Tenue de l’antenne et irresponsabilité : Les médias face à l’honneur blessé des communautés religieuses et ethniques (Par Adama Sow, journaliste)



Insultes envers Makhtar Kébé et la communauté tidiane: il y a moins d'une semaine j'alertais le CNRA, les responsables de chaines et les présentateurs d’émissions…Voici mon énième coup de gueule sur le sujet.
 
 
Il faut le dire sans détour : ce qui se passe sur certains plateaux de télévision et chaînes YouTube au Sénégal dépasse l’entendement.
 
Ce ne sont plus des espaces de débat ou de réflexion, mais des tribunes d’invectives, de diffamation, de dérision et parfois de haine.
Et chaque jour, on s’enfonce un peu plus dans ce que j’appelle la “désacralisation de la parole publique”.
 
L’affaire des insultes proférées contre Serigne Pape Makhtar Kébé, un homme de savoir, de foi et de pondération, n’est pas un simple écart individuel.
 
C’est le symptôme d’un mal profond : l’effondrement du sens de la responsabilité sur les plateaux, et la faillite de ceux qui en ont la garde, les animateurs, les présentateurs, et surtout les directions de programmes.
 
Depuis quelques années, les plateaux se sont transformés en ring du buzz, où l’outrance fait office de talent et l’agression de courage.
 
Des individus sans formation journalistique, ni repères éthiques, se parent du titre de “chroniqueur” pour insulter, humilier, accuser, manipuler.
 
Et tout cela se déroule en direct, sans la moindre intervention des présentateurs censés recadrer et maintenir la tenue de l’antenne.
On laisse dire, on laisse faire, parce que le buzz fait des vues, et les vues font des revenus.
 
Mais jusqu’où allons-nous laisser faire ?
Jusqu’à la prochaine crise ? Jusqu’à ce qu’une insulte allume un conflit ?
Ce laisser-faire médiatique est une bombe sociale à retardement.
 
Ce n’est pas la première fois que j’interpelle le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) sur ces dérives.
 
Mais j’espère sincèrement que cette fois, le CBRA prendra ses responsabilités.
Réguler, ce n’est pas censurer. C’est protéger l’espace public, encadrer les pratiques, rappeler la loi et surtout préserver la dignité du débat national.
 
Quand des plateformes deviennent des zones de non-droit où l’on s’en prend impunément aux guides religieux, aux communautés, aux femmes ou aux hautes autorités étatiques et aux institutions, ce n’est plus de la liberté d’expression, c’est de la dégradation morale.
 
Le Sénégal a toujours eu cette force rare : un équilibre social fondé sur le respect, la parole mesurée et la foi partagée.
 
Si nous laissons la vulgarité et la violence verbale s’installer durablement dans nos médias, nous perdrons ce qui fait de nous une société civilisée. Alors oui, il faut le dire haut et fort : trop, c’est trop. La liberté d’expression n’est pas un permis d’insulter.  Les plateaux ne sont pas des tribunaux.
 
Et la profession de journaliste ne doit pas devenir une scène de cirque.
 
C’est maintenant qu’il faut agir, avant que le bruit ne recouvre la raison.
 
Adama Sow
Journaliste

Moussa Ndongo

Samedi 4 Octobre 2025 23:01


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