L'épisode récent du voyage “en catimini” du Premier ministre Ousmane Sonko à Abu Dhabi, couplé à son absence remarquée au Conseil des ministres du 22 octobre 2025, est bien plus qu'une simple anecdote politique. Il agit comme le révélateur d'une crise profonde : celle de la méthode et de la communication. Alors que le régime a fait du triptyque “Jub, Jubal, Jubanti” et de la transparence sa marque de fabrique, la réalité du pouvoir donne à voir une opacité qui fragilise la parole publique.
Ce décalage met en lumière une confusion persistante et dangereuse entre deux sphères que tout devrait pourtant séparer : la communication institutionnelle et l'agitation politique. La première faille de la Primature réside dans son incapacité à opérer la distinction fondamentale entre le militantisme et la gouvernance. En effet, la communication institutionnelle est celle de l'État. Elle est normée, impersonnelle et rassurante. Son but n'est pas de séduire, mais d'informer et d'assurer la continuité du service public. Comme le théorise Pierre Zemor, expert reconnu de la communication publique : « La communication institutionnelle est l'art de rendre l'action publique lisible et prévisible. Tout écart au protocole est une brèche ouverte à l'interprétation et à la défiance. »
Dans l'affaire du vol vers Abu Dhabi, le fait que l'information ait été révélée par des canaux non-officiels (via Madiambal Diagne) plutôt que par un communiqué sobre de la Primature constitue une faute technique majeure. L'institution s'est retrouvée à subir le récit médiatique au lieu de le maîtriser.
À l'inverse, la communication politique vise la persuasion, l'émotion et le combat. Le drame survient quand cette logique contamine la sphère étatique.
L'intervention du Président de l'Assemblée nationale, Malick Ndiaye, tentant de justifier le voyage par un lapidaire « Sonko da wouti koppar » (Sonko est parti chercher de l'argent), en est l'illustration parfaite. Ce qui se voulait une défense politique s'est transformé en naufrage institutionnel. Cette phrase a renvoyé l'image d'un État aux abois, naviguant à vue, là où les marchés et les partenaires attendent de la stratégie. Thierry Libaert, spécialiste de la communication de crise, nous rappelle pourtant une règle d'or : « Toute tentative de déni ou de justification maladroite ne fait qu'amplifier la crise. »
Face à ce tohu bohu, on est en droit de se demander où sont les communicants du gouvernement. Et pourtant la Primature dispose aujourd'hui d'une véritable armada : un service de communication dédié, le Bureau d’Information et de Communication Gouvernemental (BIC Gouv) sous tutelle, ainsi que Marie Rose Faye, ministre déléguée Porte-parole du gouvernement. Malgré ce dispositif, il règne un flou artistique autour de la communication institutionnelle qui laisse libre court à la rumeur.
Aujourd'hui, le Sénégal s'éloigne des standards. L'opacité règne malgré les moyens, prouvant que la communication est avant tout une question de discipline intellectuelle, pas de logistique. Au-delà de la théorie, ces failles communicationnelles trahissent des tensions bien réelles. Un fait intrigant avait déjà retenu l’attention de PressAfrik : l’absence totale de mention du Premier ministre lors du communiqué du Conseil des ministres du mercredi 22 octobre 2025. Nous nous étions interrogés à l'époque sur cette invisibilité soudaine, soulevant l'hypothèse d'un malaise latent entre le Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, et son Premier ministre.
L'absence d'explication officielle (manquement institutionnel) a laissé le champ libre à la spéculation politique. Dès canaux non officiels avaient déclaré son absence était pour raison de maladie. Ousmane Sonko étant un humain malgré l'idolâtrie dont il fait l’objet, son service de communication aurait pu anticiper via un communiqué afin de nous éviter toutes conjectures. Ce vide a été comblé par des éléments de langage désordonnés, confirmant ce que l'orthodoxie républicaine aurait dû cacher : une possible dissonance au sommet de l'État.
