Sénégal, Rufisque, sa pollution et ses fantômes

Sur la plage qui mène à Rufisque, des chats se disputent les poissons abandonnés par les pêcheurs, notamment les sardines qui ont beaucoup moins de valeur que les mérous. Elles n’ont pas beaucoup de succès auprès des Sénégalais : ils préfèrent et de très loin le thiof (le mérou en wolof). Sans lequel il n’est pas de bon Thiéboudjène, le riz au poisson, le plat national.



Nous approchons du « cap des biches ». Il porte bien mal son nom ; le paysage n’a plus rien de bucolique. Au loin, nous apercevons la cheminée d’une usine bordant la plage. A mesure que nous approchons l’odeur âcre imprègne nos vêtements.

A proximité de l’usine, une rivière artificielle s’est formée. Elle rejette des eaux noires, des hydrocarbures dans l’océan. La veille, j’ai rencontré Haïdar el ali, un célèbre écologiste sénégalais. Un confrère journaliste lui a demandé ce qu’il pensait des déclarations du Président Abdoulaye Wade qui vient d’accuser “les bateaux étrangers de dégazer dans les eaux sénégalaises”. Et d’être à l’origine de graves pollutions.

Haïdar el ali a répondu que les industriels locaux sont également de grands pollueurs. Ils ont aussi une lourde responsabilité a -t-il affirmé. « ils rejettent beaucoup d‘hydrocarbures dans l’océan” a-t-il expliqué.

Les abords de l’usine devant laquelle nous passons sont jonchés d’ordures diverses et variées. L’odeur est atroce. Malgré le vent du large. Nous nous en éloignons le plus vite possible.

Déjà nous entrons dans la ville. Un canal ”peuplé” de pirogues mène au centre de la ville. D’autres canaux ont été transformés en décharge publique. En plein coeur de la ville.

Rufisque semble ancrée dans le passé. Les bâtiments coloniaux sont toujours omniprésents. Des maisons à tuiles ocres. Des balcons en bois et en fer forgé. Des volets de bois.

Dans les rues, je croise autant de calèches que de voitures. Beaucoup d’enfants reviennent de l’école en calèche à cheval. Cela coûte moins cher que de monter dans un taxi classique. Il est vrai que les chevaux sont souvent étiques. Ils ne doivent pas coûter très cher en nourriture.

Cette ville, un peu “fanée”, a beaucoup de charme. Des faux airs de Saint-Louis, la grande ville du Nord, l’ex capitale du Sénégal et de l’Afrique occidentale à l’époque coloniale.

Rufisque ? Une belle languide, rafraîchie par les vents venus de l’Océan. Une ville fantôme. D’ailleurs, certains Dakarois n’aiment pas s’attarder la nuit à Rufisque. Même si l’ambiance n’est guère différente de celle de Dakar.

Même embouteillage monstre. Même pollution qui rend la respiration très difficile. L’essence est souvent mal raffinée. Et surtout les véhicules sont le plus fréquemment en très mauvais. Il n’est pas rare de voir rouler des 2CV à bout de souffle ou des 4L exténuées. Une fumée noire et acre s’échappe de pots d’échappement à l’agonie.

« Méfie-toi. Dès la nuit tombée, les esprits sont très présents. C’est une ville où les forces mystiques sont très puissantes » m’avait prévenu un Dakarois. Un conseil à ne pas négliger. Même si je me sens surtout menacé par la pollution. Alors je retourne passer la nuit à Dakar.

dakarparis.blog.lemonde.fr/

Mardi 15 Décembre 2009 10:21


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