VIDEO: Blocage de la publication des résultats de la présidentielle ivoirienne

La multiplication des communiqués de l’ONU, de l’UA, de l’UE, des Etats-Unis, de la France et de la Fondation Carter, appelant tous au respect du verdict des urnes et du délai constitutionnel de proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle ivoirienne, mettent la CEI sous pression. Alors que le couvre-feu est prorogé, cela suffira-t-il à faire plier le camp du président Laurent Gbagbo qui réclame l’invalidation de « votes frauduleux dans le Nord », et à éviter une nouvelle partition de la Côte d’ivoire ?



Election en Côte d'Ivoire - Le porte-parole de la CEI Bamba Yacouba (C), qui vient d'être physiquement empêché d'anoncer les résultats par Damana Adia Pickass (G), représentant de Laurent Gbagbo
La pression monte sur la Commission électorale indépendante (CEI), dirigée par Youssouf Bakayoko, pour qu’elle proclame les résultats provisoires du second tour de l’élection présidentielle ivoirienne, qui a opposé Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara (ADO), le 28 novembre. On ne compte plus les communiqués diplomatiques ou d’institutions internationales allant en ce sens, dans un climat de tension croissant qui laisse craindre des violences en Côte d'Ivoire.

Dans une déclaration faite à Abidjan, ADO a essayé d'amadouer son « frère » Laurent Gbagbo et jugé « impératif que la CEI proclame immédiatement les résultats provisoires » du scrutin, alors que la date limite approche - minuit selon la Constitution - et que le camp du président sortant réclame l`annulation de votes « frauduleux » dans trois régions du nord du pays.

"Bon déroulement du 2e tour", selon l’UA

Le Conseil de paix et de sécurité de l`Union africaine a quant a lui publié à Tripoli un communiqué demandant « aux parties ivoiriennes d`accepter le verdict des urnes et la volonté populaire et, le cas échéant, de ne faire recours qu`aux mécanismes et processus prévus par la loi pour le règlement de tout contentieux électoral ». Le Conseil se félicite également « du bon déroulement dans l`ensemble du 2e tour de l`élection présidentielle en Côte d`Ivoire ».

Le secrétaire général de l`ONU, Ban Ki-moon, a lui aussi appelé « toutes les parties à permettre à la commission électorale indépendante d`achever ses travaux sans entraves, afin d`assurer l`intégrité des résultats de l`élection ». La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a abondé dans ce sens en demandant que la « volonté du peuple ivoirien soit entièrement respectée ».

"Honorer le résultats"

Auparavant, la fondation Carter et la diplomatie américaine avaient également demandé le respect du verdict des urnes. « Nous exhortons vivement les candidats à permettre le pointage et la transmission des résultats sans y faire obstacle, et à honorer les résultats une fois qu’ils seront annoncés (...) », écrit dans un communiqué la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton. Le président français s’impatiente lui aussi. Nicolas Sarkozy a jugé dans un communiqué « essentiel » que la CEI annonce « dans le délai prévu, c'est-à-dire avant ce soir » les résultats provisoires. « La volonté du peuple ivoirien doit être pleinement respectée », indique-t-il.

Dans ce contexte particulièrement tendu où le camp Gbagbo espère que le Conseil constitutionnel prendra la main sur le travail de la CEI si elle ne réussit pas à proclamer les résultats avant minuit, le président sortant Laurent Gbagbo a prorogé en fin de journée par décret le couvre-feu en vigueur depuis samedi soir, jusqu’au dimanche 5 décembre. Selon le texte, il devrait durer de 19H00 à 06H00 (locales et GMT).

Le camp Gbagbo fera "tout ce qui est en son pouvoir" pour gagner

Le camp du président sortant Laurent Gbagbo joue la montre et tente l’impossible pour court-circuiter la Commission électorale indépendante de Côte d'Ivoire en empêchant qu’elle ne proclame les résultats du second tour de l’élection présidentielle. Auquel cas, le Conseil constitutionnel, favorable à Gbagbo, prendrait la main sur la publication des premiers résultats.

