Sri Lanka: le président Gotabaya Rajapaksa fuit aux Maldives, l'état d'urgence déclaré

Le président sri-lankais Gotabaya Rajapaksa, conspué par un fort mouvement populaire, a quitté son pays tôt mercredi 13 juillet à bord d'un avion militaire pour se rendre aux Maldives. Le Premier ministre, contesté lui aussi, a été désigné président par interim par le Parlement.



Quelques heures après la fuite de son président, le Sri Lanka a déclaré l'état d'urgence pour faire face à cette situation exceptionnelle. « Le président ayant quitté le pays, l'urgence a été déclarée pour faire face à la situation dans le pays », a déclaré à l'AFP le porte-parole du Premier ministre, Dinouk Colombage.
 
Le président du Parlement a annoncé mercredi que le Premier ministre avait été désigné président par intérim.  « En raison de son absence du pays, le président Rajapaksa m'a dit qu'il avait nommé le Premier ministre pour agir en tant que président, conformément à la Constitution », a déclaré Mahinda Yapa Abeywardana dans une brève allocution télévisée. Selon la procédure habituelle, le Premier ministre exercera ces fonctions jusqu'à l'élection par le Parlement d'un député qui exercera lui-même le pouvoir jusqu'à la fin du mandat en cours, c'est-à-dire novembre 2024.
 
Cependant, ce mercredi, des milliers de personnes se sont rassemblées devant les bureaux du Premier ministre, incitant les forces de l'ordre à tirer des gaz lacrymogènes pour les empêcher d'envahir le bâtiment, comme ils avaient envahi le palais présidentiel samedi. La foule réclame la démission du Premier ministre en même temps que celle du président.
 
Les manifestants leur avaient d'ailleurs posé un ultimatum à 13h. Sans quoi ils menacent de redoubler la contestation, notamment le long de la promenade maritime qui est occupée depuis des mois.

 

Gotabaya Rajapaksa est accusé d'avoir mal géré l'économie, menant à l'incapacité du pays, en manque de devises étrangères, à financer les importations les plus essentielles à une population de 22 millions d'habitants. Colombo a fait défaut sur sa dette extérieure de 51 milliards de dollars en avril et est en pourparlers avec le FMI pour un éventuel renflouement. Le Sri Lanka a presque épuisé ses réserves d'essence. Le gouvernement a ordonné la fermeture des bureaux non essentiels et des écoles afin de réduire les déplacements et d'économiser du carburant.
 
Sentiments mitigés
Parmi les Sri Lankais, les sentiments sont très partagés après la fuite du président, rapporte notre envoyé spécial à Colombo, Côme Bastin. Pour certains, ce n’est pas vraiment une surprise, car l'ex-président avait déjà tenté de fuir mardi. Pour d’autres, c’est un soulagement car cela confirme qu’il va bien démissionner. Mais certains habitants sont aussi en colère parce qu'ils jugent que Gotabaya et son clan auraient mérité un procès pour leur corruption et leur autoritarisme et vont ainsi y échapper. Surtout, les Sri Lankais savent que le départ du président n’est qu’une première étape vers la formation, très complexe, d’un gouvernement provisoire.
 
« C’est une situation très incertaine, car le président a dit qu’il allait démissionner, mais il n’a pas officiellement démissionné, réagit un Sri Lankais, au micro de notre envoyé spécial Sébastien Farcis. Donc on ne sait plus qui dirige le pays. Ce président n’a jamais été là pour répondre aux demandes de notre mouvement de protestation, et maintenant, il fuit. C’est clair qu’il a peur. C'est la première fois qu’un président fuit le Sri Lanka ainsi. »
 
Gotabaya Rajapaksa, accompagné de son épouse et d'un garde du corps, a atterri ce mercredi matin aux Maldives où il a été conduit sous escorte policière vers une destination encore inconnue. Le dirigeant de 73 ans, qui a promis de démissionner pour une « transition pacifique du pouvoir », avait quitté un peu plus tôt le Sri Lanka à bord d'un Antonov-32 de l'armée de l'air. Selon des sources aéroportuaires, l'appareil a été retenu pendant plus d'une heure sur le tarmac de l'aéroport dans l'attente d'une autorisation d'atterrir aux Maldives.
 
Un vaisseau de la marine avait été utilisé pour transférer le chef de l'État samedi du palais présidentiel assiégé par les manifestants au port de Trincomalee, dans le nord-est du pays. Dans cette fuite, le président sri-lankais a laissé derrière lui une valise remplie de documents et 17,85 millions de roupies (49 000 euros) en liquide, désormais sous scellés.
 
Il avait ensuite rejoint lundi en hélicoptère l'aéroport international de Colombo. Mais mardi, les responsables de l'immigration lui avaient refusé l'accès au salon VIP pour faire viser son passeport, alors que le chef de l'État voulait éviter le terminal ouvert au public, craignant la réaction de la population.
 
Le chef de l'État et sa femme avaient passé la nuit de lundi à mardi dans une base militaire proche de l'aéroport international après avoir manqué quatre vols qui auraient pu les conduire vers les Émirats arabes unis. Son plus jeune frère Basil, qui a démissionné en avril de son poste de ministre des Finances, a aussi manqué son avion pour Dubaï après une confrontation similaire avec l'immigration.

RFI

Mercredi 13 Juillet 2022 09:27


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