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Le TPIY: 20 ans de poursuites judiciaires internationales dans les Balkans

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a 20 ans. Erigé en 1993 par le Conseil de sécurité des Nations unies, il devrait clore ses travaux d’ici deux à trois ans, après avoir prononcé ses derniers jugements contre les chefs politiques et militaires des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic.



Le TPIY: 20 ans de poursuites judiciaires internationales dans les Balkans

Ce 25 mai 1993, la guerre fait toujours rage en ex-Yougoslavie. Dans la salle ovale du Conseil de sécurité des Nations unies à New York, les Etats adoptent la résolution créant la première juridiction internationale depuis le tribunal de Nuremberg, chargé de juger les chefs nazis après la Seconde Guerre mondiale. Impuissantes à juguler les guerres yougoslaves, les grandes puissances décident donc de mettre sur pied un nouveau tribunal.

Mais c’était pour nous « un rideau de fumé », avait expliqué l’ex-secrétaire d’Etat américaine, Madeleine Albright, lors d’une déposition devant le tribunal, « chacun pensait qu’il n’y aurait pas d’accusés, qu’il n’y aurait pas de procès ». Ce « tigre de papier » va se réveiller grâce à la pugnacité de ses premiers juges et l’impulsion de son président, le magistrat italien Antonio Cassese.

A l’époque, la justice internationale est une affaire de pionniers, le tribunal pour l’ex-Yougoslavie une aventure judiciaire. En février 1994, alors que le marché de Markale, au cœur de Sarajevo, est bombardé, les juges, qui ne veulent plus que les petits chefs de milice soient les seuls inculpés, incitent le procureur à poursuivre les plus hauts responsables. Un an plus tard, Radovan Karadzic, le chef politique des Serbes de Bosnie, est dans le viseur du tribunal.

161 responsables accusésDepuis sa création, le tribunal a mis en accusation 161 hauts responsables des guerres yougoslaves. Chefs d’Etat, ministres, espions, officiers et miliciens se sont assis dans le box des accusés, dont Slobodan Milosevic. Mais l’ex-président yougoslave est décédé dans sa cellule, en mars 2006, quelques mois avant la fin de son procès. S’il est donc « présumé innocent » sur le plan judiciaire, il reste de son affaire les archives : plus de 400 témoignages et des milliers de pièces à conviction qui racontent par le détail cinq années de guerre dans les Balkans, de Sarajevo à Pristina.

Avec l’audition de plus de 4 500 témoins en 20 ans, et après être parvenu à récupérer des milliers de pages d’archives dans les ministères de Belgrade et à Banja Luka, chef-lieu de l’entité des Serbes en Bosnie, le tribunal a contribué à contrer toute forme de révisionnisme. Ses jugements sur Srebrenica, l’un des épisodes les plus sanglants de la guerre, au cours duquel près de 6 000 Bosniaques musulmans avaient été exterminés, ont lentement contraint Belgrade à reconnaître le drame. « Je m’agenouille et demande que la Serbie soit pardonnée », a ainsi déclaré le nouveau président serbe, le nationaliste Tomislav Nikolic, le 25 avril dernier.

Un tribunal à Sarajevo

Au cours de ses premières années, le tribunal avait surtout visé les responsables serbes. L’arrivée de la procureure suisse Carla del Ponte, en 2002, change la donne. Cette fois, de hauts responsables bosniaques, croates et kosovars sont eux aussi ciblés et tombent dans les filets du tribunal.

Mais à New York, les Etats s’impatientent et demandent aux magistrats d’accélérer le rythme, de boucler au plus vite les dernières affaires. Carla del Ponte résiste. Le juge français, Claude Jorda, accepte à demi-mot, pour mieux convaincre New York de soutenir la création d’un tribunal spécial crimes de guerre à Sarajevo, où les seconds couteaux sont encore jugés aujourd’hui.

Pressions politiques

Au cours de ces vingt années, le tribunal a dû, sans relâche, se prémunir de l’ingérence des puissances, au premier chef les Etats-Unis. Avec plus ou moins de succès. En novembre 2012, legénéral franco-croate Ante Gotovina  est acquitté.

Puis, début 2013, c’est au tour du général Momcilo Perisic, ex-chef d’Etat-major de Serbie. Beaucoup d’analystes y ont vu le résultat de pressions politiques. Des officines américaines soutenues par le département d’Etat ont formé les soldats de Gotovina pendant la guerre.

Quant au général Perisic, l’arrêt rendu par le tribunal « permet de changer la jurisprudence et de rendre ainsi plus difficile la poursuite de supérieurs hiérarchiques », explique un juriste de La Haye. Malgré leur volonté affichée de soutenir la justice internationale, les Etats veillent à prémunir leurs officiers de futurs jugements. Ces deux décisions ont provoqué une immense colère en Bosnie, où les plus fervents supporters du tribunal, comme Refik Hodzic, y voient des « motifs politiques », et constatent, dans une tribune, que « le TPIY n’est, malheureusement, pas notre tribunal, mais juste une autre agence des Nations unies ».

Hors-jeu politique

Chargée d’aider au retour de la paix, le tribunal a surtout permis de mettre hors-jeu les principaux acteurs de la guerre, dont Radovan Karadzic et Slobodan Milosevic. Le premier, chef politique des Serbes de Bosnie, avait été écarté des négociations de paix de Dayton en décembre 1995 en raison de son inculpation.

Puis, les Américains lui avaient assuré l’impunité contre son retrait de la vie politique. Après des années de cavale, il a finalement été débusqué dans un faubourg de Belgrade, en juillet 2008. Il est toujours en procès à La Haye. Quant à Slobodan Milosevic, inculpé en 1999, il avait perdu le pouvoir sous la pression de la rue en 2001, avant d’être envoyé à La Haye. Loin de Belgrade, l’ex-homme fort de Serbie ne risquait plus d’influer sur l’avenir du pays.

Le tribunal a aussi servi à cristalliser la colère des victimes dans l’après-guerre. Les associations de rescapés ont fustigé ses travaux, jugeant les peines toujours trop faibles, les accusés trop peu nombreux, mais elles ont été présentes à chaque grande étape, rejoignant La Haye par autobus depuis Sarajevo, pour crier leur colère à la face de leurs bourreaux.


Dépêche

Samedi 25 Mai 2013 - 13:39


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