Le porte-parole de Laurent Gbagbo, Pascal Affi N'Guessan, adopte désormais un langage martial, alors que les résultats provisoires de l’élection présidentielle ivoirienne, attendus à 11 heures ce matin, ne sont toujours pas annoncés par la Commission électorale indépendante (CEI). « Nous nous battrons jusqu'au bout pour que ce soit de vrais résultats qui soient proclamés », a-t-il déclaré mercredi. Faisant référence à la dénonciation par son camp du vote selon lui « frauduleux » qui a eu lieu au second tour dans plusieurs régions du Nord.

« Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir », a-t-il menacé, pour que le vote de « toutes les localités où les élections se sont déroulées de façon frauduleuse » soit « annulé ». Pour lui, les régions concernées sont celles des Savanes, de Denguele et du Worodougou. Des « requêtes en annulation » pour le vote dans ces zones ont été déposées devant la CEI, a-t-il indiqué, et devraient l’être aussi « dans la journée » auprès du Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel, dernier espoir du camp Gbagbo ?

Alors que les jeux semblent faits devant la CEI, le camp présidentiel envisage désormais d’autres moyens d’arriver à ses fins, après avoir empêché physiquement le porte-parole de la CEI, Bamba Yacouba, de proclamer les premiers résultats provisoires hier soir. « Au niveau du Conseil constitutionnel tout est encore possible, c'est l'instance suprême qui est chargée de la proclamation des résultats », a expliqué Affi N’Guessan. « Ce n'est pas parce que la CEI a proclamé un résultat que le Conseil est condamné à [la] suivre. »

Le Conseil constitutionnel deviendrait ainsi l’arme ultime pour La majorité présidentielle, la coalition qui soutient Laurent Gbagbo. Il est en effet présidé par un proche du chef de l'État et doit valider, ou non, les résultats provisoires que la CEI est officiellement chargée d'annoncer au plus tard mercredi soir.

C’est pourquoi le camp Gbagbo joue la montre et exerce une pression considérable sur la CEI, une pression que les chancelleries occidentales présentes à Abidjan ont tenté de contrebalancer en envoyant des émissaires au siège de l'institution dans la matinée de mercredi pour l'encourager à poursuivre son travail. Mais si aucun résultat n’était annoncé d’ici 17 heures (ou minuit, au plus tard), le Conseil constitutionnel reprendrait la main sur le dossier des résultats. Et il pourrait ne pas porter le même regard que l’Onuci ou la mission d’observation de l’UE sur le caractère « démocratique » et « globalement satisfaisant » du scrutin.

« La majorité présidentielle n'est aucunement engagée dans une logique de confiscation du pouvoir », s’est pourtant défendu Affi N’Guessan. Pour lui, les choses sont claires : son parti « se battra » contre « toute logique d'usurpation du pouvoir » basée sur « la violence politique et la fraude électorale ».

Craignant des violences, de nombreux Abidjanais restés chez eux
De nombreux Abidjanais étaient restés chez eux mercredi, dans la crainte de violences à l'annonce prévue dans la matinée des premiers résultats nationaux du second tour de la présidentielle de dimanche en Côte d'Ivoire, ont constaté des journalistes de l'AFP.

La capitale économique tourne au ralenti depuis lundi, et la circulation était fluide mercredi sur les grands axes routiers habituellement embouteillés dès les premières heures de la journée. Le quartier central du Plateau, dédié à l'administration et aux affaires, était toujours quasi-désert.

La Commission électorale indépendante (CEI) devait annoncer ces résultats partiels à 11H00 (locales et GMT), après en avoir été empêchée par certains de ses membres proches du président-candidat Laurent Gbagbo, rival de l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara. Elle a officiellement jusqu'à mercredi soir pour annoncer les résultats complets.

Les forces de l'ordre, qui durant le couvre-feu nocturne (de 19H00 à 06H00) étaient postées à des points stratégiques de la ville, se montraient très discrètes dans les rues mercredi matin, a-t-on constaté.

Leur présence était toutefois plus visible dans le quartier populaire d'Abobo, fief de M. Ouattara où des heurts entre opposants et police avaient fait samedi au moins trois morts, a rapporté un habitant.


AFP

Jeudi 2 Décembre 2010 09:13


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