de la violation des droits de ces employés sur le fondement de l’article 9 de ce présent de projet de loi tout en interpellant le ministre sur l’existence d’un dispositif de contrôle spécifique y afférent.
Dans le même sillage, certains commissaires ont magnifié l’article 18 de ce projet de loi relatif à l’éthique des affaires et aux normes de travail. Toutefois, ils se sont interrogés sur les capacités de l’État à contrôler l’origine licite des fonds d’investissements, surtout dans un contexte de raréfaction des ressources.
De plus, il a été suggéré au ministre la réécriture de l’article 6 du Code des investissements dans le sens d’impulser une dynamique intégrée voire coopérative à travers l’implication des nationaux dans les projets détenus par les étrangers. Aussi, ont-ils proposé que les projets d’investissements puissent durer cinq (5) ans à Thiès au même titre que dans les autres régions tout en estimant que le rabaissement de l’éligibilité à 15 millions de FCA pour induire le foisonnement des Petites et Moyennes Entreprises.
Dans le même ordre d’idées, des commissaires ont considéré que l’entrée en vigueur de ce projet de loi va induire un changement notoire relativement au Règlement intérieur de certaines entités comme le FONSIS.
Par ailleurs, certains commissaires ont considéré que les activités professionnelles libérales et réglementées sont exclues du champ d’application de ce présent projet de loi, à l’exception du secteur de la santé.
Sur ce, il a été demandé au ministre les raisons d’une telle option. De même, ils ont souhaité plus d’éclairages sur les critères spécifiques concernant la mise en place de régimes fiscaux et domaniaux dérogatoires.
Enfin, des commissaires se sont également préoccupés de l’absence de système de suivi-évaluation coordonné susceptible d’avoir un impact significatif sur la mise en œuvre des projets et programmes voire des politiques publiques. À ce titre, ils ont souhaité savoir si une étude évaluative a été faite afin de mesurer les pertes en termes de recettes fiscales et douanières dues à la mise en application de ce nouveau Code des investissements.
Reprenant la parole, le ministre a d’abord remercié vos commissaires pour les prières et vœux formulés à son endroit tout en se réjouissant de l’intérêt singulier que la Représentation nationale a attaché à l’examen de ce projet de loi.
Concernant le Code des investissements, il fera noter qu’il s’agit d’un texte important qui participe à l’attractivité de notre économie. Il vient corriger les manquements de l’ancien Code de 2004 pour améliorer l’environnement des affaires au Sénégal.
Sur les critères pour bénéficier de ce Code, le ministre indiquera qu’il faut un investissement supérieur ou égal à 15.000.000.000 FCFA. Derrière ce Code, il y a une politique de formalisation du secteur avec un certain nombre d’avantages comme la suspension de la TVA, l’exonération des droits de douane, etc.
Sur le coût budgétaire de la mise en œuvre de ce Code, le ministre a précisé qu’il n’y avait pas d’analyse ex ante. Toutefois une évaluation ex post existe à travers le rapport sur les dépenses fiscales qui est un document qui accompagne le projet de loi de finances.
À la suite des réponses apportées par le ministre, vos commissaires ont adopté à la majorité le projet de loi n° 16/2025 portant Code des investissements. Ils vous demandent d’en faire autant, s’il ne soulève de votre part, aucune objection majeure.