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Afrique du Sud: il y a quarante ans, la révolte de Soweto

Il a 40 ans, Soweto explosait. Le 16 juin 1976, des milliers d'écoliers descendaient dans les rues du township pour protester contre l'Afrikaans qui allait être imposé comme langue d'enseignement dans toutes les écoles noires. Une langue perçue comme celle de l'oppresseur. Le soulèvement a dégénéré et a été un tournant décisif dans la lutte contre l'apartheid.



Tôt ce matin-là des milliers d'écoliers se déversent dans les rues de Soweto. Des gamins - la plupart en uniforme d'école - brandissent des slogans peints sur des bouts de carton : « Au diable l'afrikaans » ou alors « L'afrikaans pue ». Cette langue était perçue comme celle de l'oppresseur du régime d'apartheid. « L’Afrikaans était une matière que la plupart des élèves noirs détestaient et pour laquelle ils avaient de mauvaises notes. Non seulement c’est une langue difficile, mais en en plus ce n’était pas une langue utilisée par les noirs dans les townships. C’était la langue de l’oppresseur, si vous connaissiez quelques mots dans cette langue c’était pour dire 'oui' au maître blanc. Il nous était impossible d’envisager d’étudier les maths, ou la science dans une langue que l’on ne maîtrisait pas », raconte Dee Mashinini, âgé de 15 ans à l'époque.
 
Les élèves ont pris la direction du stade de Soweto afin de remettre aux autorités leurs revendications. Cela devait être une marche pacifique, c’est en tout cas ce que nous ont confié les différents ex-leaders étudiants à qui j’ai parlé. Elle a démarré dans le calme selon le photographe sam Nzima qui a l’époque a couvert l’évènement pour son journal, The World. « Mais en chemin, la police est arrivée et leur a dit de se disperser. Les écoliers ont commencé à chanter 'Nkosi Sikeleli Afrika' or à l’époque cette chanson était interdite ! Et je pense que c’est ce qui a provoqué la colère du commandant de police qui a sorti son pistolet, et a tiré dans la foule. Puis il a ordonné à ses troupes de tirer. Et la police s’est mise à tirer au hasard dans la foule, pour tuer. C’était la panique, les écoliers ont commencé à courrir dans tous les sens pour se mettre à l’abri. Mais après, ils sont revenus pour riposter, la police tirait avec des balles réelles et eux laissaient des cailloux ».
 
Dan Montsitsi avait 17 ans en 1976. C'était l'un des leaders du mouvement et il se rappelle de l'euphorie et de la détermination de la marche. « On était en train de chanter et danser au niveau de l'école d'Orlando West High quand la police est arrivée. Elle nous a donné cinq minutes pour nous disperser. Bien sûr on a refusé ! Ils ont lâché un chien dans la foule. On leur a renvoyé la dépouille du chien. Ils étaient furieux et ont lancé des gaz lacrymogènes. On s'est mis à courir et c'est à ce moment que qu'ils ont commencé à tirer. »
 
« Aussitôt qu'ils ont commencé à tirer, nous avons riposté, nous avons commencé à les affronter en lançant des pierres et en nous protégeant avec des couvercles de poubelles. On attaquait même leurs véhicules de police, ils jetaient des bombes lacrymogènes et on les leur renvoyait. On les voyait sortir de leur véhicule en toussant... Et cela s'est transformé en bataille de rue qui a duré toute la nuit », raconte à RFI, Dee Mashinini, frère du leader étudiant de ce soulèvement.
 
Personne ne sait exactement combien d'élèves sont décédés ce jour-là. Certains parlent d'une vingtaine de victimes, le plus connu étant un jeune garcon de 13 ans, Hector Pieterson, qui a été parmi les premiers à être abattu. La photographie de l'enfant, prise par Sam Nzima a fait le tour du monde. On y voit un jeune adolescent tenant dans ses bras le corps inerte d’un écolier, sa sœur à ses côtés, en pleurs.
 
Un tournant dans la lutte contre l'apartheid
 
Dee avait 15 ans ce jour-là et pour lui la marche contre l'Afrikaans a basculé dans la lutte contre l'apartheid. Les affrontements ont repris le lendemain, le surlendemain et en quelques jours les émeutes se sont propagées dans le pays. Le soulèvement de Soweto a duré près d'un an. « Après cela notre propre communauté n’avait plus peur de la police, n’avait plus peur des Afrikaaners, confie Dan Montsitsi. Ils étaient prêt à lutter. Nous avions pu montrer au monde les atrocités du régime d’apartheid. Et ça a donné du courage à nos communautés… les émeutes se sont répandues à travers le pays. Tout le pays était en feu. Ce qui est sûr, c’est que cette journée a allumé la mèche qui a provoqué l’explosion de l’Afrique du sud ! »
 
Plus de 500 jeunes sont morts et des centaines ont été arrêtés ou sont partis en exil pour ne revenir que 15 ans plus tard, après la libération de Nelson Mandela.
 
« Après que ces leaders furent envoyés en prison sur Robben Island, tout est devenu mort politiquement. Il n'y avait pas d'autre campagne, il n'y avait pas de nouveau leader, l'ANC était interdit et en exil, poursuit à son tour Dee Mashinini. Et alors qu'on grandissait, il n'y avait rien pour nous dire ce qu'il s'était passé, ce qu'il fallait faire, aucune information ne circulait, car le gouvernement d'apartheid bloquait absolument tout. Vous ne pouviez même pas faire circuler le discours de Mandela à Soweto, il fallait que ce soit vraiment fait de façon clandestine. Et pourtant, dès juin 76, rien n'a arrêté la machine jusqu'aux élections de 1994. Cela a continué jusqu'en 94. Donc les écoliers de Soweto ont vraiment déclenché un mouvement qui a mené a cette liberté, cette démocratie que nous connaissons aujourdhui. »


Source: Rfi.fr



Jeudi 16 Juin 2016 - 08:50


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