Quelques mesures pour permettre au monde rural d’accéder aux microcrédits par les garanties foncières

Tenant en compte la particularité de la cible en microfinance, certaines réformes peuvent être envisagées. Ces réformes pourraient avoir comme objectifs de faciliter l’accès à la terre, permettre une proximité administrative, donner plus de sécurité à la propriété foncière, en permettre l’échange, la circulation et la cessibilité.



De manière générale, les orientations entreprises par la Commission chargée de la réforme du droit de la terre affichent certaines ambitions.
Ce projet de réforme foncière, pour l’essentiel, est une mis à jour du décret de 1932 permettant la suppression des anachronismes qu’il contenait et la réaffirmation de la nécessité de sécuriser les transactions foncières.
La réforme domaniale préconisée en milieu rural passerait par la division de la zone de terroir en deux :
1. zones d’habitat et d’activités rurales réservées
2. zones d’activités économiques à investissements intensifs

Cette solution reconnait toujours au CR ses prérogatives en matière d’affectation et de désaffectation pour celles-là, tandis celles-ci intégreront le domaine privé de l’Etat.
Les options ainsi affichées sont celles d’une privatisation au nom des particuliers, des communautés rurales et de l’Etat.
Par des moyens subtils, l’Etat réaffirme sa volonté de rester au centre de l’administration et de la gestion foncière et domaniale, surtout lorsqu’il touche aux formes et procédures jusque là confiées à l’administration décentralisée.

Sur le fond, le monde rural n’a pas été bien servi. Certaines pistes nous semblent être ignorées, surtout celle qui consiste à permettre à cette cible de la microfinance de se servir de leurs terres pour accéder au crédit.
Nous pensons que les diverses législations applicables à la matière peuvent être réunies sous une législation unique. Cette législation, synthèse en Afrique francophone de textes, de la doctrine, de la jurisprudence, des volontés des politiques publiques ainsi que des meilleures pratiques, prendra en compte un ensemble déterminé d’objectifs spécifiques.

Premièrement, concernant le domaine national et en appui à la décentralisation, il faudra permettre l’immatriculation automatique des terres en zone rurale au nom de la collectivité concernée, et celle des zones urbaines à forte densité humaine (plus d’un million d’habitants par exemple) au nom de l’Etat.

Deuxièmement, il faudra rendre tous les droits fonciers fonctionnels et opérationnels en créant de nouveaux titres, susceptibles d’entrer dans le commerce. Ainsi, au Madagascar, en Cote d’ivoire et au Bénin, on a remarqué une réelle volonté des autorités publiques à trouver des solutions.
En effet, ils ont reconnu que le certificat foncier, acte de l’administration qui atteste qu'une personne est détentrice de droits coutumiers sur une parcelle rurale, individuelle ou collective, est un titre de propriété, qui peut servir de document de base d’hypothèque, de garantie ou de toute autre transaction.
Entre autres mesures, il faudra arriver à formaliser tous les droits existants, faciliter la transformation des droits et titres de propriété en termes de coût et de procédure et définir leurs contenus et limites.
Ces réformes devraient reconnaître les droits fonciers coutumiers. Elles devraient être fondées sur des enquêtes sérieuses donnant lieu à la délivrance d’attestations et de reconnaissances de droits pour en permettre tous autres usages.

Troisièmement, les réformes foncières doivent compter parmi leurs mesures d’accompagnement la nécessaire mise en place d’un système d’informations foncières fiable.
Ce SIF est un des meilleurs instruments de sécurisation des transactions foncières. Il doit régir les rapports entre les services du notaire, ceux de la conservation foncière et les Systèmes
Financiers Décentralisés. Tout en dématérialisant certains actes authentiques, ce SIF pourra constituer une source d’information disponible et consultable.
Les efforts de l’Etat du Sénégal, appuyé par les partenaires au développement, sont louables sur ce domaine. Un premier pas a été en effet franchi notamment à travers le Projet de
Modernisation des Domaines et du Cadastre (PAMOCA).
Un second pas est constitué des plans d’occupation et d’aménagement des sols (POAS). Le
Conseil Rural peut délibérer sur ces POAS et solliciter l’appui de la SAED pour sa réalisation.

Quatrièmement, l’institution d’un cadastre dans toutes les collectivités locales serait également une réponse aux diverses propositions tendant à la création d’un cadastre rural.
Ainsi, non seulement la fiabilité de l’information foncière serait préservée, mais également cette décentralisation du mode de gestion des terroirs permettra d’assurer l'implication démocratique des populations dans les processus de décision.

Cinquièmement, les fonctions jusque là confiées exclusivement aux notaires doivent pouvoir être étendues à d’autres personnes pour les transactions d’un certain montant ou d’une certaine durée. Les représentants de l’Etat dans certaines collectivités locales, les greffiersnotaires (le greffier notaire est nommé par arrêté du ministre chargé de la Justice, sur proposition du procureur général conformément au décret n° 79-1029 du 5 novembre 1979 fixant le statut des notaires, en son titre II du remplacement des notaires) et les clercs suite à la création de succursales par le notaire territorialement compétent, pourront logiquement exercer de telles fonctions au profit des SFD et des clients et permettre de sécuriser les transactions foncières.

Sixièmement, insérer, respecter et faire respecter les principes et mesures de bonne gouvernance concernant la gestion et l’administration des terres.
Doter l’administration foncière de ressources nécessaires pour remplir efficacement sa mission en matière foncière. Entre autres, il s’agira non seulement de lui doter de moyens techniques modernes et d’un personnel bien formé et responsable mais également de le rapprocher des administrés en créant des cadastres ruraux.

Septièmement, résoudre la problématique de l’accès de la femme à la terre : c’est la dimension genre. Résoudre la problématique de l’accès réel à la terre pour la femme sénégalaise amènera à régler les écueils ci-après :
- le contrôle de l’effectivité de la dimension genre lors des attributions,
- les infrastructures de bases pour favoriser l’exploitation de la terre,
- l’étendue des droits sur la terre attribuée pour demander le crédit au niveau des SFD,
- permettre l’écoulement et la distribution des produits agro-sylvo-pastoraux à travers les politiques publiques.
En l’état actuel de la pratique foncière et de la réglementation les seuls obstacles à l’utilisation des garanties foncières ont pour noms :
- les coûts engendrés pour l’emprunteur lors des démarches pour détenir les documents de propriété et / ou de jouissance (les centres de services fiscaux sont dans les chefs lieux de régions en l’absence de cadastre rural, ce qui engendre des coûts de transport et les autres coûts connexes),
- l’obligation de respecter les rigueurs de la réglementation pour un emprunteur rural et en général analphabète,
- l’obligation pour les systèmes financiers décentralisés de respecter ce formalisme aussi bien pour la constitution que pour la réalisation de telles garanties.




Du même auteur : « Mécanismes de garantie du crédit utilisant le foncier : cas du
Sénégal »




NDIAYE DJIBY, CONSULTANT ,ndiaye.djiby@gmail.com

Mardi 15 Février 2011 12:16


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