Ziguinchor : un réseau de trafic d’êtres humains démantelé, tous ses membres déférés au parquet



L’antenne régionale de la Division nationale de lutte contre les migrants et pratiques assimilés (Dntl) de Ziguinchor (sud) a démantelé le 20 novembre 2025, un réseau de traite internationale opérant entre la Sierra Leone, la Guinée Conakry et le Sénégal.

L’affaire a éclaté après la fuite d’une jeune Sierra-Léonaise recrutée via Facebook puis exploitée à Ziguinchor et Bignona. L’enquête a révélé un réseau de six membres : une organisatrice, son compagnon, une responsable financière, une chargée du transfert, ainsi que deux autres complices identifiés après le témoignage de nouvelles victimes. L’organisatrice a admis avoir vendu une quinzaine de jeunes filles à 300 000 FCFA chacune. Les six membres ont été déférés devant le procureur de Ziguinchor. 

La Dntl a exploité les renseignements de l’une des victimes pour procéder au démantèlement de ce réseau criminel. La victime identifiée sous le nom de M K Bindi. s’est présentée dans les locaux de la Dntl après avoir pris la fuite. Cette dernière a été recrutée depuis la Sierra Léone par Cécilia Sessay qui est chargée des recrutements des femmes en Sierra Léone et de la vente des victimes à des tiers une fois au Sénégal.

Elle a contacté M K Bindi via Facebook en lui proposant un travail de ménagère au Sénégal. Après le recrutement, elle lui a envoyé 15 000 FCFA pour les frais de voyage. Une fois au Sénégal, c’est Mouhamed Mané, le copain de Cécilia Sesay l’a réceptionné au garage avant de le conduire à son domicile où réside Cécilia Sessay. Il assurait aussi l’hébergement des victimes. M K Bindi y a séjourné pendant quelques jours.

 Deux femmes de nationalité nigérianes sont les « acheteuses » 

Par la suite, deux femmes de nationalité nigériane, identifiées comme Hope Okeibunor et Joy John et respectivement chargées du financement des frais de transport des victimes pour le trajet Sierra Léone Sénégal et de récupérer les victimes à Ziguinchor pour les conduire vers les lieux d’exploitation sexuelle, se sont présentées au domicile. Elles ont remis 300 000 FCFA à Cécilia, correspondant au prix de la « vente » de la victime.  Après cette transaction, Joy John a conduit la jeune fille à un campement situé à Bignona, dénommé « chez Loulou ».

Une fois sur les lieux, cette dernière lui a fait subir quelques pratiques de rituels en l’obligeant de jurer de ne jamais dénoncer ses ravisseurs ou refuser à lui verser le montant qu’elle allait lui fixer pour le remboursement, sous menace de mort et de sanctions mystiques. Après ces pratiques d’intimidation, d’après la victime, John a confisqué son téléphone, ses documents de voyage, puis lui a annoncé qu’elle serait exploitée dans la prostitution, et non comme domestique. Elle lui a également exigé le paiement de deux millions de FCFA, prétendant que cette somme représentait les frais de transport engagés pour son voyage.

L’évasion de M K Bindi a permis à la Dntl de procéder à leurs arrestations  
Ayant refusé et craignant pour sa sécurité, la victime a profité d’un moment favorable pour s’échapper et se présentait dans les locaux de l’antenne régionale de la Dntl. Les premiers éléments de l’enquête ont révélé un mode opératoire laissant présumer l’existence d’un réseau criminel structuré et actif entre la Sierra Léone, la Guinée Conakry et le Sénégal. Sur la base des indications de la victime, une mission d’interpellation a été diligentée. Cécilia a été localisée et appréhendée au domicile de Mouhamed Mané sis au quartier Lyndiane de Ziguinchor. Interrogée sur les faits qui lui sont imputés, elle a reconnu sa participation dans ce réseau ainsi que celles de Mouhamed Mané, Joy John et Hope Okeibunor. Selon les informations révélées par Mouhamed Mané, Cécilia a déjà « vendu » 15 femmes de nationalité sierraléonaise, chacune au prix de 300 000 FCFA au profit du réseau animé par Joy John et Hope Okeibunor. D’après lui, il percevait 20 000 et 40 000 FCFA pour sa part en contrepartie de l’hébergement temporaire des victimes. Toutefois, il a préféré garder le silence sur l’identité des clients ou acquéreurs finaux.

La poursuite des investigations techniques a permis de localiser et d’interpeller Joy John à proximité d’un campement à l’enseigne « chez Loulou », située à Bignona. Cette dernière a reconnu avoir joué un rôle actif dans les transferts des victimes depuis Ziguinchor vers les zones dédiées à l’exploitation sexuelle. Sur les pratiques mystiques, elle a admis que celle-ci n’avait pas une vocation spirituelle réelle qu’il s’agissait juste d’un moyen de pression psychologiques destinés à instaurer la peur. Cueillie à son tour, Hope Okeibunor a avoué qu’elle assurait le financement des opérations de recrutement des jeunes filles en Sierra Léone jusqu’à leur transfert au Sénégal en précisant que son rôle ne se limitait pas au paiement des moyens de transport, mais qu’elle englobait aussi l’ensemble des dépenses nécessaires aux déplacements et à l’acheminement des victimes. Cherchant à minimiser sa responsabilité, elle a essayé de se décharger en désignant Cécilia comme étant le cerveau du groupe, lequel serait composé de Mouhamed Mané et Joy John.

Deux nouvelles victimes se sont présentées dans les locaux de la Dntl 
A la suite de l’interrogatoire de Okeibunor, deux autres victimes de nationalité sierra léonaise se sont présentées dans les locaux de la Dntl en déclarant être aussi des victimes de ce réseau et qu’elles ont été recrutées puis exploitées sexuellement par deux individus se faisant appeler initialement « Anna » et « Joyce » qui se sont révélés être successivement Harrison Succès et Uynwa Ester Okéhé, toutes deux de nationalité nigériane. Elles ont été arrêtées. Le recrutement de ces deux victimes a eu lieu dans le village de Moulomp, situé à proximité de Thionck Essyl. Les victimes ont également indiqué que, après leur arrivée dans ce village, les membres du réseau leur ont exigé le paiement d’un prétendu remboursement respectueusement de 1 500 000 et 1 800 000 FCFA, présenté comme des « frais de transport », en vue de les maintenir sous emprise pour leur exploitation sexuelle.

Confrontée à tous ces éléments de preuve, Cécilia Sessay a finalement avoué être l’organisatrice principale du réseau criminel actif entre la Sierra Léone, Guinée Conakry et le Sénégal. Tous les prévenus ont été tous présentés au procureur de la République près du tribunal de grande instance de Ziguinchor. 

Fatime Gueye (Stagiaire)

Mardi 25 Novembre 2025 11:43


Dans la même rubrique :