Sénégal - nouveau gouvernement : Des incongruités dans la dénomination des ministères

Le remaniement tant attendu est intervenu. La composition du gouvernement dirigé par le frère Souleymane N’déné N’diaye est maintenant connue. Je tiens, tout d’abord, à féliciter le nouveau Premier ministre et à lui souhaiter beaucoup de succès. Je me réjouis de cette nomination d’autant plus que Jules est un pur produit du parti démocratique sénégalais (PDS) et du mouvement des étudiants libéraux. C’est de lui que j’avais hérité le poste stratégique de chargé des relations extérieures des étudiants du PDS. Je voudrais, ensuite, partager avec vous mes constats et impressions à chaud, suite à la lecture de la composition du 6ème gouvernement du Sénégal depuis l’alternance.



Le nouveau Premier ministre du Sénégal, Souleymane Ndéné Ndiaye
Symbolisme dans le choix

En choisissant Souleymane, le président Wade a joué la carte de la jeunesse, de la politique, du succès, de la fidélité et de l’engagement.

En formant le gouvernement le 1er mai, journée internationale du travail, le Chef de l’état et le Premier ministre mettent en avant le travail, c'est-à-dire une meilleure gouvernance et une satisfaction des besoins populaires comme principaux axes d’orientation de la nouvelle équipe.

Statu tu quo sur le nombre de femmes et bon dosage géographique

Il y a toujours cinq femmes dans le gouvernement. Mais il ya de quoi fâcher la junte féminine d’autant que, Me Wade, le champion de la promotion de la femme va nommer une vice-présidente. Le dosage géographique a été bien effectué. Toutes les régions du pays sont représentées.

Un gouvernement toujours pléthorique

La nouvelle équipe dépasse la trentaine de membres et notre pays continue toujours de battre le record du monde du nombre de ministres d’États. Beaucoup de sénégalais s’attendaient à ce que Gorgui tienne en compte la crise budgétaire pour dégraisser le gouvernement de manière significative. Mais quoi qu’il en soit, je suis persuadé que ce n’est que partie remise. Gorgui s’attaquera au train de vie de l’État en sabrant dans d’autres secteurs.

Entrée en force de la Génération du concret et diminution drastique des PDS de souche

Le fait marquant du lancement sur orbite de l’équipe de Jules est sans doute l’entrée remarquable du Chef de file de la Génération. Karim Wade, fils du Chef de l’État, devient Ministre d’État et hérite du super portefeuille de la coopération internationale, de l’aménagement du territoire, des transports aériens et des infrastructures. Je me félicite de cette nomination et du courage du Chef de l’État. Karim a maintenant une nouvelle occasion de convaincre les sénégalais et d’aller à la rencontre du destin présidentielle que son papa lui a tracé. En d’autres termes, il doit démontrer que ses aptitudes managériales dépassent le cadre de l’organisation d’un sommet. Il ne sera pas dépaysé, loin de là. Une cohorte de membres ou sympathisants de son mouvement l’accompagne au gouvernement. N’dèye Khady Diop, notamment, hérite d’un super ministère, comme son chef de file. C’est une deuxième chance que le président Wade accorde à Karim, après l’échec des élections locales. Hormis, Jules, les rares PDS de souche en qui Gorgui a fait confiance pour figurer dans le gouvernement sont Bécaye Diop, Oumar Sarr, Habib Sy et Khoureichy Thiam. Un autre fait surprenant, c’est le choix porté encore une fois sur Thierno LO au détriment de Modou Diagne Fada. Tout le monde sait que la représentativité de Fada est sans commune mesure avec celle de Thierno. Les néo-libéraux et les socio-démocrates remportent une nouvelle fois la palme de la représentativité.
Manque de cohérence et de concision dans l’appellation de certains ministères.

J’ai été frappé par le manque de concision et de cohérence dans l’appellation ou le libellé de certains ministères.

Quelques exemples de manque de cohésion :

-La sécurité alimentaire n’est logée ni au ministère de la santé et de la prévention, ni au ministère de l’environnement mais au ministère de la famille. Ce ministère ne possède, à ma connaissance, aucune expertise pour contrôler et déceler notamment les nuisances réelles ou potentielles dans la composition des aliments ou des médicaments.

-La syndicalisation des agriculteurs n’est pas rattachée au ministère du Travail. La cohérence voudrait que la syndicalisation relève du ministère du Travail. Il est étonnant que l’on parle des agriculteurs et non des cultivateurs. Nous savons tous qu’il y a très peu d’agriculteurs mais beaucoup de cultivateurs au Sénégal et que le droit syndical est déjà garanti par la constitution.

Quelques exemples de manque de concision :

-Le ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature, des Bassins de rétention et des lacs artificiels. C’est comme si la protection de la nature, les bassins de rétention et les lacs artificielles ne font pas partie de l’environnement.

-Le ministère de l’Enseignement Supérieur, des Universités et des Centres Universitaires Régionaux. Ce libellé ignore les écoles et instituts d’enseignement supérieur et fait une distinction entre l’enseignement supérieur, les universités et les centres universitaires régionaux. C’est tout simplement ridicule. Il faut changer cela très rapidement.

-Le ministère de l’Énergie et des biocarburants. Les biocarburants ne sont qu’une forme d’énergie. Vous me permettrez de faire une blague en disant que ce ministère aurait pu s’appeler ministère de l’électricité d’autant que le pouvoir peine encore à assurer une fourniture régulière de l’électricité.

C’est la première fois que je vois autant d’incongruités dans un texte officiel.

Ces manquements s’expliquent par le fait que les rédacteurs des appellations des ministères ne sont pas des professionnels de l’administration publique. Ce sont peut être des agents du marketing. Ils ont voulu, peut être, donner à certaines appellations une connotation qui puisse, dans certains cas, ressortir, en filigrane, certains aspects du mandat ou de la mission du ministère. Peut être aussi ont-ils voulu anticiper sur la dénomination des secteurs ou des directions des ministères concernées. En tout état de cause, tout cela est une aberration. En administration publique, chaque ministère a une appellation précise, une mission précise et un mandat précis qui découlent de la stratégie générale de l’exercice de la mission de l’État.

Pour terminer, je recommanderais au président Wade et à son Premier ministre de rompre avec l’archaïsme consistant à remettre une lettre de mission aux ministres. En lieu et place, je suggère qu’ils définissent pour chaque ministère, un mandat, une mission et des résultats attendus en termes de gestion, de prestation de service, d’orientation et d’amélioration, et enfin qu’ils exigent de chaque ministère la production de plans et priorités, d’une architecture des activités de programmes et la présentation sur une base annuelle un rapport ministériel sur le rendement.
En avant jules!

Djibril Sambou
Ottawa, Canada
dsambou@sympatico.ca

Djibril Sambou

Samedi 2 Mai 2009 12:45


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