Rapport sur la Pauvreté: Le Quotidien conteste l'Ansd... en ignorant sa note sur les indicateurs à ne pas comparer



L'Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages au Sénégal (Ehcvm), de l'Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) a été contestée par le journal Le Quotidien, dans son édition de ce mardi 21 septembre 2021.

Entre 2011 et 2019, le nombre de pauvres a augmenté de 200 mille individus au Sénégal, si l'on en croit à l'Ansd. Selon le journal, mettant à contribution la deuxième Enquête de suivi de la pauvreté au Sénégal (Esps II) produite par elle en 2011, cette institution a affirmé dans son Ehcvm que  «comparativement à l’Esps-II, les résultats de l’enquête Ehcvm indiquent qu’au niveau national, le taux de pauvreté a baissé de 5 points de pourcentage entre 2011 et 2018/2019 pour se situer à 37,8%».

Le document précise de manière comparative, selon nos confrères, que « le taux de pauvreté monétaire est estimé à 37,8% en 2018/2019, soit une baisse du niveau de pauvreté de cinq points par rapport à 2011 (42,8%) à l’issue des travaux de raccordement. Malgré cette baisse du taux de pauvreté, le nombre de pauvres a augmenté au Sénégal (5 832 008 en 2011 contre 6 032 379 en 2018) ».

Le journal relève une dichotomie entre l'Esps II et le document de 2011
Une consultation de l’Esps II, sur le site internet de l’Ansd, a permis au journal de se rendre compte que les données présentées par l’Ehcvm comme étant tirées de l’Esps II ne sont pas conformes à celles qui sont dans ledit document.
A la page 15 du document de 2011, il est indiqué ceci  : «L’incidence de la pauvreté monétaire est estimée à 46,7% en 2011. Les estimations montrent des disparités de niveaux de pauvreté selon le milieu de résidence. En effet, la pauvreté est plus élevée en zone rurale avec une proportion de 57,1% contre 41,2% dans les autres zones urbaines et 26,1% à Dakar. L’Esps-II a estimé la pauvreté subjective en demandant aux ménages de se prononcer sur leur propre appréciation par rapport à leurs conditions de vie. Les résultats montrent que 48,6% des ménages s’estiment pauvres. Les taux de pauvreté subjective et monétaire ne s’écartent pas trop et sont dans les mêmes intervalles de confiance car le taux de pauvreté monétaire est estimé à 46,7% », rapporte le journal Le Quotidien.

Nos confrères en déduisent que si l’on tient compte de ces chiffres de l’Esps II, ce n’est pas 5% de recul que la pauvreté aura connu au Sénégal, mais plutôt environ 10% ! Le journal se demande si les rédacteurs de l’Enquête harmonisée ont consulté les documents de 2011  ? Ou alors, ceux-ci avaient été corrigés, mais n’avaient pas été portés à la connaissance du public ?

Mieux, en scrutant les dépenses des ménages et des individus de l'Esps, nos confrères constatent : «En moyenne, un individu du quintile le plus riche a dépensé 367 542 F Cfa au cours de cette année, alors que dans la même période, celui du quintile le plus pauvre n’a pu dépenser que 157 756 F Cfa, soit un ratio de près d’un tiers au détriment des plus pauvres.»

Ils ajoutent que les mêmes données, dans l’Ehcvm, analysant les chiffres de 2011, disent ceci : Le premier décile (le plus pauvre) aura dépensé en une année 121 334 F Cfa, et le dernier décile, 1 258 092 F Cfa. 

Les précisions de l'Ansd sur la comparaison avec les Esps (2005 et 2011)
 

Dans un document de trois pages  publié par la Direction des statistiques démographiques et sociales, l'Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) souligne pourtant que les indicateurs de pauvreté de l'Ehcvm ne peuvent pas être comparés à ceux de l'Esps de 2005 et 2011. 

« Il est aussi important de relever que compte tenu des différences d’ordre méthodologique entre l’enquête harmonisée et les enquêtes de pauvreté qui ont été menées par le passé, les indicateurs de pauvreté de l’EHCVM ne sont pas comparables avec ceux issus des anciennes enquêtes comme l’ESPS (2005 et 2011). L’ANSD, en collaboration avec la Banque mondiale et l’UEMOA, est en train de travailler sur certaines techniques de raccordement afin de disposer d’une nouvelle série de données comparable sur la pauvreté », a tenu à préciser cette agence très réputée et affiliée au ministère de l’Economie et des Finances.

L'Ansd informe dans le même document que l’Enquête Harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages (EHCVM) vise à produire des indicateurs pour le suivi de la pauvreté et des conditions de vie des ménages mais aussi de fournir les données pour l’évaluation des politiques publiques.

« Elle s’est déroulée simultanément dans les huit Etats membres de l’UEMOA, sur la période de septembre à décembre 2018 pour la première vague et d’avril à juillet 2019 pour la seconde. Chaque vague a porté sur la moitié de l’échantillon global de 7156 ménages. L’approche des deux vagues se justifie par la nécessité de prendre en compte la saisonnalité de la consommation des ménages », souligne le document co-signé l'Ansd, l'Uemoa et la Banque mondiale.

L’EHCVM est, en outre, marquée par des outils de collecte, notamment des questionnaires, et une méthodologie d’enquête
harmonisés ; un échantillon représentatif au niveau national permettant d’assurer la significativité des indicateurs désagrégés jusqu’au niveau régional et par milieu de résidence (urbain et rural) ; l’utilisation de la technologie de la collecte des données assistée par ordinateur ; le traitement des données sur la base de méthodologies communes à travers un processus inclusif regroupant les experts de tous les instituts nationaux de la statistique (INS) des Etats membres de l’UEMOA et ceux de la Banque mondiale.

Ledit document soulignent que les indicateurs de la pauvreté obtenus sont calculés suivant deux approches différentes.
« La première approche est basée sur l’élaboration d’un seuil de pauvreté national afin de permettre l’évaluation des politiques publiques du pays. Avec cette approche l’incidence de la pauvreté individuelle au Sénégal est de 37,8% ;
la deuxième approche utilise le seuil international de pauvreté monétaire modérée qui est de 3,2 dollars par personne et par jour en Parité du Pouvoir d’Achat (PPA) de 2011. Avec cette approche, l’incidence de la pauvreté au Sénégal est de 32,6 %
», note le document de la Direction des statistiques démographiques et sociales de l'Ansd.
 

AYOBA FAYE

Mardi 21 Septembre 2021 11:31


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