Le Sénégal a besoin d'une diplomatie économique crédible et d'une gouvernance qui inspire le respect. Cela passe impérativement par une communication qui respecte la stature de l'État. Ousmane Sonko doit désormais opérer sa propre mutation : délaisser les réflexes de l'opposant, habitué aux coups d'éclat et à l'agilité partisane, pour embrasser la lourdeur, mais aussi la grandeur, de la communication institutionnelle. La crédibilité de la signature du Sénégal est à ce prix. Ibrahima Lissa FAYE
Ce décalage met en lumière une confusion persistante et dangereuse entre deux sphères que tout devrait pourtant séparer : la communication institutionnelle et l'agitation politique. La première faille de la Primature réside dans son incapacité à opérer la distinction fondamentale entre le militantisme et la gouvernance. En effet, la communication institutionnelle est celle de l'État. Elle est normée, impersonnelle et rassurante. Son but n'est pas de séduire, mais d'informer et d'assurer la continuité du service public. Comme le théorise Pierre Zemor, expert reconnu de la communication publique : « La communication institutionnelle est l'art de rendre l'action publique lisible et prévisible. Tout écart au protocole est une brèche ouverte à l'interprétation et à la défiance. »
Dans l'affaire du vol vers Abu Dhabi, le fait que l'information ait été révélée par des canaux non-officiels (via Madiambal Diagne) plutôt que par un communiqué sobre de la Primature constitue une faute technique majeure. L'institution s'est retrouvée à subir le récit médiatique au lieu de le maîtriser.
Le piège de la communication politique
À l'inverse, la communication politique vise la persuasion, l'émotion et le combat. Le drame survient quand cette logique contamine la sphère étatique.
L'intervention du Président de l'Assemblée nationale, Malick Ndiaye, tentant de justifier le voyage par un lapidaire « Sonko da wouti koppar » (Sonko est parti chercher de l'argent), en est l'illustration parfaite. Ce qui se voulait une défense politique s'est transformé en naufrage institutionnel. Cette phrase a renvoyé l'image d'un État aux abois, naviguant à vue, là où les marchés et les partenaires attendent de la stratégie. Thierry Libaert, spécialiste de la communication de crise, nous rappelle pourtant une règle d'or : « Toute tentative de déni ou de justification maladroite ne fait qu'amplifier la crise. »
Face à ce tohu bohu, on est en droit de se demander où sont les communicants du gouvernement. Et pourtant la Primature dispose aujourd'hui d'une véritable armada : un service de communication dédié, le Bureau d’Information et de Communication Gouvernemental (BIC Gouv) sous tutelle, ainsi que Marie Rose Faye, ministre déléguée Porte-parole du gouvernement. Malgré ce dispositif, il règne un flou artistique autour de la communication institutionnelle qui laisse libre court à la rumeur.
Aujourd'hui, le Sénégal s'éloigne des standards. L'opacité règne malgré les moyens, prouvant que la communication est avant tout une question de discipline intellectuelle, pas de logistique. Au-delà de la théorie, ces failles communicationnelles trahissent des tensions bien réelles. Un fait intrigant avait déjà retenu l’attention de PressAfrik : l’absence totale de mention du Premier ministre lors du communiqué du Conseil des ministres du mercredi 22 octobre 2025. Nous nous étions interrogés à l'époque sur cette invisibilité soudaine, soulevant l'hypothèse d'un malaise latent entre le Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, et son Premier ministre.
L'absence d'explication officielle (manquement institutionnel) a laissé le champ libre à la spéculation politique. Dès canaux non officiels avaient déclaré son absence était pour raison de maladie. Ousmane Sonko étant un humain malgré l'idolâtrie dont il fait l’objet, son service de communication aurait pu anticiper via un communiqué afin de nous éviter toutes conjectures. Ce vide a été comblé par des éléments de langage désordonnés, confirmant ce que l'orthodoxie républicaine aurait dû cacher : une possible dissonance au sommet de l'État.
Le Sénégal a besoin d'une diplomatie économique crédible et d'une gouvernance qui inspire le respect. Cela passe impérativement par une communication qui respecte la stature de l'État. Ousmane Sonko doit désormais opérer sa propre mutation : délaisser les réflexes de l'opposant, habitué aux coups d'éclat et à l'agilité partisane, pour embrasser la lourdeur, mais aussi la grandeur, de la communication institutionnelle. La crédibilité de la signature du Sénégal est à ce prix. Ibrahima Lissa FAYE