Royaume-Uni: fin de la «relation spéciale» avec Washington et retour dans l’UE en 2026?

Mardi 30 décembre, cela fait cinq ans jour pour jour que le Royaume-Uni a signé avec l'Union européenne l'accord de coopération commerciale scellant le Brexit. Le 23 juin 2026 marquera les dix ans du vote des Britanniques pour quitter l'Union européenne. Et pourtant, cette année, la Grande-Bretagne de Keir Starmer pourrait se rapprocher davantage des Européens, alors que sa « relation spéciale » avec l'Amérique de Trump vacille sérieusement.



La fin d’une époque pour la relation anglo-américaine, parmi les plus étroites au monde. Si on la dit « spéciale », c'est parce qu'elle est considérée depuis le discours du Premier ministre britannique Winston Churchill sur le « rideau de fer » en 1946, comme le pilier de l'ordre libéral dirigé par l'Occident. Londres et Washington avaient signé en 1941 la Charte de l'Atlantique, matrice à la fois de l'Otan et de l'ONU. Mais 80 ans après, cette relation n'est plus si spéciale. Donald Trump ne se présente plus en leader du monde libre et il met le Royaume-Uni à la fois dans l'embarras et dans l'angoisse de perdre l'allié par excellence.
 
Le 12 novembre dernier, pour la première fois, les Britanniques ont suspendu partiellement le sacro-saint partage de renseignements avec les Américains pour ne pas se rendre complices de leurs frappes meurtrières contre les navires vénézuéliens dans les Caraïbes, sans fondement en droit international. Washington, de son côté, a suspendu son partenariat technologique avec Londres le 15 décembre. Raison invoquée : les accords commerciaux conclus en mai pour exempter les Britanniques des surtaxes douanières de Donald Trump ne progressent pas assez vite au goût des Américains. Il leur faut un meilleur accès pour leurs exportations agricoles au marché britannique, et surtout la levée des régulations anglaises sur Internet et sur la sécurité sanitaire des denrées alimentaires.
 
De fait, la symbiose anglo-américaine sur les valeurs démocratiques et sur un ordre du monde régulé n’existe plus. C'est un séisme géostratégique, selon d'anciens diplomates anglais.
 
Proche de Bruxelles, Keir Starmer sur la corde raide
Tout cela pousse le Premier ministre Keir Starmer à se rapprocher de l'Union européenne. L'actuelle géopolitique mondiale lui laisse peu de choix. La nouvelle doctrine stratégique de Donald Trump fait penser à la conférence de Yalta en 1943 : le partage du monde entre grandes puissances selon leur zone d'influence - aujourd'hui, les États-Unis, la Russie et la Chine. Où est la place du Royaume-Uni dans tout ça ? À Londres, il devient urgent de se rapprocher de Bruxelles face à la menace de Poutine et l'instabilité de Trump : moins dépendre des garanties de sécurité américaines et miser plus sur les dépenses militaires européennes.
 
En 2025, Keir Starmer a donc signé un nouvel accord de défense avec l'Allemagne, renouvelé son traité avec la France et conclu un partenariat de sécurité avec l'Union européenne, qui doit s'intensifier d'ici le sommet UE-Royaume-Uni en mai prochain. Une dynamique à nuancer : Londres n'est pour l'instant pas tout à fait d'accord avec Bruxelles sur sa contribution aux fonds européens pour stimuler les dépenses de défense. Ajoutez à cela le défi de l'extrême droite de Reform UK aux élections locales britanniques du 7 mai, qui pourrait affaiblir l'autorité d'un Starmer déjà très impopulaire et compliquer les projets communs avec les Européens.
 
Une réintégration « à la carte » ?
Dans ce contexte, le retour au statut de membre de l’Union européenne n’est pas à l’ordre du jour. Même si la majorité des Britanniques pensent aujourd'hui que le Brexit a été une erreur, il est hors de question de rouvrir un débat aussi douloureux. De toute façon, il ne serait pas facile de réintégrer l'UE. La Grande-Bretagne devrait déposer une nouvelle demande d'adhésion et négocier ses conditions, sur fond d'opposition ferme de l'extrême droite et des Conservateurs. D'autant que les Britanniques ne retrouveraient pas leur rabais budgétaire spécial et pourraient être obligés d'adopter l'euro.
 
Sans compter que l'Union européenne n'est plus la même qu'il y a dix ans : une politique étrangère et de sécurité plus active, un recours plus fréquent au vote à la majorité et un budget plus important avec des emprunts considérables. Mais, d'un autre côté, l'UE est plus ouverte à des adhésions à la carte, partielles, comme pour la Suisse. Ce qui pourrait mieux convenir au Royaume-Uni qu'un Brexit dur, le choix de Londres depuis 10 ans.

RFI

Mardi 30 Décembre 2025 10:42


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