Sénégal - hommage - décès de Karine Wade: la douce fée de Karim Wade

… Les jours de repos, tu as l’habitude d’inviter tes parents et amis à partager ton petit-déjeuner au Point E. Malgré la présence de ton personnel de maison, tu prends toujours du plaisir à servir et à desservir. Ce dimanche-là ne fut pas comme les autres, je m’en souviens encore. Tu avais le regard absent, la mine défaite et la voix enrouée. Tu as attendu que je finisse mon café avant de m’annoncer que « Karine était malade. L’issue ne semblait pas heureuse », prophétisais-tu. J’ai compris à demi-mot. Durant trois années, jusqu’à ce que le Grand Célibataire des Mondes ne la rappelle auprès de Lui, un vendredi saint, notre secret fut jalousement bien gardé.



Pendant ces trois années folles et difficiles, nous avons passé des nuits blanches, des journées interminables, des voyages épuisants, des réunions multiples, des visites de chantier continues, avec à la clé un sommet de l’O.C.I éclatant, gratifiant mais épuisant. Jamais je n’ai vu, perçu ou entraperçu en toi une pointe de fatigue, de mélancolie ou de désespoir. Juste une toux rebelle, les jours pairs, ou un rhume, les jours impairs. Chief tu es d’une puissance intérieure considérable. Un vrai roc !

Lorsqu’on te croyait à Dubaï, tu étais à Paris. Lorsqu’on te croyait à Paris, tu étais à Dakar. Pour soulager la gravité de ce que je savais, je disais inlassablement aux curieux : « à ce rythme, il va finir par se croiser lui-même dans un aéroport ». Se plaignaient-ils de tes multiples allers-retours entre Paris et Dakar, que je souriais. T’attendaient-ils furieusement pour cette campagne électorale, que je soupirais. Te descendaient-ils en flammes, parce que tu aurais « fui » le Sénégal après ta défaite électorale, que je pardonnais pour… Karine.

Karine était la fée douce et filiforme de Karim. Elle était une biche noble à la voix chuchotante, au sourire radieux et à la simplicité bouleversante. Sa présence était éblouissante pour une « tête froide au sang chaud » comme toi. Toujours en blue jeans et baskets, lorsqu’elle passait dans ton bureau, c’était uniquement pour la déco. Ce qui me frappera toujours dans votre couple, c’est le respect indépassable que tu as pour elle, presque voisin de l’amour maternel. Quand tu l’apercevais, à peine si tu n’allais pas la vouvoyer. Tu te levais amoureusement pour lui faire la bise, tes yeux d’aigle brillaient, ton sourire devenait large. Lorsqu’à table, tu faisais une faute de goût, tu disais automatiquement à tes amis : « heureusement que Karine n’est pas là ». Karine, ce point fixe, est toujours là. Mais elle ne reviendra plus. Perdre un être cher : Y a-t-il douleur plus grande ? L’orphelin de père et de mère que je suis, est à même de mesurer la profondeur de ta blessure et celle de tes enfants.

En postant ces lignes, j’ai repensé à André Malraux. Eternel ministre de la Culture du Général de Gaulle, ce génie littéraire hors norme, a vu son grand-père se suicider. La femme qu’il aime, puis ses deux fils sont morts par accident. Il a détesté son enfance et sa vie familiale tragique. Il est parti avec la nostalgie de ceux qui rêvent d’un Président comme de Gaulle, « capable de porter le cadavre de la France en faisant croire qu’elle est vivante ». Tu as donné à Karine, avec pudeur sociale et dignité familiale, la plus grande marque d’amour qu’un homme puisse réserver à sa femme et à la mère de ses enfants. Ta douce moitié a commencé sa vie comme elle l’a terminée : en toute discrétion. A 38 ans, elle te laisse trois adorables fifilles aussi espiègles qu’irrésistibles. Dors en paix bonne fée ! Que la terre te soit légère ! Amen.

Cheikh Diallo, conseiller en communication de Karim Wade, président de l'Anoci

Cheikh Diallo

Mardi 14 Avril 2009 16:53


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