Six mois de présidence de Donald Trump: «Les États-Unis sont devenus un autre pays»

Ce dimanche marque les six mois du retour de Donald Trump à la Maison Blanche. En appliquant son programme à la lettre, le président républicain a bouleversé les États-Unis avec un virage autoritaire facilité par la Cour suprême et un Congrès muselé. Romuald Sciora, chercheur associé et directeur de l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis à l'IRIS, fait le bilan.




RFI : Vous qui vivez aux États-Unis, en quoi jugez-vous que le pays a changé depuis le retour de Donald Trump au pouvoir ?

Romuald Sciora : Avant le retour de Donald Trump, je disais que les États-Unis allaient, en deux ans, ressembler davantage à la Hongrie de Victor Orban qu'à l'Amérique d'Obama ou de Kennedy. Mais je me suis trompé : il n’aura pas fallu deux ans, quelques mois ont suffi. 

Le bilan est inquiétant, les attaques contre la démocratie sont multiples. L'administration Trump-Vance a grignoté des prérogatives du Congrès au profit de la Maison Blanche, avec l’appui de la majorité républicaine. Le pouvoir judiciaire a été partiellement capté par l’exécutif. Même le ministère de la Justice a perdu son indépendance. Par ailleurs, des agences fédérales ont été fermées, des universités publiques et privées mises au pas, les grands cabinets d’avocat intimidés. Nous n'avions pas vu cela depuis les années 1930. Même Victor Orban n'a pas osé aller aussi loin.

Prenez l’exemple de Columbia University, où est basé l’Observatoire des États-Unis que je dirige. Certains départements sont désormais sous tutelle. Il est interdit d’y enseigner la théorie critique de la race ou la théorie du genre. Les médias publics sont attaqués, des chaînes publiques sont fermées, le ministère de l’Éducation est en voie de suppression. Et puis la Cour suprême s’aligne de plus en plus sur Trump : elle vient de retirer aux juges fédéraux la capacité de bloquer les décisions présidentielles au niveau national. Alors oui, les États-Unis ressemblent de plus en plus à la Hongrie de Viktor Orban. Pire même, car Donald Trump n’a aucun contre-pouvoir international au-dessus de lui. Victoir Orban, lui, a l'Union européenne. 

Donald Trump applique son programme à la lettre. De son point de vue, ces six premiers mois sont plutôt un succès, non ? 

Oui, Trump peut revendiquer des succès — du point de vue de ses électeurs et de son administration. Il a démontré qu’avec une volonté politique, il était possible de réformer rapidement et brutalement. Il a fermé des agences, réduit drastiquement les budgets, licencié des milliers de fonctionnaires, comme promis. Il a lancé une guerre économique à ses partenaires historiques. Catastrophique à moyen terme, mais annoncé. Il a fait passer une réforme budgétaire conforme à ses engagements.

Concernant les grandes questions de société, il avait promis de bannir les personnes transgenres de l’armée : c’est en cours. Il a fait de l’anglais la langue officielle, une erreur à mes yeux, mais là encore promesse tenue. Trump avait aussi promis de soumettre la justice à son autorité : la Cour suprême vient de restreindre les pouvoirs des juges fédéraux. On peut donc dire qu’il a, dans les grandes lignes, appliqué son programme.


Dimanche 20 Juillet 2025 10:27


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